Les Randos de Fred & Paul

GR 65 : Espalion → Golinhac (25 km) - juin 2014

Il est 8 h 30 quand nous nous mettons en chemin pour une étape qui s’annonce, à nouveau, très vallonnée. Le premier kilomètre, nous menant à Bessuéjouls, s'effectue sur le goudron de la D556. Bessuéjouls est le nom d’une seigneurie dont le château, aujourd’hui en ruine, s’élevait à quelques centaines de mètres au sud-ouest de l’église Saint-Pierre. Celle-ci, située dans un cadre de verdure, a été rebâtie au XVIe siècle, mais a conservé intacte sa partie romane (XIIe siècle) sous le clocher.

GR 65 : église Saint-Pierre de Bessuéjouls

La tour carrée abrite, au premier étage, une chapelle dédiée à Saint-Michel qui constitue un joyau peu connu de l’art roman. On y accède par deux escaliers étroits situés au fond de l’église. Dans cette chapelle, on peut admirer des linteaux sculptés d'entrelacs, des chapiteaux figurés parmi lesquels une sirène à double queue encadrée de deux centaures ou deux personnages cueillant des grappes de raisin.

GR 65 : église Saint-Pierre de Bessuéjouls, chapelle haute Saint-Michel GR 65 : église Saint-Pierre de Bessuéjouls, chapelle haute Saint-Michel

L’autel du XIIe siècle est particulièrement intéressant. Le devant est divisé en trois panneaux où s'inscrivent des entrelacs donnant naissance à des palmettes et des pommes de pin. Sur le côté gauche, les tresses d'entrelacs encadrent l'archange Saint-Michel plongeant sa lance dans la gueule du dragon. À droite, il s'agit probablement de l'archange Gabriel tenant un phylactère, dont l'inscription a disparu.

GR 65 : église Saint-Pierre de Bessuéjouls, chapelle haute Saint-Michel

Après cette petite pause, nous attaquons la première côte de la journée ; par un sentier, nous allons, en 800 mètres, grimper de 140 mètres ! Si la montée est rude, le paysage lui en vaut vraiment la peine. Nous atteignons le plateau, à 480 mètres d’altitude, et retrouvons par la même occasion le goudron sur lequel nous progressons pendant 1,2 km.

GR 65 entre Bessuéjouls et Estaing

Dans Le Griffoul, nous sommes brièvement bloqués par un troupeau de moutons se dirigeant vers une prairie. À la sortie du hameau, l’itinéraire quitte la route pour emprunter, sur la droite, un chemin à travers champs offrant de belles vues sur la vallée du Lot.

GR 65 : troupeau de moutons dans Le Griffoul GR 65 entre Bessuéjouls et Estaing

Le chemin devient un sentier en s’enfonçant dans une forêt de chênes vers le château de Beauregard. La construction de ce dernier est attribuée à Guillaume Dufau, prieur de Trédou de 1674 à 1701. Ce petit manoir abrite aujourd’hui la cave du Château de Beauregard qui produit un vin rouge issu des cépages gamay et cabernet sauvignon.

GR 65 : Sébrazac, château de Beauregard

Nous effectuons une pause boisson, car il fait déjà très chaud, à proximité de l’église de Trédou. Avec le film Saint-Jacques... La Mecque, le Chemin de Compostelle est investi en 2004 par une équipe de neuf acteurs (dont Muriel Robin, Jean-Pierre Darroussin et Pascal Légitimus) pour dix semaines de tournage. Pour le jeune Ramzi, dyslexique et illettré, persuadé au début du voyage qu’il se dirige vers la capitale religieuse musulmane, l’expérience va changer sa vie : au cours du voyage, pendant les petites pauses, le professeur de lettres lui apprend la lecture et c’est dans le cimetière de Trédou qu’il découvre qu’il sait lire !

GR 65 : Sébrazac, église de Trédou

La « plaine » de Trédou, à la confluence du ruisseau de Magrane et du Lot, marque la fin de la vallée prospère que nous suivions depuis Saint-Côme d’Olt. Le Lot vient ici buter sur la faille de Villecomtal, marquée par un premier éperon rocheux, avant d’entrer dans des gorges qu’il va suivre jusqu’à Capdenac. Cette dépression, entre les plateaux calcaires environnants et le premier ressaut schisteux, a permis de développer une agriculture riche, profitant de sols et d’une enclave climatique exceptionnels. Le nombre de grosses fermes et de belles demeures réparties sur un petit périmètre en témoigne de manière évidente : château de Beauregard à Trédou et château de Verrières, vers lequel nous nous dirigeons à présent.

