Les Randos de Fred & Paul

Camino : Estella → Los Arcos (21 km) - juin 2019

Nous quittons la cité d’Estella en passant sous la « porte de Saint-Nicolas » (ou de Castille). Cette porte, datant du Moyen Âge, a probablement été détruite en 1516, après la conquête du royaume de Navarre par la couronne de Castille, et reconstruite au cours du XVIe siècle. Nous suivons brièvement la N111 et apercevons, sur la gauche, la chapelle Notre-Dame de Rocamadour. Construit à la fin du XIIe siècle, en dehors des murs de la ville médiévale, l’édifice doit son aspect actuel à diverses restaurations entreprises à partir du XVIe siècle.

Camino Francés : Estella, porte de Saint-Nicolas

Au-delà d’un rond-point, nous quittons la nationale pour un parcours urbain d’1,3 km dans Ayegui (faubourg d’Estella). Ce village annonce que, depuis Roncevaux, nous avons parcouru précisément 100 km sur le Chemin de Compostelle. Nous traversons la N111 et prenons, en face, un chemin de terre montant, entre les vignobles, vers le monastère d’Irache et sa célèbre fontaine à vin (inaugurée en 1991). L’accès à cette dernière peut se faire quotidiennement, de 8 à 20 h, mais il vaut mieux y venir le matin, car seuls 100 litres sont proposés gratuitement à la dégustation. Pour y avoir goûté, nous n’avons pas trouvé ce vin très fameux…

Camino Francés entre Estella et Irache

Construit à l'abri du Montejurra et entouré de vignes, le monastère d’Irache se présente comme un énorme bloc de bâtiments d’époques différentes. Ce premier hôpital pour pèlerins en Navarre (celui de Roncevaux ne verra le jour qu'un siècle plus tard) a été fondé en 1050, par le roi García de Nájera. Rappelons que le terme « hôpital » vient du latin hostes qui signifie « invité ». Il s’agissait donc davantage d’un foyer d’accueil que d’un lieu de guérison, bien que tout ait été fait pour le bien-être du pèlerin.

La période de splendeur du monastère coïncide avec la nomination de San Veremundo comme abbé. L’édifice, construit sous l'invocation de Santa María la Real, a toujours été habité, ce qui a permis de le conserver en excellent état ; mais, en 1985, le manque de vocations a entraîné le départ des frères et depuis, il est inoccupé. Le site a accueilli une université de 1569 à 1824. L'accès au monastère est gratuit, mais nous n’en verrons malheureusement que l’extérieur, car le site est fermé le mardi. Si les reliques de San Veremundo se trouvent alternativement à Villatuerta ou à Arellano, c’est dans l’église du monastère que l’on peut voir son tombeau.

Camino Francés : Irache

Après cette petite pause, nous reprenons le Camino Francés et continuons l’ascension entre des quartiers résidentiels et le camping d’Irache. Nous franchissons la N132b et découvrons, sur la droite, dans le lointain, la Sierra de Lokiz. Cette barrière rocheuse calcaire s'étend sur 22 km d'est en ouest. Ses plus hauts sommets sont situés à l'extrémité ouest : Arnaba (1 255 m) et La Reineta (1 114 m) ; ceux que nous pouvons voir ici à l’extrémité orientale sont Sartzaleta (1 110 m) et San Cosme (1 099 m).

Camino Francés entre Irache et Azqueta Camino Francés entre Irache et Azqueta, sierra de Lokiz

Pendant 600 mètres, nous progressons dans une forêt de chênes et continuons ensuite, sur un chemin de terre, en lisière d’un champ. Au-delà du village d’Azqueta, nous prenons la direction de Villamayor de Monjardín. Ce parcours, montant de 570 à 675 mètres d’altitude, se déroule sur un large chemin caillouteux, entre les champs de céréales. En cours d’ascension, après un kilomètre, nous passons à côté d’une fontaine médiévale dite « des Maures ». Ce bel édifice, avec ses deux grandes arcades, date de 1200. Par un escalier, assez raide, on peut accéder à ce bassin où l’eau est, paraît-il, toujours fraiche.

Camino Francés entre Irache et Azqueta Camino Francés entre Azqueta et Villamayor de Monjardín Camino Francés : Villamayor de Monjardín, fontaine des Maures

Dans Villamayor de Monjardín, nous effectuons une petite pause boisson à proximité de l’église San Andres. L’édifice roman (XIIe siècle), à nef unique, est surplombé d’une tour baroque du XVIIIe siècle. Les deux chapiteaux historiés du portail roman représentent une Vierge à l'Enfant et le combat entre Roland et Ferragut.

Camino Francés : Villamayor de Monjardín, église San Andres

Le château, en ruine, qui domine le village, s'appela d'abord San Estebàn de Deyo. Il a pris le nom de la hauteur conique (890 mètres) sur laquelle il fut construit au Xe siècle, après que Sancho Garcés Ier eut pris aux Maures, en 908, cette position déjà mentionnée en 833 dans leurs chroniques. Selon la légende, le corps de ce monarque navarrais se trouverait dans la forteresse.

