Camino : Los Arcos → Viana (19 km) - juin 2019
Vers 9 h, nous commençons cette étape qui s’annonce bien plus ensoleillée que la précédente. Nous quittons Los Arcos en passant sous la belle « porte de Castilla ». Située à côté de l’église, c’était la porte d'accès principale de l'enceinte médiévale qui ceinturait la municipalité. La porte de Castilla reçut ce nom parce qu’elle ouvrait la voie vers le royaume voisin de Castille.
Il faut signaler que, pendant près de trois siècles, Los Arcos a été annexé à la couronne de Castille, constituant ainsi une enclave importante. La porte actuelle est une succession de plusieurs reconstitutions effectuées aux XVIIe et XVIIIe siècles ainsi qu’en 2007. Le blason royal de Felipe V apparaît au-dessus de l’arcade.
Nous traversons la N129 ainsi que la rivière Odron et suivons la petite route menant vers le cimetière. Après celui-ci, c’est sur un chemin gravillonné, rectiligne et plat, que nous avançons pendant trois kilomètres. Ce chemin, parallèle à la N111, progresse entre les champs de céréales (blé et orge).
Juste après un petit vignoble, le Camino Francés quitte cette piste pour en emprunter une autre, gravillonnée elle aussi, qui s’élève lentement. Ce tronçon d’1,5 km se passe au milieu des champs, mais de temps en temps, pour varier un peu, nous avons droit à des parcelles de vignes ou à une plantation d’oliviers.
Nous rejoignons la N7205 et marchons au bord de celle-ci, sur un kilomètre, jusqu’à Sansol. L’étape du jour étant courte, nous pouvons nous permettre d’effectuer un peu plus de pauses. Le village abrite quelques belles maisons blasonnées ainsi qu’une église baroque dédiée à San Zoilo.
Depuis le parvis de l’église, nous profitons d’un beau point de vue sur Torres del Rio. Le court tronçon (700 mètres) pour rejoindre ce village s'effectue, en descente (de 493 à 446 mètres d’altitude), sur un sentier dallé, en lisière de champs.
Nous franchissons la rivière Linares et grimpons dans Torres del Rio qui abrite, notamment, l’église du Santo Sepulcro. Cet édifice roman (XIIe siècle) est sans doute l’œuvre d'artisans mudéjares, ce qui explique les éléments d'inspiration mauresque qui le caractérisent. L’église, de forme octogonale, est surmontée d'un lanternon auquel on accède par la tourelle accolée à l'ouest.
Pour un euro, il est possible d’admirer l’intérieur de l’église et d’apposer le cachet sur la credencial. On entre dans l'édifice par la porte latérale sud dont le tympan présente une croix patriarcale, insigne de l'ordre militaire sacré du Saint Sépulcre de Jérusalem.
À l'intérieur, le regard est attiré vers la coupole aux nervures épaisses dessinant une étoile à huit pointes. Les fenêtres disposées au bout des branches de l’étoile, les modillons et les chapiteaux historiés sont les seuls éléments décoratifs.
Nous quittons le village par une rue bétonnée menant au cimetière. Au-delà de ce dernier, le Camino Francés poursuit son ascension sur un petit chemin au milieu de la campagne. 700 mètres plus loin, nous approchons de la N111 que nous allons suivre, de plus ou moins près, durant deux kilomètres.
Pour notre plus grand plaisir, le paysage change progressivement : les champs de céréales laissent la place aux vignobles, les terres non cultivées se font plus nombreuses.
Au bord de la nationale, à 560 mètres d’altitude, nous découvrons la chapelle Nuestra Señora del Poyo (Notre-Dame du Puy), datant, dans son état actuel, du XVIIIe siècle, mais dont l’origine remonterait au XIIe siècle. Peu après cette chapelle, nous délaissons temporairement la N111 pour grimper un étroit sentier menant à la N7206. C’est au niveau de celle-ci que se situe le point culminant de l’étape : 576 mètres d’altitude.
