GR 575 : Vyle-et-Tharoul → Failon (21 km) - avril 2013
Nous débutons cette étape par un chemin de terre, en bordure de prairies, où nous avons la chance d'apercevoir, de loin, trois chevreuils. Après une descente caillouteuse, nous rejoignons le Hoyoux que nous suivrons toute la matinée.
Le Hoyoux prend sa source à Buzin (où nous passerons en fin d'étape) sur la commune de Havelange, à environ 290 mètres d'altitude. Il traverse les communes de Clavier, Modave et Marchin avant de se jeter, après 25 km, dans la Meuse à Huy, à 70 mètres d'altitude. Avec une pente moyenne de 9 mètres au kilomètre, le Hoyoux se classe dans la catégorie des cours d'eau torrentiels.
Cette force du courant a autrefois permis d'actionner de très nombreux moulins qui broyaient le blé pour les meuniers, l'écorce des arbres pour les tanneurs, l'orge pour les brasseurs, les graines de lin pour les marchands d'huile... Grâce à la rapidité avec laquelle l'eau s'écoule, même en hiver, la rivière ne se fige jamais.
Durant un kilomètre, nous cheminons au bord de la rivière sur un sentier bucolique passant entre le Hoyoux et le RAVeL (ancienne ligne 126 reliant Ciney à Statte, fermée en 1962). Nous traversons Pont de Bonne, ce hameau de Modave doit son nom au pont franchissant le ruisseau « la Bonne », et passons ensuite au pied de la Roche aux Corbeaux.
Peu après, nous grimpons vers le château de Modave (dit « des comtes de Marchin ») et profitons de sa terrasse pour effectuer une pause et admirer le paysage.
Si certaines parties du château remontent au XIIIe siècle, il est, dans son aspect actuel, l'œuvre du comte Jean Gaspard Ferdinand de Marchin. De 1655 à 1673, celui-ci restaure le château et le dote d'une façade classique afin d'en faire une élégante demeure de plaisance agrémentée de jardins à la française.
La cour d'honneur est bordée de différents bâtiments en harmonie avec le style de la façade. Deux fermes, remontant au XVIIe siècle, complètent cet ensemble situé dans le cadre idyllique d'une réserve naturelle de 450 ha et implanté sur un piton rocheux dominant de 60 mètres la vallée du Hoyoux.
Au-dessus du portail d'entrée, on peut voir, entourant le barbeau que l'on retrouve sur toutes les armes des « de Marchin », la devise britannique « Honni soit qui mal y pense » ; Jean Gaspard Ferdinand de Marchin avait été fait chevalier de l'Ordre de la Jarretière par le roi Charles II.
Aujourd'hui, le château appartient à Vivaqua (anciennement Compagnie Intercommunale Bruxelloise des Eaux) qui exploite en sous-sol des captages d'eau, mais valorise aussi parfaitement ce patrimoine et permet l'accès de ce site au public.
Nous quittons le château et longeons le mur d'enceinte pour arriver sur une petite route asphaltée. Plus loin, au confluent du Hoyoux et du ruisseau de Pailhe, nous traversons sur un petit pont prévu uniquement pour les piétons, les véhicules devant passer à gué. En se promenant dans ce vallon isolé, il est difficile d'imaginer que voilà moins de septante ans, s'élevait ici le village de Petit Modave.
Celui-ci comprenait un moulin, une ferme, une chapelle, et même une gendarmerie. Pour protéger les captages d'eau, tout le hameau (excepté une grange) fut progressivement démoli et le site, classé en réserve naturelle. Modave est le plus important captage d'eau souterraine de Belgique. Il produit de 53 000 à 80 000 m³ par jour, selon la richesse de la nappe, elle-même fonction des conditions climatologiques des dernières années.
L'eau captée ici est naturellement élaborée et filtrée par le manteau limoneux et sableux recouvrant la roche, ainsi que par les matériaux finement divisés qui remplissent les fissures du massif calcaire. Au début du XXe siècle, ce sont plus de 5 km de galeries qui ont été creusées pour intercepter et collecter les eaux issues de la nappe.
Nous retrouvons un beau sentier forestier qui s'élève peu à peu. Au sommet, un chemin longeant une prairie nous mène jusqu'à une grosse maison en pierres du pays, juste avant une ferme, entièrement restaurée, qui devait dépendre du château de Modave au XVIIe siècle.
