Les Randos de Fred & Paul

Camino : Saint-Jean-Pied-de-Port → Roncevaux (25 km) - juin 2019

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Nous voici de retour à Saint-Jean-Pied-de-Port, neuf mois plus tard, pour poursuivre notre périple en direction de Saint-Jacques-de-Compostelle. C’est sous un ciel assez gris que nous débutons, vers 8 h 30, cette étape. Nous franchissons le pont sur la Nive et empruntons la rue d’Espagne jusqu’à la porte d’Espagne.

À peine avons-nous passé cette dernière que le Chemin entame sa longue ascension en direction du col de Bentarte ; en 16 km, nous allons passer de 170 à 1 344 mètres d’altitude. Les cinq premiers kilomètres, jusqu’à Honto, s’effectuent sur l’asphalte ; c’est la partie la plus pentue du parcours.

Camino Francés entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Honto Camino Francés entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Honto

La route que nous suivons est dénommée « route Napoléon », car elle fut aménagée du temps de ce dernier lors de la campagne d’Espagne (1808). Cette route était l’ancienne voie romaine reliant Bordeaux à Astorga et serait l’itinéraire suivi (en sens inverse) par l’armée de Charlemagne en 778.

À partir d’Honto (500 mètres d’altitude), nous commençons à croiser et à dépasser de plus en plus de pèlerins. Contrairement à la partie française (entre Le Puy-en-Velay et Saint-Jean-Pied-de-Port) où il y avait majoritairement des francophones, nous rencontrons ici des marcheurs issus du monde entier (Allemagne, Australie, Corée du Sud, Espagne, USA,…).

Camino Francés entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Honto

Un peu après Honto, nous quittons la route pour un chemin de terre montant en lacets. Au terme de ce tronçon, un peu raide, d’environ un kilomètre, où nous avons croisé plusieurs troupeaux de moutons, c’est à nouveau sur l’asphalte de la D428 que nous avançons et ce durant 8,5 km.

Camino Francés entre Honto et Orisson Camino Francés entre Honto et Orisson

Grâce au vent, le ciel s’éclaircit de plus en plus et nous pouvons ainsi pleinement profiter du magnifique panorama.

Camino Francés entre Honto et Orisson

Au-delà du refuge d’Orisson (810 mètres d’altitude), où de nombreux randonneurs effectuent une pause, la route devient moins pentue. Le tracé blanc et rouge atteint, 2,5 km plus loin, le lieu-dit « Karossa Uskali » (carrosse renversé, en basque).

Le 6 janvier 1560, Élisabeth de Valois, 15 ans et demi, fille du roi de France Henri II, se rendait en Espagne pour y épouser le roi Philippe II quand une voiture de son escorte se renversa. Il y eut des morts, des chevaux tués et des bagages perdus. Chaleureusement accueillie à Roncevaux, elle distribua trois réaux à chacun des 400 pèlerins...

Camino Francés entre Orisson et la croix Thibault Camino Francés entre Orisson et la croix Thibault

Un peu plus haut, nous apercevons, dressée sur un rocher un peu à l’écart de la route, la Vierge de Biakorri dite Vierge d’Orisson (1 100 mètres d’altitude). Le nom « Biakorri », qui signifie : les vents qui courent, est bien choisi, car effectivement le vent y souffle assez fort.

Nous contournons ensuite un col où se situe l’ancienne redoute de Château-Pignon. Celle-ci a été construite, en 1512, après la conquête de la Navarre par le roi catholique Ferdinand d’Aragon.

Vierge de Biakorri

En cours de route, nous sommes tout à coup surpris de découvrir des dizaines de vautours fauves réunis autour de ce qui ressemble à un cheval mort. Ces oiseaux, exclusivement charognards, prospectent le terrain en groupe. Dès que le cadavre est repéré, il se laisse tomber en spirales. Ils peuvent faire disparaître totalement une charogne en quelques heures.

Vautours fauves

Un food truck propose l'achat de quelques denrées et annonce que l'on peut apposer, sur la credencial, le dernier cachet français. Après la pause de midi, effectuée à l'abri d'un des nombreux murets de parpaings (environ un mètre de haut), nous arrivons à la « Croix Thibault ».

Camino Francés entre Orisson et la croix Thibault

Là, le tracé blanc et rouge prend, sur la droite, un chemin herbeux. C’est sur ce dernier que nous franchissons la frontière franco-espagnole. Une stèle indique que pour Saint-Jacques-de-Compostelle, il reste 765 km à parcourir... ce genre d'indication est fréquent en Espagne, mais rarement fiable !

Camino Francés entre Orisson et la croix Thibault Camino Francés entre la croix Thibault et le col Lepoeder

Nous passons ensuite au col de Bentarte (1 344 mètres d’altitude) et arrivons à la fontaine de Roland. Après celle-ci, une grande stèle nous annonce que nous entrons sur le territoire de la Navarre (l’une des 17 communautés autonomes espagnoles).

col de Bentarte, fontaine Roland

Jusqu’à Roncevaux, divers monuments évoquent la célèbre bataille de Roncevaux et plus particulièrement Roland, le neveu de Charlemagne. En 778, Charles Ier et son état-major décident de s'attaquer aux forces musulmanes qui occupent l'Espagne. Après avoir concédé la défaite face aux Sarrasins, il prend la décision de s'attaquer aux Vascons et fait raser la cité de Pampelune.

