GR 575 : Spontin → Sart-Bernard (19 km) - avril 2013
En 1889, une source d'eau minérale est découverte un peu en aval du village de Spontin. Des analyses démontrent la grande qualité de cette eau et une société d'exploitation est fondée la même année. Après un démarrage un peu difficile, les eaux de Spontin connaissent un grand succès.
Sous la direction avisée d'un ingénieur brasseur, Charles Mathieu, les sources deviennent une véritable station thermale où les touristes peuvent découvrir non seulement la célèbre source de la Duchesse, mais aussi l'usine d'embouteillage à la pointe de son époque.
L'environnement des sources est également agréable : un parc est aménagé, des buvettes accueillent les « curistes » d'un jour, la SNCB ouvre même un point d'arrêt, en plus de la halte marchandise réservée à l'expédition de la production journalière des sources.
Hélas, malgré des investissements importants dans les années 1970 - 1980 et la recherche de contrats d'embouteillage avec des géants comme Pepsi et Coca-Cola, les années difficiles s'annoncent ; depuis 2010, la société a cessé toutes ses activités.
Vers 8 h 30, nous commençons la dernière étape de cette semaine consacrée au Tour du Condroz namurois. Après avoir quitté Spontin, nous grimpons par un sentier, à travers bois, qui nous amène en surplomb du Bocq. Nous avons déjà traversé, à plusieurs reprises, cette rivière lors de l'étape entre Failon et Emptinne.
Pendant 4 km, nous longeons la rivière, mais aussi une voie ferrée : l'ancienne ligne 128 (Ciney - Yvoir) construite de 1890 à 1907. Si les travaux s'étalèrent sur plusieurs années, c'est parce que les difficultés techniques ne manquaient pas. Le fait de suivre la vallée garantissait certes à la voie une pente régulière et abordable par les machines de l'époque, mais ce choix dans une vallée assez encaissée et sinueuse imposait aussi le franchissement de multiples obstacles : ici, la rivière et là, les flancs rocheux de certains méandres.
Le trafic observé sur cette ligne, à voie unique, était relativement restreint en raison du caractère rural de la région traversée. Par contre, avec la présence de nombreuses carrières, les trains de marchandises étaient très nombreux. Fermée au trafic voyageurs en 1960 et marchandises en 1983, la ligne a été remise en service par des bénévoles passionnés. Aujourd'hui, les trains de cette ligne pittoresque « Chemin de fer du Bocq », de 21 km, accueillent les touristes durant tout l'été.
Nous quittons la vallée du Bocq en passant par la carrière d'Herbois qui n'est plus exploitée depuis la fin des années 1990. On extrayait ici le grès famennien pour en faire des pierres de construction et des concassés. La vallée du Bocq, au cœur du bassin de Dinant, présente la particularité de voir alterner des zones de roches calcaires et des zones schisteuses ou gréseuses. La carrière d'Herbois est aujourd'hui classée comme Site de Grand Intérêt Biologique.
Le GR 575 entame une ascension d'environ deux kilomètres, en direction de Durnal, nous faisant passer de 160 à 280 mètres d'altitude. Arrivés sur le plateau, nous ne nous dirigeons pas vers le centre du village, mais poursuivons par un chemin de terre débouchant dans un bois. À la sortie de ce dernier, nous continuons dans la même direction via un sentier, en légère descente, cheminant entre deux haies de prunelliers jusqu'aux premières habitations de Crupet.
Il est presque 11 h lorsque nous entrons dans Crupet. Nous commençons la découverte du village par son église dédiée à Saint-Martin. Posé sur une butte et entouré de son vieux cimetière, l'édifice religieux est indissociable de son tilleul séculaire.
Construite au XVe siècle, l'église se caractérise par sa tour romane datant du XIIe siècle. Quelques pierres tombales, installées sous le porche d'entrée, sont du plus grand intérêt, dont celle des seigneurs de Crupet, Guillaume de Carondelet et Marguerite de Brandebourg, décédés au début du XVIIe siècle.
À côté de l'église, au centre du village, on trouve une étrange construction : une grotte artificielle. Les travaux débutèrent en 1900 suivant le projet du chanoine Gérard, curé à Crupet pendant 44 ans. Pour l'assise de la grotte, il fallut l'aide des paroissiens pour déplacer plus de 200 m³ de terre.
Environ 300 tonnes de roches (provenant des bois environnants) et plus de 30 tonnes de ciment seront nécessaires pour façonner l'ensemble. Au bout de trois ans d'efforts surhumains, le sanctuaire de Saint-Antoine de Padoue apparaît ! Vue de l'extérieur, la grotte se présente comme un enrochement d'une quinzaine de mètres de haut.
