Les Randos de Fred & Paul

GR 65 : Maslacq → Navarrenx (22 km) - août 2018

Vers 8 h 15, après un bon petit déjeuner, nous quittons la chambre d’hôtes. Si dans l’ensemble, nous avons apprécié ce logement, nous déplorons le manque d’ouverture d’esprit des propriétaires à l’égard des personnes qui ne partagent pas leurs valeurs morales et religieuses.

Le GR 65 emprunte la D9 et, après le pont sur le ruisseau « Geü », tourne à gauche pour suivre une route parallèle au gave de Pau. Cette route devient rapidement un chemin gravillonné circulant, durant 1,5 km, entre les champs de maïs. Au terme de ce tronçon, plat et rectiligne, nous quittons la vallée pour grimper (de 86 à 170 mètres d’altitude) à travers bois.

GR 65 entre Maslacq et Sauvelade GR 65 entre Maslacq et Sauvelade

Au sommet, à la sortie du bois, nous nous dirigeons vers la D9. Avant d’atteindre la départementale, il est possible d’aller admirer la chapelle Notre-Dame de Muret. Celle-ci s’élève sur un promontoire dominant le gave de Pau. L’oratoire néo-byzantin, datant de 1936, rappelle la présence d’un des plus anciens sanctuaires béarnais. Ce dernier avait été bâti à la moitié du XIe siècle par Raymond le Vieux, évêque de Gascogne, puis disparut totalement. Le champ s’appelait toujours « lou coumben de Mureigt » quand on construisit la chapelle actuelle. Ses fondations ont permis de retrouver quelques vestiges du premier monument.

De l’autre côté de la D9, nous descendons une petite route passant entre champs et prairies. Nous franchissons à nouveau le Geü (99 mètres d’altitude) et continuons, sur cette même route, jusqu’à une ferme. Au-delà de ce bâtiment, nous abordons le plus beau tronçon de l’étape. Pendant 800 mètres, nous progressons sur un étroit sentier remontant le lit boisé d’un ruisseau.

GR 65 entre Maslacq et Sauvelade

De retour sur l’asphalte, que nous ne quitterons plus aujourd’hui (16 km), nous effectuons une petite pause à proximité d’un point d’eau. Près de nous, deux agriculteurs tentent de déloger des vaches parties explorer et déguster un champ de maïs. Nous montons jusqu’à une petite route (199 mètres d’altitude) et descendons ensuite, en lisière d’un bois, dans la vallée du Laà. Cette rivière d’une trentaine de kilomètres est un affluent du gave de Pau. Nous atteignons le village de Sauvelade où nous découvrons une belle église.

En 1127, le vicomte de Béarn fait cadeau à des moines, qui vivaient dans des cabanes de bois et de branchages, de la forêt nommée Faget, afin d’y bâtir un monastère dédié à la Vierge. Les moines y construisent un monastère qu’ils appellent Seuvalada, c’est-à-dire « la large forêt », en référence à la nature environnante. C’est de là que le village de Sauvelade tire son nom.

L’abbaye est rattachée à l’ordre de Cîteaux en 1286. Les moines cisterciens initient le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle et leur couvent devient alors un lieu d’accueil pour les pèlerins. En août 1569, l’armée béarnaise protestante, commandée par Montgomery, poursuivant l’armée catholique de Catherine de Médicis, brûla l’abbaye. Les Protestants conservèrent et restaurèrent l’église qui servit de temple au culte réformé pendant environ 40 ans. Elle redevint un lieu de culte catholique en 1611, et prit le statut d’église paroissiale. Les bâtiments conventuels détruits sont remplacés, sans doute au XVIIIe siècle, par un bâtiment qui tient alors lieu de château. Après la Révolution, l’église est devenue propriété de l’État et la partie des dépendances de l’abbaye a été vendue comme bien national.

