Les Randos de Fred & Paul

GR 65 : Arblade-le-Haut → Aire-sur-l'Adour (25 km) - août 2018

Vers 8 h 15, nous débutons cette étape, sous un ciel très nuageux. Si selon Christian, le responsable du gîte, « il ne va pas pleuvoir aujourd’hui », nous devons pourtant bien vite enfiler la cape ; pendant environ une heure, nous subirons une petite averse.

Nous quittons Arblade-le-Haut (dénommé Arblade-Comtal jusqu'en 1791) en empruntant, sur 1,5 km, une petite route parallèle à la D931. Nous retrouvons, un peu avant de rejoindre la départementale, le tracé du GR 65 ; nous l’avions quitté à la sortie de Nogaro lors de l’étape précédente (l’année dernière). Nous progressons sur la D931 pendant un kilomètre. Même si un vague sentier existe sur le bas-côté de la route, nous préférons, afin de ne pas avoir déjà les pieds trempés par les hautes herbes, progresser au bord de la départementale.

GR 65 entre Arblade-le-Haut et Lanne-Soubiran

Le tracé blanc et rouge quitte la D931 pour emprunter, sur la gauche, un chemin de terre. Ce parcours agréable, malgré la pluie, nous fait progresser, durant deux kilomètres, entre champs et terres cultivées (du maïs essentiellement), jusqu’à Lanne-Soubiran.

GR 65 entre Arblade-le-Haut et Lanne-Soubiran

Nous profitons du porche, à l’entrée de l’église, pour nous poser et espérer la fin de l’averse... ce qui arrivera quelques minutes plus tard ! Le propriétaire du gîte, installé dans le presbytère attenant à l’église, a dressé sous le porche (appelé, ici en Gasogne, « emban ») une petite table et propose, en donativo, du café et quelques biscuits... une belle initiative ! Lanne-Soubiran signifie, en gascon, « la lande du dessus ».

Dédiée à Saint-Pierre, l’église est de style roman, mais elle a été remaniée au XVIIe siècle dans le style gothique. Le clocher quadrangulaire, à l'angle sud-ouest, est surmonté d'un dôme finissant en pointe. Des peintures murales ont été découvertes récemment, mais, ayant été dégagées sur une petite superficie, elles n'ont pu être datées. Une pièce, servant de mairie, était aménagée dans l'emban protégeant l'entrée de l'église. Cette disposition était assez courante sous l'Ancien Régime, où les réunions de la communauté se tenaient souvent sous le porche des églises.

GR 65 : Lanne-Soubiran, église Saint-Pierre

Nous suivons brièvement la D152 et prenons ensuite un chemin de terre passant entre des champs de maïs. Un peu plus loin, le GR 65 entre dans le bois de la Rigade où, après avoir franchi le ruisseau de la Daubade, il progresse, en montée, durant 1,5 km.

GR 65 entre Lanne-Soubiran et Lelin-Lapujolle GR 65 entre Lanne-Soubiran et Lelin-Lapujolle

À la fin de ce tronçon forestier, nous continuons l’ascension, mais au milieu des vignes à présent. Un panneau nous informe d’ailleurs que nous traversons le vignoble de Saint-Mont. Ce dernier trouve ses origines en 1050 quand les moines bénédictins fondent le monastère de Saint-Mont. Grâce aux pèlerins en route pour Compostelle, la réputation des vins de ce territoire s’est propagée. Via le fleuve Adour, les vins de Saint-Mont se sont retrouvés embarqués à Bayonne sur les bateaux en partance pour les Pays-Bas et l’Angleterre. En 2011, ce vignoble de 1 200 hectares a obtenu le label AOC.

GR 65 entre Lanne-Soubiran et Lelin-Lapujolle

Nous suivons une petite route de campagne et atteignons le point culminant de cette étape, à 162 mètres d’altitude. Après avoir discuté avec un agriculteur, nous prenons un étroit sentier entre deux champs de soja. Le tracé blanc et rouge continue son parcours campagnard passant tantôt le long des vignes, tantôt (et le plus souvent) au milieu des champs de maïs. Autour de nous, on aperçoit régulièrement de grands bras articulés servant à l’irrigation des cultures. Nous rejoignons une route qui nous fait descendre, pendant un kilomètre, jusqu’à l’entrée du village de Lelin-Lapujolle.