Depuis une niche aménagée dans la flèche, un Saint-Antoine à l'Enfant surplombe une terrasse où, de part et d'autre, deux archanges anéantissent le démon (serpent). Devant la grotte, un prêtre agenouillé représente le chanoine Gérard en personne.
Si l'on pénètre par l'une des ouvertures latérales, on accède à une sorte de petit déambulatoire où du plafond tombent des stalactites en ciment. À droite et à gauche, dans les cavités, deux « dioramas » mettent en scène les plus célèbres miracles que l'on prête à saint Antoine. Au centre, la mort de saint Antoine est également représentée.
Dans le fond, un escalier étroit permet d'accéder à la façade arrière du monument. En haut, on trouve la statue d'un vieux mendiant prêt à recueillir notre obole. Sur la droite, se dresse un diable cornu et ailé qu'un enfant de chœur repousse de la main. Au-dessus de cette scène, à la base de la flèche, se trouve l'entrée d'un petit caveau où a voulu être inhumé le chanoine Gérard.
En bas du village, le château mérite aussi le coup d'œil même s'il n'est pas situé sur le tracé du GR. Entourée d'eau, cette puissante construction en pierre calcaire est reliée à la terre ferme par un pont à trois arches, remplaçant un ancien pont-levis. Son origine remonte au XIIIe siècle, mais son aspect actuel dérive des aménagements importants entrepris par la famille de Carondelet, qui prit possession du château en 1549.
C'est de cette époque que datent le hourd en colombage, la tour de l'escalier et les dépendances. En 1925, après deux siècles d'abandon, un architecte achète le bien et l'aménage au confort de l'époque ; il referme certaines ouvertures et en perce d'autres. Depuis quelques années, le château a été racheté et des travaux sont entrepris, en accord avec les services du Patrimoine, pour le remettre en son état du XVIIe siècle.
Nous quittons Crupet, qui mérite tout à fait sa place dans la liste des « Plus beaux villages de Wallonie », en franchissant le ruisseau Crupet (affluent du Bocq) avant de passer à côté d'un ancien moulin. Sur le territoire communal, la multitude de ruisseaux à forte pente a donné naissance à de nombreux moulins. Au XVIe siècle, on recensait deux moulins à farine, une forge et une poudrerie.
Ces deux dernières usines disparaîtront au XVIIe siècle. Vers 1800, on comptait huit moulins de tailles diverses : quatre moulins à farine, une papeterie, une platinerie, un moulin à chanvre et un moulin à huile ! Au cours du XIXe siècle, tous seront transformés en moulin à farine ; le dernier s'arrêta en 1945.
Le tracé blanc et rouge nous fait grimper de 90 mètres sur un large chemin de terre circulant entre les champs cultivés et les prairies. Arrivés sur la crête, nous passons à côté de la ferme de Coux avant de tourner vers la gauche à la chapelle Saint-Donat. Ce dernier dimanche du mois d'avril a lieu le Rallye de Wallonie.
Si nous avons pu éviter la course automobile dans Crupet, il n'en est pas de même dans le village d'Ivoy. Nous sommes contraints d'attendre un délai plus important entre deux concurrents afin de pouvoir traverser la rue en toute sécurité. Nous nous installons sur un banc, au pied de l'église Saint-Martin d'Ivoy, pour effectuer la pause midi... un peu perturbée par le bruit de la course.
L'église, de style roman, est essentiellement construite en moellons de grès. De 1910 jusqu'aux années 1950, la princesse Clémentine, fille cadette du roi Léopold II, résidait à deux pas de l'église, au château de Ronchinne. Le dimanche, elle venait entendre la messe accompagnée de sa famille. Elle avait d'ailleurs sa propre loge, aujourd'hui disparue.
Nous empruntons un chemin empierré, à travers champs, jusqu'au château-ferme d'Arche. Situé dans le comté de Namur, il fut mêlé, dès le XIIIe siècle, aux conflits opposant le comte de Namur au prince-évêque de Liège ; la « Guerre de la vache » fut le plus célèbre de ces conflits. En 1429, Arche était mis en état de défense.
Les Woelmont sont devenus propriétaires du château au XIXe siècle et le cédèrent, en 1904, à l'arrière-grand-père du propriétaire actuel. Les bâtiments des XVIIe et XVIIIe siècles sont un bon exemple d'une demeure de la noblesse rurale en Namurois sous l'Ancien Régime. À côté du château, on peut admirer une potale, dédiée à Sainte-Foy, datant de 1678.
Après la chapelle de la Vierge Noire, nous descendons, au milieu des bois, vers le fond de la vallée avant de remonter sur l'autre versant. Vers 13 h 30, nous entrons dans Sart-Bernard où nous terminons ce circuit commencé six jours plus tôt.