Les Randos de Fred & Paul

GR 65 : Le Sauvage → Aumont-Aubrac (29 km) - juin 2014

C'est sous un ciel très nuageux, que nous commençons cette longue étape. Nous contournons le Domaine du Sauvage, ses enclos pour chevaux et ses étangs pour prendre un large chemin forestier jusqu'à la D587. Nous suivons cette route et atteignons ainsi le col de l'Hospitalet et sa chapelle Saint-Roch. Le souvenir de l'ancien hôpital, qui appartenait à l'Hôtel-Dieu du Puy-en-Velay, est perpétué par la fontaine Saint-Roch, but d'un pèlerinage local toujours vivant, et la chapelle du même vocable. En 1340, une église dédiée à Saint-Jacques est attestée en ce lieu, de même qu'un pèlerinage en l'honneur de l'apôtre, le 25 juillet.

GR 65 entre le Sauvage et Saint-Alban sur Limagnole : fontaine Saint-Roch

La Réforme eut raison de cette dévotion et, vers la fin des guerres de Religion, la chapelle tomba en ruine. Malgré tout, le culte du saint demeura attaché à la fontaine portant son nom. Comme bien souvent au XVIe siècle, le culte de Saint-Roch, se substitua à celui de Saint-Jacques. Vers la fin du XIXe siècle, une nouvelle chapelle a été érigée à quelques centaines de mètres de là, en territoire lozérien. Détruit par un cyclone en 1897, le monument a été reconstruit en 1901, tel que nous le voyons aujourd'hui.

GR 65 entre le Sauvage et Saint-Alban sur Limagnole : chapelle Saint-Roch

Le col de l'Hospitalet, à 1308 mètres d'altitude, marque le changement de département : Haute-Loire - Lozère. La Lozère doit son nom à la principale montagne située sur son territoire : le Mont Lozère. Nous progressons brièvement au bord de la D987 (même route que précédemment, mais son numéro est différent puisque l'on a changé de département) avant de bifurquer sur un chemin circulant entre les prés et les bosquets. Le parcours est très beau, mais de fréquentes petites bruines viennent quelque peu gâcher notre plaisir.

GR 65 entre le Sauvage et Saint-Alban-sur-Limagnole : fontaine Saint-Roch GR 65 entre le Sauvage et Saint-Alban-sur-Limagnole

Après 1,5 km, nous traversons la D987 et poursuivons en face sur un large chemin bordé de prairies. Un peu plus loin, le GR 65 croise le GR 4 et continue avec lui pendant deux kilomètres. Ce sentier de grande randonnée part de Royan (Charente-Maritime) et se termine à Grasse (Alpes-Maritimes) ; en 1 400 km, il relie l'Atlantique à la Méditerranée.

De grandes dalles permettent de franchir le ruisseau de Gazamas. Ce cours d'eau, long de 16 km, prend sa source dans les monts de la Margeride aux confins des départements de la Haute-Loire et de la Lozère dans l'ancienne province du Gévaudan ; devenant plus loin la Limagnole, c'est un affluent de la Truyère.

GR 65 entre le Sauvage et Saint-Alban-sur-Limagnole : ruisseau de Gazamas

Depuis la chapelle Saint-Roch, nous cheminons dans la Margeride. Un espace qui se trouve à cheval sur le Cantal, la Haute-Loire et la Lozère. Entre le Velay au nord, l'Aubrac à l'ouest, les Causses et les Cévennes au sud, la Margeride est un haut-plateau granitique (1200 à 1500 m d'altitude) de 60 km de long qui a été épargné par l'activité volcanique du Massif Central. Des rochers polis par les intempéries surgissent soudain du sol comme de gigantesques billes éparpillées dans ce paysage couvert de landes à genêts, de bruyères et de pins.

Un peu avant d'entrer dans un bois, quelques vaches nous regardent passer. Un pelage couleur froment, des cornes en forme de lyre, des yeux qui semblent maquillés,... voici nos premières vaches de race Aubrac ! Demain et après-demain, nous cheminerons sur le plateau de l'Aubrac, au milieu de ces vaches.