On ne connaît pas la date exacte de construction de l’église dédiée à Saint-Jacques. L’ordre cistercien explique le style dépouillé caractéristique de tous les édifices appartenant à cet ordre. L’originalité de l’église vient de son plan en croix grecque : la nef et les bras du transept sont de mêmes longueurs. Le bâtiment actuel, partie église, a subi très peu de modifications depuis le XIIIe siècle, si ce n’est le toit en ardoise qui domine le clocher, qui date du XIXe siècle. L’édifice primitif comportait une simple couverture en écailles de bois ou bardeaux, il reste encore, à la base du clocher, les quatre coins de l’ancien toit.

GR 65 : Sauvelade, église Saint-Jacques

Après la découverte de l’édifice religieux, nous suivons, pendant un kilomètre, la D110. Le GR 65 prend ensuite, sur la droite, une petite route qui monte (de 128 à 243 mètres d’altitude) au milieu des prairies où les blondes d’Aquitaine ne prêtent même pas attention aux marcheurs. Ces vaches de grande taille, reconnaissables à leur robe de couleur froment, sont présentent partout dans le département. Nous traversons plusieurs hameaux qui bien souvent se résument à une ou deux fermes.

GR 65 entre Sauvelade et Méritein GR 65 entre Sauvelade et Méritein

Nous descendons vers le ruisseau « Saleys » (166 mètres d’altitude) et, à peine celui-ci franchit, nous montons sur l'autre versant. Ici, la pente est raide et la chaleur rend l’ascension encore plus pénible. Arrivés au sommet, nous continuons, durant 1,5 km, sur le chemin de crête (255 mètres d’altitude). Sur ce parcours, nous passons à côté de quelques immenses hangars agricoles où nous devinons la présence de milliers de canards... de futurs magrets et foies gras.

GR 65 entre Sauvelade et Méritein GR 65 entre Sauvelade et Méritein

Nous tournons vers la gauche et descendons, en pente douce, dans la forêt de Méritein. Un tronçon ombragé bien agréable d’autant plus que nous trouvons, en cours de route, un banc où nous poser pour effectuer la pause casse-croûte.

GR 65 entre Sauvelade et Méritein, aire de repos

Le tracé blanc et rouge poursuit sa descente, en sous-bois, le long du « Lucq ». Nous longeons ce ruisseau durant 1,5 km avant de le franchir, à l’entrée du village de Méritein (133 mètres d’altitude). Après l’église Saint-Jean-Baptiste, nous nous engageons sur la D947 que nous quittons cependant rapidement pour emprunter une route parallèle, sur un kilomètre. Ce trajet monotone, et en plein soleil, vers Navarrenx ne restera pas dans les annales. Grâce à un souterrain, nous passons sous la D67 et entrons ensuite dans les faubourgs de la cité.

GR 65 entre Sauvelade et Méritein GR 65 entre Méritein et Navarrenx

Étant ¾ d’heure trop tôt par rapport à l’heure d’ouverture du gîte, nous décidons d’aller, en compagnie de Thierry, boire un verre dans le centre du village. L’origine du nom de Navarrenx vient du latin « Sponda Navarrensi », signifiant : la bordure de la Navarre. En 1316, le bourg reçoit le statut de bastide ; c'est dans le centre de la cité que l'organisation reste fidèle au plan de la bastide avec place centrale, rues perpendiculaires, maisons de 6 à 7 mètres de large.

Soucieux d'asseoir son pouvoir sur la Navarre, Henri II d'Albret renforce la valeur militaire de la cité. À partir de 1538, s’inspirant de la citadelle de Lucques (Toscane), il fait construire les 1657 mètres de rempart avec bastions, portes fortifiées et échauguettes. Pour réaliser cet ouvrage, le souverain fait appel à Fabricio Siciliano, un architecte italien. Navarrenx devient ainsi, un siècle avant Vauban, la première cité bastionnée de France ; elle n'a jamais été défaite. À la fin du XIXe siècle, Navarrenx perd sa fonction militaire.