Un peu plus loin, la route semble barrée par le Hoyoux, mais nous sommes vite rassurés, car le passage se fait par un petit sentier et une passerelle en béton qui nous permet de garder les pieds secs. Nous trouvons un banc, au bord de la rivière, où nous installer pour manger nos tartines. Un endroit calme et bucolique, du beau temps... que demander de plus ? Après cette pause, nous poursuivons par un sentier grimpant vers le village de Les Avins.
La guerre de Trente Ans embrase toute l'Europe, dès mai 1618. Ce conflit, qui a commencé sous Louis XIII, se termine sous la régence de Louis XIV, en octobre 1648. La première bataille entre la France et l'Espagne se déroule à Les Avins en mai 1635. Elle va opposer l'armée de Philippe IV, roi d'Espagne (14 000 hommes), aux armées de Louis XIII (35 000 hommes).
Piégées par l'armée française qui s'était scindée en deux à Rochefort, les troupes espagnoles subirent toute la furie de l'ennemi qui ne cherchait qu'à éliminer le plus grand nombre possible de soldats. Si à notre époque, les armes utilisées lors de cette bataille nous semblent archaïques, elles étaient, en réalité, terriblement meurtrières, mais aussi efficaces pour mutiler. Sans compter les blessés, les deux armées laissèrent environ de 7 000 à 12 000 morts.
Le village eut encore à subir des dévastations et des exactions pendant la guerre de Hollande de 1671 à 1697. Jusqu'au début du XIXe siècle, Les Avins vécut uniquement de l'élevage des moutons, de la culture du seigle, de l'épeautre et de l'avoine. On y ouvrit alors une carrière de petit granit, pierre calcaire.
L'exploitation des carrières fut florissante au début du XXe siècle et exerça une influence considérable sur la métamorphose de la commune. On y comptait environ 15 exploitations ; elles occupaient plus de 300 ouvriers. De nos jours, deux carrières de petit granit sont toujours en activité. En parcourant la rue principale, nous découvrons, un peu par hasard, de belles gargouilles sculptées au pied des descentes de gouttières des maisons.
C'est ici à Les Avins que se termine le parcours de liaison de 13,5 km commencé à Grand-Marchin. Le tracé blanc et rouge se poursuit sur le RAVeL appelé « la Traversine ».
Peu après le village de Petit Avin, nous avons droit à un beau tronçon boisé, et donc ombragé, jusqu'à un hameau nommé Bouillon. Le château de Hoyoux se trouve à un kilomètre d'ici (hors GR). Ce château, probablement élevé à la fin du XVIIIe siècle pour servir de pavillon de chasse au prince-évêque de Liège, se situe sur une colline surplombant le Hoyoux. Il est entouré de vastes prairies et d'étangs.
À la sortie du bois, nous revenons dans la province de Namur, mais nous retrouvons aussi hélas l'asphalte. Après un long tronçon en ligne droite et en plein soleil, nous effectuons une petite pause boisson, au pied d'un monument de huit mètres : la « Pyramide de Verlée ».
Depuis ce monument mystérieux, on découvre un vaste panorama sur la région. Cet obélisque dont l'âge présumé serait d'au maximum 300 ans ne comporte aucune date ni inscription gravée dans sa pierre et aucun document ne permet de le dater ni de lui donner une signification précise.
Plusieurs hypothèses ont été proposées : pour certains, l'obélisque pourrait avoir été érigé en commémoration d'une bataille en 1790 ; pour d'autres, il constituerait un repère signalant l'importance et la qualité des sources d'eau potable ; ou encore être une borne de chaussée romaine.
Une autre hypothèse présume que ce mât de pierre, dressé sur un plateau, serait un repère géodésique. Enfin, la pyramide pourrait être mise en relation avec la triangulation cartographique de la région du Rhin et d'une petite partie nord de la Belgique réalisée, entre 1801 et 1813, par le colonel français Tranchot.
Après 4,5 km d'asphalte et la traversée du hameau de Buzin, nous retrouvons, avec joie, des chemins campagnards pour terminer l'étape. C'est vers 15 h 10, à côté de l'église Notre-Dame de Failon, que s'achève cette journée.