GR 65 : vaches Aubrac

Nous passons dans Le Rouget, hameau qui tire son nom de la carrière qui produit ce grès rose appelé : arkose. Cette pierre de construction, très répandue dans la région, contraste avec le gris foncé du granit. Nous empruntons ensuite un chemin de terre passant sous une ligne à haute tension avant de rejoindre, à nouveau, la D987.

Vers 11 h, nous arrivons sur le territoire de la commune de Saint-Alban-sur-Limagnole, mais il nous faudra encore marcher près de 20 minutes avant d'atteindre son centre-ville. En effet, le GR 65 nous fait faire un grand détour, sans intérêt, par un lotissement. Nous contournons l'hôpital psychiatrique, puis effectuons une halte pour admirer le château et notamment son portail et ses galeries en grès rose qui lui donnent un air de théâtre.

GR 65 : château de Saint-Alban-sur-Limagnole

Cette forteresse médiévale, dont les plus anciennes traces remontent au XIe siècle, a été plusieurs fois attaquée et reconstruite. Au XVIIe siècle, sous l'impulsion du marquis de Morangies, propriétaire des lieux, elle a été embellie, avec l'arkose provenant des carrières locales, en s'inspirant du style architectural de la Renaissance Italienne. De 1764 à 1767, sous la conduite de ce marquis, de nombreuses battues furent organisées, à partir du château, pour tenter de capturer la Bête du Gévaudan.

En 1821, Hilarion Tissot, de l'ordre de Saint-Jean de Dieu, transforma le château en asile pour y accueillir et soigner les aliénés. Au fil des ans et des vicissitudes, cet asile prit de l'importance pour se transformer en hôpital psychiatrique qui allait accueillir jusqu'à 620 malades dans les années 1970. C'est dans ce château que l'office de tourisme a aujourd'hui installé ses locaux.

GR 65 : château de Saint-Alban-sur-Limagnole

Même s'il n'est que 11 h 30, nous décidons de manger notre pique-nique au pied de l'église de Saint-Alban-sur-Limagnole qui, comme son nom l'indique, est dédiée à Saint-Alban. Les disciples de ce saint martyr anglais du IVe siècle sont venus fonder un monastère en Margeride, à l'emplacement de l'église actuelle. L'édifice, construit au XIe siècle, est de style roman, mais on ressent aussi l'influence auvergnate. Sa situation, en contrebas de la grand-route, permet de bien voir l'abside, en cul-de-four, éclairée par cinq fenêtres ébrasées qu'entourent de belles arcades en plein cintre. Un imposant clocher-mur à trois baies, construit en 1891, surplombe l'abside ; il porte, accroché à sa croix, une Bête du Gévaudan.

GR 65 : église de Saint-Alban-sur-Limagnole

À la sortie de la ville, après le terrain de sport, nous montons vers une grande croix sculptée. D'ici, le panorama est paraît-il très beau, mais la grisaille ne nous permet pas d'en profiter.

GR 65 entre Saint-Alban-sur-Limagnole et Chabanes-Planes

Un peu en dehors du GR 65, nous admirons l'ancien four à pain de Grazières-Mages, puis nous traversons la Limagnole, et une fois de plus, la D987. La municipalité de Saint-Alban-sur-Limagnole a installé, tout le long du Chemin de Saint-Jacques, une série de panneaux consacrés à l'histoire du pèlerinage. Une bonne initiative, car depuis Monistrol-d'Allier, nous n'avons plus vu aucun panneau touristique. Nous lisons les infos sur l'équipement du pèlerin et apprenons l'histoire de la célèbre coquille Saint-Jacques avant d'entamer la première montée de la journée.

GR 65 : Grazières-Mages, four à pain GR 65, panneau info sur le pèlerin de Saint-Jacques

Si les douze kilomètres entre le col de l'Hospitalet et Grazières-Mages se sont déroulés en descente, passant de 1308 à 950 mètres d'altitude ; la suite du parcours sera plus accidentée. Aussitôt, de l'autre côté de la départementale, nous grimpons un chemin qui serpente entre les racines de pins. Au sommet de la colline (1030 m), le tracé blanc et rouge rejoint Chabanes-Planes.

