GR 576 : Grand-Marchin → Ombret-Rawsa (21 km) - août 2013
Nous voici de retour à Grand-Marchin, quatre mois plus tard, pour parcourir la partie liégeoise de ce Tour du Condroz. Vers 9 h 15, nous débutons cette étape sous un ciel fort nuageux. Le GR 576 emprunte d'abord un chemin de terre avant de suivre une petite route descendant au milieu de la campagne.
Au niveau de l'ancienne gare de Barse, nous tournons à gauche pour emprunter momentanément le RAVeL 126 que nous avons déjà suivi à plusieurs reprises lors de notre semaine sur le Condroz namurois. Cette ligne à voie unique, construite à partir de 1872, reliait Ciney à Huy. Nous cheminons à côté du Hoyoux que nous traversons un peu plus loin.
Cette rivière prend sa source à Buzin sur la commune de Havelange, à environ 290 mètres d'altitude. Elle traverse les communes de Clavier, Modave et Marchin avant de se jeter dans la Meuse à Huy, à 70 mètres d'altitude. Avec une pente moyenne de 9 mètres au kilomètre, le Hoyoux se classe dans la catégorie des cours d'eau torrentiels.
Près du château ferme de Barse, nous prenons un chemin herbeux, entre des haies. Un château existait depuis le XIe siècle et fut détruit par les milices hutoises en 1314. Le château ferme actuel, construit au XVIIe siècle, est constitué d'une tour carrée encadrée par des bâtiments en moellons de calcaire flanqués de trois tours. L'une d'elles date sans doute du XVe siècle et abritait la chapelle. Ce quadrilatère est l'une des constructions les plus typiques du Condroz.
De l'autre côté de la N641, nous entamons une longue montée, à travers bois, sur un chemin empierré. Au sommet, nous évoluons sur le plateau entre les terres cultivées. À l'horizon, on aperçoit déjà les fumées émanant de la centrale nucléaire de Tihange.
Le tracé blanc et rouge ne se dirige pas directement vers le hameau de la Sarte, mais préfère effectuer un détour par un bois. Si cet itinéraire est nettement plus beau, il est aussi plus vallonné passant en 1,5 km de 225 à 139 mètres d'altitude avant de remonter à 215 mètres.
Le GR 576 passe à proximité de l'église Notre-Dame de la Sarte dont l'histoire est liée au développement du pèlerinage à Notre-Dame de la Sarte. En 1621, une pauvre femme de la ville ramassait du bois mort sur le mont du Sart. Près d'une petite chapelle en ruine, elle trouva une statue de la Vierge qu'elle plaça sur son fagot.
Mais, à sa grande surprise, il lui fut impossible de soulever son fardeau qu'elle avait pourtant porté sans peine jusque-là. L'aide de deux passants se révélant inefficace, elle retira la statue du fagot et, à la stupéfaction de tous, remit sans difficulté sa récolte de bois sur ses épaules. Ces faits étranges attirèrent aussitôt, sur le mont du Sart, la foule des pèlerins.
On reconstruisit la petite chapelle et, en 1624, on dut déjà songer à bâtir une église plus vaste. En 1656, une famine due à la sécheresse persistante menaçait le pays. Le magistrat communal et le clergé organisèrent les supplications publiques habituelles, mais cette fois, la statue de Notre-Dame de la Sarte fut solennellement descendue en ville.
Elle était à peine rentrée à la Sarte, rapporte la tradition, que la pluie si ardemment désirée se mit à tomber généreusement, sauvant la population du fléau redouté. Ce n'est pourtant qu'à partir de 1663 que la statue miraculeuse fut, tous les sept ans, exposée à la collégiale de Huy, la veille du 15 août, et portée, le lendemain, processionnellement dans les rues de la cité.
L'église, paroissiale depuis 1842, accueillit une communauté de Dominicains en 1860. La haute tour, qui porte l'image mariale à la vue de toute la région, date de 1928. Les Dominicains ont aujourd'hui quitté la Sarte ; une des figures marquantes de ce couvent fut le père Dominique Pire, Prix Nobel de la Paix en 1958, créateur des Iles de Paix et du mouvement mondial en faveur des personnes déplacées.
À la sortie d'un sentier, nous arrivons dans le chemin des Chapelles qui constitue la fin du pèlerinage à Notre-Dame de la Sarte, au cours duquel les pèlerins s'arrêtent devant les six chapelles qui le borde. Nous effectuons la pause de midi, sur un banc, au pied d'une des chapelles.
C'est surtout grâce à la course cycliste la Flèche wallonne, qui l'emprunte à trois reprises et se termine à son sommet, que ce chemin est mondialement connu sous le surnom de « Mur de Huy ». Cette côte raide de 1,2 km aux pourcentages impressionnants, frôlant les 25 % dans le virage le plus difficile, donne souvent lieu à des arrivées spectaculaires.
Le parcours « officiel » évite le centre de Huy, mais la liaison vers la gare (2 km) permet de découvrir quelques monuments... L'origine de la ville est inconnue, mais on l'attribue volontiers aux Romains. L'évêque de Tongres évangélisa la cité mosane dès le VIe siècle.