Assoiffés de vengeance, les Vascons décident d'attaquer l'expédition du futur Charlemagne. Sur le chemin du retour, les soldats sont lourdement armés et la vitesse de progression est très lente ; l'armada forme une longue colonne qui serpente à travers la chaîne pyrénéenne. L'arrière de la colonne franque est commandé par Roland.

L'effet de surprise et la rapidité de mouvement jouent en faveur des Vascons. Roland, qui pressent un grand péril, sonne du cor le plus fort possible afin d'alerter son oncle. Cependant, lorsque ce dernier arrive sur les lieux, son neveu est mort ainsi que tout l'arrière de la troupe. Le guet-apens des Vascons a fonctionné.

Le chemin, presque horizontal, traverse une belle hêtraie et nous permet ainsi, pendant environ deux kilomètres, d’être à l’abri du vent. Après ce moment de répit, nous retrouvons un chemin caillouteux montant vers le point culminant de cette étape : le col Lepoeder (1 430 mètres d’altitude).

Camino Francés entre la croix Thibault et le col Lepoeder Camino Francés entre la croix Thibault et le col Lepoeder

Arrivés au sommet, il ne nous reste plus qu’à descendre vers Roncevaux et pour cela, nous avons deux possibilités : un parcours forestier annoncé comme étant assez raide ou la variante, un peu plus longue mais plus aisée, passant par le col d’Ibañeta. C’est, comme la majorité des pèlerins, la seconde option que nous choisissons.

Cet itinéraire suit une petite route goudronnée décrivant de nombreux lacets ; ces derniers sont souvent évités grâce à d’étroits sentiers. Si le parcours est agréable, les fortes rafales de vent (à plus de 90 km/h) compliquent la progression.

Camino Francés entre le col Lepoeder et Roncevaux Camino Francés entre le col Lepoeder et Roncevaux

Nous atteignons le col d’Ibañeta, ou col de Roncevaux (1 060 mètres d’altitude), où se dresse une chapelle moderne, bâtie en 1965. Après un dernier kilomètre, en légère descente, en lisière de forêt, nous arrivons, vers 15 h 30, devant la collégiale de Roncevaux.

Chapelle au col d'Ibañeta

Même si nous ne logeons pas à l’auberge des pèlerins, située dans le monastère, nous y allons quand même afin d’apposer le cachet sur la credencial. Il est demandé à chaque marcheur de remplir un petit document où il doit notamment mentionner son pays d’origine, sa religion et la raison du voyage : spirituel, sportif,…

Parmi les constructions du complexe monastique, un monument s’impose : la collégiale Santa Maria. L’église, construite en pierre calcaire au début du XIIIe siècle, est de style gothique français ; on se serait inspiré de la cathédrale Notre-Dame de Paris pour l’édifier. La façade est flanquée, sur sa gauche, d’une tour qui conserve son aspect défensif originel.

À l’intérieur de l’édifice, l’autel principal est présidé par une statue de la Vierge de Roncevaux. Il s'agit d'une sculpture en bois, plaqué argent, datant du milieu du XIVe siècle et réalisée dans la ville française de Toulouse.

Roncevaux, collégiale Santa Maria

Le cloître primitif, détruit en 1600 par de fortes chutes de neige, a été reconstruit au cours du XVIIe siècle.

S’ouvrant sur le cloître, la chapelle de San Agustin est l'ancienne salle capitulaire. Au centre de celle-ci, se trouve le sépulcre du roi Sanche VII le Fort. La dalle qui le recouvre, datant du milieu du XIIIe siècle, est ornée d’une statue qui témoigne de la taille imposante du monarque.

Roncevaux, chapelle San Agustin

Au chevet de la chapelle, sont exposées, derrière une grille, les chaînes qui entouraient la tente de Miramamolín pendant la bataille de Las Navas de Tolosa (1212) ; ces chaînes figurent sur le drapeau de la Navarre. Les vitraux de la chapelle, fruit de la restauration de 1912, représentent cette même bataille.

Roncevaux, bataille de Las Navas de Tolosa

Un peu à l’écart, la chapelle del Espiritu Santo est aussi connue sous le nom de « Silo de Charlemagne » puisque la tradition l'identifie à la sépulture que le roi franc fit construire pour Roland et les autres chevaliers, morts au cours de la bataille de Roncevaux.

Malgré le fait que cette chapelle nous soit parvenue très transformée, il s’agit de la construction la plus ancienne conservée en ce lieu. Juste à côté, l’église dédiée à Saint-Jacques est un petit bâtiment gothique construit au XIIIe siècle.

Roncevaux, Silo de Charlemagne

À 20 h, nous assistons, dans la collégiale, à la messe suivie de la bénédiction des pèlerins. Après l’office, ceux qui le souhaitent peuvent bénéficier d’une visite guidée des lieux…

Plan du parcours