GR 65 entre Saint-Alban-sur-Limagnole et Chabanes-Planes

Nous traversons le hameau et continuons en faux-plat, à travers bois et champs. Ce parcours est un vrai plaisir olfactif entre l'odeur des pins et celle des genêts en fleur. Au milieu de la forêt, nous découvrons cette construction ; peut-être l'abri d'un pèlerin qui a passé la nuit ici ?

GR 65 entre Chabanes-Planes et Les Estrets : abri

C'est par un large chemin rempli d'ornières que nous descendons vers Les Estrets (940 m). Soudain, nous nous faisons dépasser par un marcheur alors que d'habitude, c'est nous qui allons plus vite que les autres randonneurs. Ceux-ci sont d'ailleurs toujours surpris par notre vitesse de marche qui n'est pourtant que de 4 km à l'heure. Il faut dire que, contrairement à beaucoup de personnes qui se lancent sur le Chemin de Compostelle, nous avons de l'entrainement puisque nous marchons une trentaine de kilomètres tous les week-ends.

GR 65 entre Chabanes-Planes et Les Estrets

Les Estrets est une ancienne commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (appelés communément Chevaliers de Malte) ; leur présence ici est signalée dès le mois de juin 1266. La chapelle, autrefois à l'usage exclusif des Chevaliers, fut agrandie pour devenir l'église paroissiale en 1843. L'édifice possède un clocher-mur à double arcature.

Nous nous abritons de la pluie en pénétrant dans l'ancien four à pain du village. Un peu plus loin, nous traversons le pont où il fallait jadis verser un droit de péage aux seigneurs de Peyre pour passer la Truyère. Cette rivière, de 167 km, prend sa source au sein du massif de la Margeride, à 1450 mètres d'altitude ; elle coule dans les départements de la Lozère, du Cantal et de l'Aveyron. C'est le principal affluent du Lot et donc un sous-affluent de la Garonne.

GR 65 : Les Estrets, pont sur la Truyère

Le GR 65 grimpe lentement en direction d'Aumont-Aubrac en ondulant, pendant plusieurs kilomètres, entre campagne et sous-bois sur un large chemin qui serait une ancienne voie romaine : la Via Agrippa. Le ciel se dégage peu à peu, nous permettant d'enfin enlever la cape et de profiter un peu plus du paysage qui nous entoure.

GR 65 entre Les Estrets et Aumont-Aubrac

Vers 15 h 45, nous atteignons Aumont-Aubrac. Ce village s'est développé au croisement de deux voies de communication très importantes à l'époque gallo-romaine. L'église Saint-Etienne est un ancien prieuré bénédictin, remontant à 1067, au cœur de la baronnie de Peyre. L'édifice a subi de nombreuses reconstructions, d'où son style inspiré à la fois du roman et du baroque. Sa principale particularité est son clocher, excentré, démoli lors de la Révolution et reconstruit en 1839 avec des pierres du cimetière. Une coquille Saint-Jacques, au-dessus du portail, rappelle que le village est une étape importante sur le Chemin de Compostelle.

GR 65 : église d'Aumont-Aubrac

Située sur un des côtés de l'église, la croix de l'Oustalet représente, de face, le Christ et, au revers, la Vierge Marie. On l'appelle croix de l'Oustalet parce que le Christ est placé dans une petite niche polygonale ou « Oustalet » : maisonnette.

GR 65 : Aumont-Aubrac, croix de l'Oustalet

C'est dans une salle, à côté de l'église, que nous terminons cette journée de marche. Toute l'année de 7 à 19 h, René y accueille bénévolement les pèlerins en leur offrant une boisson (thé, café,...) et quelques biscuits. L'occasion de faire connaissance avec d'autres randonneurs, et même de découvrir que certains habitent à seulement quelques kilomètres de chez nous ! En épinglant sur une grande carte l'endroit d'où l'on provient, on s'aperçoit que des marcheurs des quatre coins du monde sont déjà passés par ici.