Les Randos de Fred & Paul

GR 65 : Condom → Montréal-du-Gers (18 km) - juin 2017

Après une bonne nuit, pour ceux qui ont eu la chance de ne pas se faire piquer par les moustiques, nous nous levons vers 6 h 30. Anne-Charlotte, la responsable du gîte, nous a préparé un bon petit déjeuner composé de produits frais.

Il fait déjà chaud lorsque, vers 7 h 45, nous débutons cette étape. Le GR 65 quitte la cité de Condom en traversant la Baïse. D’une longueur de 188 km, cette rivière prend sa source sur le plateau de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées, et se jette dans la Garonne, légèrement en amont de la confluence entre le Lot et la Garonne.

GR 65 : Condom, la Baïse

Jusqu'à Henri IV, la navigation sur la Baïse était irrégulière du fait de payssières (passage aménagé pour faire circuler les bateaux avant l'invention des écluses) extrêmement dangereuses. Il faudra attendre les années 1830, et la venue du sous-préfet Haussmann, pour voir se réaliser les travaux nécessaires afin d'améliorer la navigation. Condom devient alors un grand port d’expédition de marchandises diverses : blé, farine, mais surtout armagnac et vins. Les denrées étaient acheminées vers Bordeaux et Bayonne à bord de gabarres tractées par des mulets le long des chemins de halage. Par la suite, la batellerie se développa moins qu’on ne l’avait espéré et les équipements sur la Baïse se révélèrent inutiles. Aujourd'hui, la rivière est toujours navigable, sur certains tronçons, pour la plaisance.

Nous longeons le cours d’eau sur environ 500 mètres avant de traverser la D931. Un peu plus loin, nous croisons la « Voie Verte de l’Armagnac » aménagée sur une partie de la ligne ferroviaire Condom - Riscle qui permettait de relier la ligne Morcenx - Tarbes à celle de Condom - Port-Sainte-Marie. Ouverte à l’exploitation dans sa totalité en 1893, cette ligne assurait le transport de marchandises et de voyageurs. Actuellement, la Voie Verte de l’Armagnac relie Condom à Lagraulet (20 km) et sera, à terme, prolongée jusqu’à Eauze.

Nous quittons la banlieue de Condom et montons sur l’asphalte, pendant 2 km, au milieu des champs et des vignes. En chemin, nous passons à côté du lieu-dit : l’Inquiétude. Presqu’au sommet de cette petite crête (100 mètres plus haut qu’à Condom), nous empruntons un chemin de terre, dans les sous-bois, jusqu’à un ancien château d’eau.

GR 65 entre Condom et Larressingle GR 65 entre Condom et Larressingle, l'Inquiétude GR 65 entre Condom et Larressingle

Un choix se présente ici à nous : continuer tout droit et suivre le GR 65 qui progresse sur de petits chemins forestiers, ou tourner à droite pour nous rendre à Larressingle. Ayant le temps, nous décidons d’effectuer le petit détour vers ce village. Après un kilomètre d’asphalte, nous arrivons face aux remparts ceinturant la cité classée parmi les « Plus beaux villages de France ». L’étymologie du nom puiserait ses racines du latin « cingulum », enceinte de donjon féodal et de la syllabe « re », réfection, reconstruction.

L’abbé Hugues, fondateur de l’abbaye de Condom, est héritier des ducs de Gascogne. Au début du XIe siècle, devenu évêque d’Agen, il laisse sa charge abbatiale de Condom et fait don à son successeur de ses terres de Larressingle. Au XIIe siècle, on remplace l'église primitive par une église à l'ouvrage défensif. Au siècle suivant, durant la guerre de Cent Ans, on voit les bourgs se fortifier (sauvetés, bastides) ; ce sont les abbés de Condom qui font ici réaliser la forteresse.

GR 65 : Larressingle

Dès le XVIIe siècle, le château est délaissé par les évêques au profit de celui de Cassaigne, plus moderne. C’est à la fin du XVIIIe siècle que le dernier évêque de Condom fait démonter la toiture et transporter les bois de charpente au château de Cassaigne. À cette période, le village lui-même tombe dans l’oubli. Il est petit et peu commode, ses habitants préfèrent s’installer à l’extérieur. Au début du XXe siècle, la forteresse est vouée à disparaitre, mais grâce à un comité de sauvegarde, créé à Boston (USA) en 1926, le village sera sauvé.

Par un pont de pierre, à l’origine levis sur sa partie extérieure et dormante sur sa partie intérieure, nous passons la tour-porte et découvrons l’intérieur du village. L’église, dédiée à Saint-Sigismond, a été bâtie en deux temps. L’église donjon, construite au XIIe siècle, se situe dans la première partie de la nef ; la seconde partie de l’église date du XIIIe siècle. La différence entre les deux édifices se remarque essentiellement dans les ornementations architecturales.

GR 65 : Larressingle, pont levis et tour porte GR 65 : Larressingle, église et château

Nous ne prolongeons pas davantage la visite de la « Carcassonne du Gers » et, descendons, pendant 1,5 km, sur la D507 (de 148 à 90 mètres d’altitude) afin de retrouver le tracé du GR 65. Nous franchissons l’Osse sur le pont d’Artigues. Cette rivière, de 120 km, prend sa source sur le plateau de Lannemezan, à la limite des Hautes-Pyrénées et du Gers, département qu'elle traverse vers le nord pour se jeter dans la Gélise (affluent de la Baïse) à la hauteur de Nérac.