Camino Francés : Villamayor de Monjardín, château

Redescendus dans la vallée, la suite du parcours jusqu’à Los Arcos, soit onze kilomètres, va s’effectuer sur de larges chemins, essentiellement caillouteux, en pleine campagne. Sur ce tronçon, quasi rectiligne, on peut voir de loin les randonneurs qui nous précèdent ou qui nous suivent. Si depuis le début de notre périple sur le Camino Francés, nous avons souvent été seuls, depuis Puente la Reina, c’est encore plus flagrant. Il y a pourtant de nombreux pèlerins sur le Chemin, mais la majorité d’entre eux commence les étapes bien plus tôt que nous.

Camino Francés entre Villamayor de Monjardín et Los Arcos Camino Francés entre Villamayor de Monjardín et Los Arcos

Tandis que nous cheminons, parallèlement à l’autoroute A12, entre les champs de céréales, les vignobles et ce que nous croyons être un champ d’asperges, nous découvrons soudain une cafeteria. Il s’agit d’un food truck qui, depuis avril 2014, est là en période estivale et propose des boissons fraîches, des sandwichs,… Nous y effectuons la pause de midi.

Camino Francés entre Villamayor de Monjardín et Los Arcos

À peine sommes-nous repartis de 10 minutes que le ciel nous gratifie d’une averse ; le temps d’enfiler la cape et c’est déjà terminé… Dans le lointain, sur la droite, nous apercevons la basilique San Gregorio Ostiense. Bâtie sur une colline, au-dessus du village de Sorlada, sa position offre une vue privilégiée sur la région. La raison d'être de ce sanctuaire est une relique (son crâne) de San Gregorio Ostiense. La légende raconte comment saint Grégoire, moine bénédictin du XIe siècle, délivra la Navarre d'une invasion de sauterelles qui la ravageait. Enterré dans la basilique, le personnage est vite devenu un saint protecteur contre les sauterelles, les pucerons et autres insectes. Même si l'église primitive a été bâtie après la découverte du sépulcre du saint, au XIIIe siècle, les remaniements ultérieurs ont donné lieu à un temple aux proportions extraordinaires. La basilique actuelle date du début du XVIIIe siècle.

Camino Francés entre Villamayor de Monjardín et Los Arcos Camino Francés entre Villamayor de Monjardín et Los Arcos, San Gregorio Ostiense

Nous contournons une colline couverte de pins (La Raicilla) avant de franchir le Cardiel, un ruisseau coulant dans une petite vallée verdoyante. Nous retrouvons rapidement une large piste caillouteuse suivie en descente, pendant 1,8 km, jusqu’aux premières maisons de Los Arcos. Il est 14 h lorsque nous arrivons au centre de la localité où se situe notre hébergement. Si la chambre est correcte, on ne peut pas en dire autant du repas du soir !

Camino Francés entre Villamayor de Monjardín et Los Arcos

Dans l’après-midi, nous visitons Los Arcos qui, à l’exception des nombreux pèlerins, semble bien désert. Le Chemin de Compostelle est en partie responsable de la construction de l'église Santa Maria (ou de l’Assomption), puisque celle-ci a débuté à la fin du XIIe siècle, à une époque d'affluence massive de pèlerins. L’édifice monumental est un mélange de nombreux styles : roman, gothique, plateresque, baroque, néoclassique. On accède à l’intérieur par un portail plateresque du XVIe siècle, un des meilleurs exemples de l'art de la Renaissance en Navarre. On peut y voir une Vierge à l'Enfant entourée de chérubins ainsi que les apôtres Saint-Pierre et Saint-Paul. Devant le portail se dresse un portique, du XIXe siècle, formé d'une galerie de sept arcs en plein cintre.

Camino Francés : église de Los Arcos

L’intérieur surprend par la profusion de sa décoration mêlant les styles renaissance et baroque qui se démultiplient en ornements, peintures et retables masquant même parfois les structures médiévales. Le grand retable, de style baroque (XVIIe siècle), présente trois cycles religieux sculptés : la Figuration de l'Église avec les douze apôtres, la Passion du Christ et des scènes consacré à la Vierge. Ce bel ouvrage est présidé par une Vierge à l'Enfant du XIIIe siècle, dont la couleur noire originelle a disparu lors de la restauration de 1947.

La décoration baroque caractérise aussi les autres retables : San Juan Bautista, Vierge du Rosaire, San Francisco de Javier et San Gregorio Ostiense. Le retable de la Visitation, situé à côté de la porte menant au cloitre, est un autel, du XVe siècle, où les sculptures dorées se mêlent à l'iconographie. L’autre trésor de l'église est son buffet d'orgue (1760), de style rococo, probablement le plus fastueux de Navarre. Avec son élégante combinaison de bleu et de dorure, il comporte trois hauteurs de tuyaux, dont certains en bois peint, et un jeu de trompettes extérieur.

Camino Francés : église de Los Arcos