Pendant 2,5 km, jusqu’à Verrières, le GR 65 se poursuit sur de petites routes asphaltées, au milieu de la campagne. Le château actuel a été construit, au tournant du XVIe et du XVIIe siècle, dans l’esprit de la Renaissance par Durand Baldit, médecin d’Espalion, sur l’emplacement d’un manoir primitif. Il présente sur la façade principale deux frontons ainsi que les armes des Baldit. Le château est aujourd’hui la propriété des Lapeyre de Cabanes. La chapelle Saint-Michel, privée mais librement ouverte à la visite, est considérée comme une annexe de l’église de Trédou. Cette chapelle qui abrite en sa nef le tombeau des Baldit renferme aussi un tableau représentant le Christ en croix entre Saint-Michel et Durand Baldit.

Verrieres : panneau GR 65 GR 65 : Verrieres, chapelle Saint-Michel GR 65 : Verrieres, chapelle Saint-Michel (intérieur)

Nous franchissons le ruisseau de Magrane pour rejoindre la D556. Celle-ci débouche rapidement sur la D100, suivie pendant 500 mètres. Un sentier escarpé, montant sur un sol schisteux et redescendant presqu’aussi vite, nous ramène sur la D100. Cette départementale, au bord du Lot, nous conduit à l’entrée d’Estaing.

GR 65 entre Sébrazac et Estaing

Classé parmi les « Plus Beaux Villages de France », Estaing est situé dans un ancien méandre du Lot, aux portes des gorges sauvages du Lot. Il semble devoir son nom, d’origine gallo-romaine, à cette situation : stagnum (latin), signifiant étang, devenu Estaing. Malgré un relief très accidenté et l'important rôle commercial d’Espalion et d’Entraygues-sur-Truyère, Estaing a réussi à se développer grâce au pouvoir civil de ses seigneurs.

La construction du pont sur le Lot, en 1511, a revêtu une importance capitale dans l’essor qu’a insufflé François d’Estaing pour développer la cité médiévale sous son épiscopat (évêque de Rodez, 1501-1529). La statue de son fondateur, le Bienheureux François d'Estaing, a d'ailleurs été érigée en 1866 au milieu du pont. On trouve aussi une croix en fer qui est caractéristique de la technique employée par les grands ferronniers du XVIIIe siècle. Elle est composée d'un enchevêtrement de fers plats formant des lignes qui se croisent et un motif répété cinq fois : une fleur à 4 pétales incluse dans un cercle. Une croix en forme de X décore la croisée des bras. Enfin, une fleur de lys agrémente l'extrémité des branches.

GR 65 : Estaing, pont des Pèlerins GR 65 : Estaing, pont des Pèlerins

Les maisons d’Estaing se blottissent les unes contre les autres dans les petites ruelles autour de l’ancien château bâti sur un promontoire rocheux. Ce château, fief pendant près de huit siècles de la famille d’Estaing, l’une des plus importantes du Rouergue, constitue un ouvrage d’une grande originalité due aux remaniements successifs.

Attesté depuis le XIe siècle, il est composé de plusieurs bâtiments de hauteurs différentes construits, du XIIIe jusqu’au milieu du XXe siècle, autour d’une tour hexagonale. Le sommet de cette tour est cantonné de cinq tourelles, d’une couverture en forme de lanterne et d’une terrasse qui domine le Lot. Vendu comme bien national à la Révolution puis siège d'une congrégation religieuse, le château est, depuis 2012, la propriété de la fondation Valéry Giscard d'Estaing.

GR 65 : Estaing, château

Aux pieds du château, nous découvrons l'église paroissiale édifiée, à la fin du XVe siècle, sur les bases d'un ancien prieuré. L'édifice est riche de remarquables retables en bois dorés mis en valeur par les tons chauds des vitraux contemporains de Claude Baillon. Ce lieu de culte abrite les reliques de Saint-Fleuret, patron de la cité. Selon la légende, Fleuret, évêque auxiliaire de Clermont, fit étape à Estaing où il mourut en l'an 621 lors d’un retour de voyage à Rome après avoir accompli une série de miracles. Son culte est attesté depuis le XVe siècle.

GR 65 : Estaing, église Saint-Fleuret

Cette ancienne croix de cimetière, du XVIe siècle, implantée sur le parvis de l'église représente sur une face, en bas-relief, le Christ en croix, au-dessus d'une mise au tombeau. Le long du bras, de part et d'autre, se recueillent Marie-Madeleine et un pèlerin qui marque fortement le lien entre le site d'Estaing et le grand pèlerinage jacquaire. L’autre face représente une piéta entourée de deux petits anges.