Le pont d’Artigues est l’un des derniers ponts romans, construit entre le XIIe et le XIIIe siècle, et un des rares spécimens d’architecture civile spécialement érigé pour le passage des pèlerins sur la Via Podiensis. L’apogée des chemins jacquaires se situe entre les Xe et XIVe siècles. Le pont, tel que nous le voyons, est le fruit d’une importante réhabilitation réalisée au XVIIIe siècle. Château et terre de Beaumont appartiennent alors au duc d’Antin, surintendant des bâtiments du roi Louis XIV, qui se consacrera à la mise en valeur de ses propres terres disséminées en France. Il serait à l’origine de la reconstruction du pont en vue d’améliorer le réseau routier dont la dégradation perturbait les relations commerciales et l’accès aux ports fluviaux.

GR 65 : pont d'Artigues

Une route, peu fréquentée (elle ne servait qu’aux engins agricoles), passait entre les deux parapets avant que le regain d’intérêt pour les Chemins de Saint-Jacques ne la fasse sortir de l’oubli. Cet ouvrage, inscrit à l’Unesco depuis 1998, est utilisé par environ 27 000 personnes par an. Le pont a été restauré en 2016.

GR 65 : pont d'Artigues

De l’autre côté du pont, nous marchons, pendant 600 mètres, sur une petite route longeant l’Osse. Nous tournons ensuite à gauche sur un chemin herbeux prenant progressivement de l’altitude. Un panneau nous informe que nous sommes en Ténarèze. Dans cette région, entre Armagnac et Lomagne, vignes et prairies cohabitent avec les cultures intensives, mais aussi les bois et les bosquets.

GR 65 entre Larressingle et Montréal-du-Gers

Le tracé blanc et rouge traverse une petite route et continue, toujours en légère montée, sur un chemin herbeux, au milieu des champs de céréales. Un kilomètre plus loin, nous retrouvons les vignobles, mais aussi, hélas, le goudron. Nous effectuons un petit détour jusqu’à l'église de Routgès, afin de visiter l’édifice, mais surtout parce qu’il y a, à l’entrée, un point d’eau où remplir nos gourdes.

GR 65 entre Larressingle et Montréal-du-Gers GR 65 entre Larressingle et Montréal-du-Gers

Cette petite église, isolée au-delà du hameau, serait la plus ancienne des églises de la commune de Montréal-du-Gers. Dédiée à Sainte-Madeleine et à Saint-Louis, roi de France, elle est perchée sur une colline, au milieu des vignes. Elle présente une petite porte qui aurait été la « porte des cagots », ces parias gascons, probables descendants de lépreux.

GR 65 entre Larressingle et Montréal-du-Gers, église de Routgès

Après ce détour, nous retrouvons le GR 65 qui monte encore un peu, sur l’asphalte, à travers les vignes et les champs de haricots. Nous franchissons la D254 et continuons sur la route de crête jusqu’au hameau de Lasserre-de-Haut. 700 mètres plus loin, nous abandonnons le goudron pour descendre, sur un chemin caillouteux, vers le petit ruisseau de Répassat.

GR 65 entre Larressingle et Montréal-du-Gers

Au fond de la vallée, nous remontons par un chemin de terre vers le hameau de Pagès - Machin. À la suite d’un bref tronçon goudronné, nous suivons un chemin de terre ombragé (quel bonheur !) passant près de la ferme de Lassalle - Baqué. Peu après, nous atteignons la D113 suivie, en descente, jusqu’à l’entrée de Montréal-du-Gers. Par la rue Aurensan, nous arrivons, vers 12 h 30, au centre de la bastide.

GR 65 entre Larressingle et Montréal-du-Gers

Tandis que le thermomètre d’une pharmacie annonce 44°, nous atteignons le gîte « Napoléon ». Si Maria, la responsable, n’est pas présente, nous pouvons déjà prendre possession des lieux. Nous retrouvons Suzanne et Alain, l’autre couple du Québec, avec qui nous partagerons l’un des deux dortoirs.

Dans l’après-midi, nous effectuons une visite rapide de la cité, car la température ne nous incite guère à la flânerie. Située sur le site d’un ancien oppidum celtibère qui surplombe l’Auzoue, à 135 mètres d’altitude, Montréal-du-Gers est classée parmi les « Plus beaux villages de France ». La bastide, achevée en 1289, fut d’abord nommée « Mont Royal » d’une part en référence à sa situation sur un piton rocheux, et d’autre part afin de stigmatiser l’influence dont le roi jouissait sur les possessions du comte de Toulouse.

Les bastides édifiées, pour la plupart, aux XIIIe et XIVe siècles, se distinguent par leur plan parcellaire organisé autour d’une place centrale. Ce lieu était le centre de la vie communautaire, le seul endroit autorisé pour le marché et les foires, ce qui permettait au seigneur local de surveiller le commerce et d’en tirer profit par le contrôle des marchandises et l’instauration de taxes. La place centrale de Montréal-du-Gers est flanquée de maisons à cornières sur trois côtés.

GR 65 : place de Montréal-du-Gers

Des fortifications, composées de tours et de six portes sur la ceinture de remparts, seule la porte Notre-Dame subsiste. Les rues principales et secondaires, tracées au cordeau, se coupent à angles droits, formant des ilots d’habitations de dimensions régulières. Cette découpe permettait une répartition de la population, autour de la place, suivant leur classe sociale.

GR 65 Montréal-du-Gers : porte fortifiée Notre-Dame

C’est à la terrasse du restaurant « L’Escale » que nous prenons le repas du soir. Celui-ci est essentiellement composé à base de canard : foie gras, manchon,... Vers 21 h 30, nous nous mettons au lit et tentons de trouver le sommeil malgré la chaleur et le bruit venant du dortoir voisin.