GR 65 entre Lanne-Soubiran et Lelin-Lapujolle

Par une petite côte, nous arrivons au pied de l’église Saint-Michel. Même s’il n’est que 11 h 15, profitant d’un banc, nous décidons de manger une partie de notre pique-nique. L’église renferme une chaire en bois sculpté du XVIIIe siècle, un très bel autel avec des colonnes torsadées, et au-dessus de celui-ci, un tableau représentant saint Michel, patron de la paroisse.

GR 65 : Lelin-Lapujolle, église Saint-Michel GR 65 : Lelin-Lapujolle, église Saint-Michel

Nous montons la D169, sur 450 mètres, puis nous descendons vers la gauche en direction de la plaine de l’Adour. Cette descente (de 152 à 98 mètres d’altitude) se déroule sur de petites routes au milieu des champs. Comme un peu partout, les cultures de maïs sont fortement arrosées. À certains endroits, les canons enrouleurs (machines servant à l’irrigation) sont situés très près de la route et arrosent celle-ci à intervalles réguliers. Il convient donc d’observer la trajectoire de l’engin et d’ensuite calculer à quel moment passer afin d’éviter une grosse douche !

GR 65 entre Lelin-Lapujolle et Barcelonne-du-Gers

Après 3 km, un peu avant la D935, nous prenons, vers la droite, un chemin de terre parallèle à une ancienne ligne de chemin de fer. Celle-ci reliait Mont-de-Marsan à Tarbes ; elle a été utilisée jusqu’en 2011 pour le transport de marchandises et plus spécifiquement des céréales des coopératives locales. Pendant 2,5 km, nous longeons la voie ferrée, d’abord sur un chemin semi-herbeux puis sur l’asphalte. Sur ce parcours, un peu avant d’atteindre une aire de pique-nique (où il est possible d’apposer un tampon sur le credencial), nous devons à nouveau nous équiper pour faire face à une brève averse.

GR 65 entre Lelin-Lapujolle et Barcelonne-du-Gers GR 65 entre Lelin-Lapujolle et Barcelonne-du-Gers

Le tracé blanc et rouge traverse la D935 et tourne, peu après, vers la droite pour suivre, pendant deux kilomètres, un chemin herbeux progressant entre les champs de maïs. Vers 14 h, nous arrivons à Barcelonne-du-Gers où nous effectuons, à proximité du lavoir, une seconde pause pique-nique. Ce lavoir, un des plus grands du département du Gers, est utilisé chaque année pour les fêtes patronales lors du traditionnel concours de pêche à la truite réservé aux enfants du village. Le bois utilisé pour la charpente provient de l’ancienne halle.

GR 65 entre Lelin-Lapujolle et Barcelonne-du-Gers GR 65 : Barcelonne-du-Gers, lavoir

Barcelonne-du-Gers est une bastide construite en 1316 par paréage de Philippe V le Long et du prieur de Saint-Gilles, représentés par le comte d'Armagnac et les Hospitaliers de Saint-Jean qui y possédaient déjà l'hôpital de Causset (ou Gosset). La bastide prit d'abord ce nom et ne s'appela Barcelonne-du-Gers qu'à partir de 1343. À l'instar de nombreuses autres villes neuves fondées à la même époque, la cité emprunte son nom à une ville prestigieuse comme gage du succès de son développement.

De la place carrée partaient huit rues principales, toutes coupées à angle droit. Une muraille, percée de quatre portes à double pont-levis, entourait la ville et au-dehors un double fossé plein d'eau renforçait la défense. Barcelonne-du-Gers était une bastide très peuplée avec foires, marchés et négoces importants. Avant d’atteindre la place de la Garlande, nous découvrons la prison qui était à l'origine un château d'eau. Le bâtiment a ensuite servi de chambre de sûreté et d'asile de nuit : selon la rumeur publique, on y enferme, entre autres, les disciples de Bacchus, les soirs de foires.