GR 65 : Estaing, croix du XVIe siècle

Nous ne nous attardons pas plus longtemps dans Estaing, car il est déjà 11 h 30 et nous devons encore marcher 15 km jusqu’à Golinhac. Nous abandonnons provisoirement le GR 6 (nous le retrouverons demain à Espeyrac) avec qui nous faisions parcours commun depuis Saint-Chély d’Aubrac. Pendant trois kilomètres, nous suivons une petite route parallèle au Lot.

Le Lot, que l'ancien français ou l'occitan, nomme Olt, prend sa source sur le versant sud de la montagne du Goulet en Lozère à l'altitude approximative de 1200 m, dans une zone de tourbières. Il se jette dans la Garonne, dans le département du Lot-et-Garonne, à une altitude de 29 mètres. Pendant ces 485 km, le Lot traverse cinq départements : la Lozère, l'Aveyron, le Cantal, le Lot et le Lot-et-Garonne. La rivière se distingue notamment par ses longs méandres et ses boucles. Avant l'établissement du chemin de fer, le Lot était une voie navigable très importante. Depuis 1991, grâce à une politique de réaménagement, il est à nouveau navigable pour les plaisanciers sur deux tronçons.

À partir de la ferme de La Rouquette, nous débutons une longue ascension : en quatre kilomètres, nous allons passer de 335 à 655 mètres d’altitude et par cette chaleur, cela en vaut bien le double ! Nous prenons un chemin à travers champs et bois et franchissons, sur un pont, le cours d’eau : la Luzane. Le sentier, croisant à plusieurs reprises la petite route qui mène à la ferme de Montegut, est assez raide et pierreux.

GR 65 entre Estaing et Golinhac

De Montegut Bas à Golinhac, les 8,5 km du parcours sont sillonnés d’un chemin de croix. Nous allons découvrir une douzaine de croix en pierre, en métal forgé ou sculptées dans le bois avec un panonceau explicatif pour chacune. À Montegut Haut, le tracé blanc et rouge retrouve l’asphalte et celui-ci va nous accompagner jusqu’au sommet de la crête, sur le plateau. La route monte lentement, mais surement, avec autour de nous un vaste paysage. Il fait de plus en plus chaud et notre réserve d’eau diminue fortement !

GR 65 entre Estaing et Golinhac : panneau chemin de croix à Montegut Bas GR 65 entre Estaing et Golinhac

Au bord du chemin, un panneau nous informe que nous ne verrons plus Pépé Catusse. Lui qui, durant de longues années, venait sur ce chemin saluer les pèlerins et bavarder avec eux a rejoint le ciel, en avril 2008.

GR 65 entre Estaing et Golinhac : hommage à Pépé Catusse

Arrivés dans le hameau de Fonteilles, à 656 mètres d’altitude, nous cheminons, toujours sur l’asphalte, mais en légère descente cette fois. Nous traversons quelques petits hameaux qui ne sont bien souvent que des fermes isolées. Redescendus à 590 mètres, nous allons progressivement remonter jusqu’à 660 mètres d’altitude, à Massip. Heureusement, par moments, l'itinéraire passe au milieu des bois et nous profitons pleinement de l’ombrage forestier. Si une petite brise vient nous rafraichir, nous sommes surpris de voir le chemin devant nous tout blanc, comme s’il avait neigé... il s’agit en fait du pollen des arbres qui s’est accumulé ici.

GR 65 entre Estaing et Golinhac

À Massip, nous ne sommes plus qu’à deux kilomètres de Golinhac. Le Chemin de Compostelle rejoint ce village par un jeu de montagnes russes : petites montées et descentes se succèdent sur d’étroits sentiers dans la forêt. À l'entrée de Golinhac, une copie de la croix du Pèlerin a été installée en mars 2014 à la place de « sa grande sœur » qui, elle, a été mise à l'abri dans l'église. Cette croix en pierre, datant du XVe siècle, représente une Vierge à l'enfant aux pieds du Christ et, sur le fût, sculpté dans la pierre, un petit pèlerin coiffé d'un chapeau, tient fermement un énorme bourdon à la main droite.

GR 65 : Golinhac, croix du Pèlerin

C’est au camping Bellevue que se termine cette étape. Nous profitons de l’ouverture de la cafeteria pour nous désaltérer.