Passé sous le contrôle de la principauté de Liège en 985, Huy va connaître une expansion progressive avec l'installation sur les bords du Hoyoux de nombreux artisans : tanneurs, foulons, chaudronniers, menuisiers. La batterie de cuivre, industrie florissante dans la cité hutoise, fut exportée dans toute l'Europe dès le XIe siècle.
En 1066, l'évêque Théoduin de Bavière, en échange de la moitié de leurs biens meubles pour financer la reconstruction de la collégiale Notre-Dame, accorda aux Hutois une charte de libertés, première du genre en Europe occidentale. Le château « Li Tchestia » devint une puissante forteresse, servant de retraite aux princes liégeois en conflit avec leurs sujets.
Mais la brillante destinée que connut Huy se ternit peu à peu à cause de sa position stratégique. La forteresse dut subir de nombreux sièges (douze en trente ans) et incendies. Pillages, massacres et épidémies ravagèrent à de nombreuses reprises la cité mosane. En 1715, la destruction du Tchestia, fleuron de l'architecture militaire européenne, est ordonnée. Durant un siècle, le piton rocheux demeura vierge de toute construction.
Ce n'est qu'en avril 1818 qu'est posée la première pierre du fort actuel. Dès mai 1940 et durant quatre ans et demi, il devint un exécrable bagne nazi. Le fort de Huy fut l'un des principaux « centre de triage » pour les prisonniers qui étaient ensuite acheminés vers les camps de la mort ; 7 000 Belges et étrangers y furent internés. Aujourd'hui restauré, il est un mémorial de ces années sombres.
Cinq églises ont successivement occupé l'emplacement de la collégiale Notre-Dame et Saint-Domitien. D'après la tradition, un premier oratoire aurait été érigé par saint Materne au début du IVe siècle et remplacé, un siècle plus tard, par l'église construite sur ordre de l'évêque de Tongres. La première pierre de la collégiale actuelle a été posée en mars 1311 et tous les travaux achevés en 1536.
L'édifice est un mélange de gothique rayonnant du XIVe siècle et flamboyant du XVe siècle. La flèche qui coiffait autrefois la massive tour occidentale a été détruite, en 1803, par un incendie provoqué par la foudre. L'intérieur de la collégiale abrite « Li Rondia » : la plus grande rosace (6 mètres de diamètre) de style gothique rayonnant de Wallonie.
L'hôtel de ville, datant de 1766, se trouve sur la Grand Place. Le bâtiment a été construit à l'endroit où se trouvait autrefois l'ancienne « Halle aux grains ». Les concepteurs y ont incorporé une tour destinée à abriter un carillon, en remplacement de celui de l'ancien beffroi disparu depuis longtemps. L'hôtel de ville comporte une façade symétrique couronnée d'un fronton triangulaire au blason de la ville et un perron à double volée d'escalier donnant accès au bel-étage.
Vu le manque de moyens des autorités communales de l'époque, le prince-évêque a soutenu financièrement le projet de construction du nouvel édifice dont la ville avait grandement besoin. Ceci explique peut-être la grande parenté stylistique avec d'autres maisons de villes construites au XVIIIe siècle dans la principauté à Liège, Verviers, Theux, Tongres, Hasselt.
Par la promenade Saint-Jean l'Agneau, une allée rectiligne bordée d'arbres, nous quittons la ville de Huy. Passage près de l'institut Yeunten Ling, un centre de bouddhisme tibétain. Cet institut, dont la signification française est « jardin des qualités », est un centre de stages, de résidence et de retraite fondé en 1983.
Nous abordons ensuite une longue partie forestière d'environ six kilomètres. Le massif forestier constitué par les bois de Tihange et de Neuville fait partie de l'Ardenne condruzienne, aussi nommée, plus correctement, le Condroz ardennais. Le bois de Neuville est séparé du bois de Tihange par le vallon du ruisseau de Maurissart que nous allons remonter jusqu'au lieu-dit Neuf Bonniers.
Après la vaste clairière des Neuf Bonniers, nous grimpons encore un peu jusqu'au hameau de La Pâche, à 240 mètres d'altitude, avant d'amorcer la descente vers Ombret-Rawsa. Ici, il y a 395 millions d'années, le delta d'un fleuve se jetait dans la mer. Les sédiments apportés par les eaux se déposaient au fond. Les plus gros galets voyaient les interstices entre eux comblés par de plus petits cailloux, des sables et des argiles.
Au fil des années, les dépôts se sont accumulés en couches successives épaisses. L'aspect du poudingue peut faire penser au béton, comme il s'agit d'un agglomérat de cailloux et de galets soudés par un ciment naturel. Poudingue vient de l'anglais « pudding-stone » en allusion aux cailloux arrondis qui rappellent les raisins du pudding.
C'est un peu après 15 h, et sous le soleil, que nous retrouvons la voiture devant l'église Notre-Dame d'Ombret-Rawsa. Cet édifice, construit en 1871, est aujourd'hui désaffecté et tombe en ruine...