Après une petite pause, en compagnie d’une pèlerine de la région d’Orléans, nous entamons les sept derniers kilomètres de la journée. Les flèches jaunes nous mènent, en descente, vers le barranco (ravin) de Valdecornava ; le parcours, dans le lit de cet ancien ruisseau, est bien agréable, car il s’effectue en zone boisée.
Nous revenons ensuite près de la N111 et descendons, entre les vignes, vers le barranco de Valmayor : 456 mètres d’altitude. Nous trouvons une aire de pique-nique où effectuer la pause de midi avant d’amorcer, de l’autre côté de la nationale, la dernière côte de l’étape. Au sommet, nous retrouvons la N111 et marchons le long de celle-ci (ou à quelques mètres) pendant deux kilomètres.
Vers 14 h, nous entrons, par une ancienne porte, dans Viana. Cette charmante cité a été fondée par le roi Sancho VII le Fort, en 1219, avec un objectif clairement défensif vis-à-vis de la Castille. Construite sur une butte, il s'agit d'une place forte, aux rues étroites, protégées par une épaisse muraille médiévale.
La ville servit de résidence aux monarques. En 1432, Carlos III le Noble institua le titre de prince de Viana et convertit la ville en chef-lieu d’une principauté composée de 14 localités. Ce titre est encore porté actuellement, avec celui de prince des Asturies, par les héritiers de la Couronne d’Espagne.
Viana a connu son époque de splendeur entre les XVIe et XVIIIe siècles. À la suite de l'obtention du titre de cité, en 1630, les nobles qui sont venus s'y établir ont fait construire de nombreux édifices civils et religieux. Outre les anciennes ruelles du tracé médiéval, la cité conserve certains vestiges de l’enceinte fortifiée.
On peut encore admirer quelques tours, pans de muraille et barbacanes ainsi que plusieurs portes d’entrée dans la ville. Celles-ci sont orientées vers chaque point cardinal : San Felices à l'ouest, San Juan au nord, Estella à l'est et La Solana au sud ; ces deux dernières arborent les armes royales.
Dans l’après-midi, nous découvrons, près de notre logement, l'église San Pedro datant du XIIIe siècle. Les graves dommages qu’elle a subis lors de la Première Guerre carliste provoquèrent son effondrement en 1844. Bien qu'elle soit en ruine, son portail baroque du XVIIIe siècle est en bon état ; il présente une niche abritant une statue de San Pedro. L'ancien cimetière est devenu un jardin public d’où l’on profite d’un beau point de vue sur la vallée de l’Èbre.
L’église Santa María, de style gothique, a été construite entre 1250 et 1312. Le clocher et le portail sud, de style renaissance, furent ajoutés au XVIe siècle. La structure de ce portail est semblable à un grand retable en pierre où se combinent l'architecture et la sculpture. En examinant son iconographie, on peut y reconnaitre des épisodes des travaux d'Hercule, des scènes de la vie du Christ, une Vierge assise et des personnages de l'Ancien Testament.
C'est devant ce portail que se trouve la tombe de César Borgia, le très ambitieux fils du pape Alexandre VI et frère de Lucrèce Borgia. Sur la dalle de marbre, on peut lire : « César Borgia. Généralissime des Armées de Navarre et Pontificales. Mort sur le territoire de Viana le XI mars MDVII ».
Prince, guerrier et homme politique, il fut tué en 1507, à proximité de Viana, par les soldats du comte de Lerín. César Borgia a été enterré dans l’église, mais quelques années plus tard, l’évêque de Calahorra, considérant comme un sacrilège que ses restes furent ensevelis dans un lieu sacré, ordonna de les enterrer à l’extérieur « afin que les hommes et les bêtes le piétinent pour expier ses péchés ».
À l’intérieur de l’église, accessible au moment des offices, on peut admirer un beau retable baroque du XVIIe siècle. Dédié à la Vierge, on y devine diverses scènes de sa vie ; les douze apôtres sont aussi représentés sur cet ouvrage monumental.