GR 65 : Barcelonne-du-Gers, prison

Nous quittons le village et rejoignons la D931 que nous abandonnons cependant rapidement pour suivre une petite route parallèle à celle-ci. C’est sur ce tronçon que nous sortons du département du Gers, dans lequel nous étions depuis le village de Saint-Antoine (étape entre Auvillar et Miradoux), pour entrer dans celui des Landes. Le GR 65 revient sur la D931 et la longe, sur un kilomètre, jusqu’à l’entrée d’Aire-sur-l’Adour.

Si nous avions débuté l’étape sous un ciel très nuageux, c’est avec un beau ciel bleu que nous la terminons. Nous franchissons l’Adour et entrons dans la ville. L'Adour prend naissance, près du col du Tourmalet (Hautes-Pyrénées), de la réunion de trois torrents. Le fleuve, d'une longueur de 308 km, traverse notamment Bagnères-de-Bigorre, Tarbes, Dax et Bayonne ; il se jette dans l'océan Atlantique peu après cette dernière ville.

À 14 h 45, nous arrivons au gîte « La Maison des Pèlerins » où nous sommes chaleureusement accueillis par Alejandro ; après un verre de menthe à l’eau, nous prenons possession de notre chambre. Nous profitons du temps libre, avant le repas du soir, pour visiter une partie de la ville et notamment l’église Sainte-Quitterie (devant laquelle nous passerons demain en début d’étape).

L’édifice est bâti sur le site d'un ancien temple romain. Ce temple fut converti en baptistère par les évêques des Tarusates. L'Église a toujours eu à cœur de sanctifier des lieux de culte païen afin de pouvoir revendiquer des sites anciens et en chasser le paganisme. Au XIe siècle, les moines bénédictins reçurent en donation de l’évêque d'Aire, l'église Sainte-Quitterie-du-Mas, se rattachant à la légende de sainte Quitterie. Cette dernière était une princesse wisigothe qui refusa d'abjurer la foi chrétienne. Elle serait morte décapitée à Aire, le 22 mai 477, par son prétendant.

Les moines édifient une abbaye pour animer le culte. Les bâtiments abbatiaux sont dévastés par les troupes de Montgomery, en 1569, puis fortement remaniés, tandis que l'église est reconstruite en style gothique dès la fin du XIIIe siècle. On pénètre dans l’église par le portail occidental, avec son tympan représentant le Jugement Dernier. Avant de descendre dans l’absidiole nord, nous admirons le chœur orné, en 1771, par les frères Mazzetty, d’un décor baroque en faux marbre et stuc polychrome.

GR 65 : Aire-sur-l'Adour, église Sainte-Quitterie

Dans la crypte, uniquement accessible avec un guide, des restes humains étaient conservés dans plusieurs sarcophages dont le plus remarquable passait pour contenir les reliques de sainte Quitterie. Cette œuvre, que l’on peut dater de la fin du IVe siècle, porte un décor complexe réparti sur toutes les parties visibles. Sur la face principale de la cuve, on reconnaît le Christ rendant son ami Lazare à la vie, le prophète Daniel en prière entre les lions, le Bon Pasteur entouré de la Synagogue et de l’Église (cette dernière présentant devant elle la jeune défunte à qui était destiné le sarcophage), la figuration du péché d’Adam et Eve et le Baptême du Christ.

On ne connaît ni le personnage ni l’endroit auquel ce sarcophage avait été destiné à l’origine, car ce n’est sans doute que vers le milieu du XIe siècle qu’on l’a mis en relation avec la dévotion à sainte Quitterie. Si le sarcophage a été conservé, les reliques ont disparu et il ne subsiste de l’édifice que des éléments fort réduits : la niche profonde qui abrite le sarcophage et le mur qui l’entoure formait jadis l’extrémité occidentale d’une église.

GR 65 : Aire-sur-l'Adour, sarcophage de sainte Quitterie

Vers 19 h, nous nous retrouvons à treize (dont Alejandro) à table. Nous dégustons le copieux repas, inspiré de la cuisine espagnole, et passons une agréable soirée avec les marcheurs et pèlerins présents. Si pour certains le Chemin s’arrête ici, pour d’autres, ils commencent ce soir. Nous sympathisons avec Thierry (de Bordeaux), Léo (de Lille) et Christine (de Marseille).