GR 65 : Navarrenx, remparts GR 65 : Navarrenx, remparts et échaugette

Dans la bastide, on peut découvrir l’arsenal construit, en 1680, sur l’ancienne « maison des rois de Navarre ». Cet imposant bâtiment occupe, sur quatre niveaux, une surface au sol de 590 m² ; il entoure une cour intérieure de 245 m². En cas de besoin, l’arsenal pouvait héberger 500 hommes de troupe ; mais son véritable rôle était le stockage des armes, munitions et vivres. On pouvait y entreposer 30 000 boulets ou grenades et toutes sortes d’armes.

GR 65 : Navarrenx, arsenal

Un peu plus loin, on trouve la poudrière. Celle-ci a été construite, en 1580, pour débarrasser les bas-côtés de l’église où étaient stockées jusque-là armes et munitions. La poudrière originelle, construction carrée de 9,72 mètres de côté, se composait du bâtiment actuel et d’un mur d’enceinte. Celui-ci, situé à 3 m du bâtiment principal, l’entourait sur une hauteur de 3,55 mètres. On pouvait y entreposer 25 000 livres de poudre.

GR 65 : Navarrenx, poudrière

Vers 15 h 30, nous arrivons au gîte « Le Cri de la Girafe » où nous recevons, de la part de Maria et Fabian, un très bon accueil... ça nous change de la veille ! Le couple, originaire de la région lyonnaise a acheté cette ancienne boulangerie il y a 4 ans et l’a magnifiquement rénovée. Nous disposons d’une grande chambre, avec deux lits, douche et WC. Le copieux repas (avec vin à volonté) est pris, sur la terrasse, en compagnie des propriétaires et de huit pèlerins : Thierry, Léo et Christine (rencontrés à Aire-sur-l’Adour), le couple d’Allemands partis de Berlin et un trio de Charleville-Mézières (Martine, Luc et Benoit). La soirée se déroule dans une bonne ambiance ; vers 22 h 30, nous regagnons la chambre pour un repos bien mérité.

Avant le souper, nous nous sommes rendus à l’église Saint-Germain. À Navarrenx, on perpétue l'accueil des pèlerins mis en place, dans les années 1980, par le Père Ihidoy lors du renouveau du pèlerinage. Chaque jour, de Pâques à la Toussaint, des bénévoles se relaient pour recevoir les marcheurs qui séjournent dans la ville. À 18 h, une présentation historique et un temps de prière ont lieu dans l'église, puis dans un local communal spécialement aménagé à cet effet, un pot d'accueil est offert.

L’une des deux bénévoles présentes ce soir n’est pas là pour rigoler. Dès que nous entrons dans le local, elle nous ordonne de nous asseoir, là où il y a déjà des verres posés... pas question d’occuper plus de places que nécessaire ! Quasiment tout le monde profite de l’occasion pour boire un verre de vin au désespoir de cette dame... qui imaginait surement que les pèlerins ne buvaient que de l’eau ou de la limonade !

L'église Saint-Germain, construite entre 1551 et 1562, est de style gothique tardif. Entre les retombées des arcs du bas-côté, on peut voir d'anciens masques humains peints : l'un d'eux porte le chapeau de pèlerin. Elle fut successivement église catholique puis temple protestant ; Louis XIII vint, en 1620, y rétablir le culte catholique. Remanié plusieurs fois, l'édifice a subi les sévices de la Révolution et l'assemblée constituante y installa le chef-lieu du département des Basses-Pyrénées pour quelques mois, avant que Pau ne récupère ce titre. L'église est restaurée une dernière fois en 1852 par l'adjonction du clocher d'entrée. Pour rappel, avant la construction de la poudrière, la nef centrale était vouée au culte alors que les parties latérales servaient au stockage de munitions.

GR 65 : Navarrenx, église Saint-Germain