Les Randos de Fred & Paul

Camino : Nájera → Santo Domingo de la Calzada (21 km) - juin 2019

Après une bonne nuit et un petit déjeuner très correct (ce qui n’est pas souvent le cas), nous commençons l'étape vers 8 h 45. Nous longeons le monastère, visité hier après-midi, et prenons la rue Costanilla qui grimpe vers une petite forêt de conifères.

Nous nous éloignons ainsi de Nájera et comprenons pourquoi la cité porte ce nom. Ce sont les arabes qui l'ont appelé « Náxara » (lieu entre les rochers) ; en effet, la ville se situe au pied d’une imposante falaise de couleur ocre.

Camino Francés entre Nájera et Azofra

Tandis que le béton cède la place à un chemin caillouteux, nous poursuivons l'ascension jusqu'à atteindre les 565 mètres d’altitude. Nous quittons ensuite le bois et descendons, lentement, vers un hangar agricole. Au-delà de ce dernier, le Camino Francès emprunte, pendant 3,5 km, une petite route.

Celle-ci passe entre les parcelles de vignes et les quelques rares champs de céréales. De temps à autre, nous croisons de petits ruisseaux dont l'eau est abondamment utilisée pour l'irrigation des cultures grâce à un vaste réseau de canalisations.

Camino Francés entre Nájera et Azofra Camino Francés entre Nájera et Azofra

Nous arrivons à Azofra et arpentons la rue principale qui coïncide avec le Chemin de Compostelle ; on y trouve une pharmacie, une épicerie, un restaurant et un bar où la majorité des marcheurs s’arrête pour boire un café. À l'initiative de Doña Isabel, Azofra compta dès 1168 un hôpital et un cimetière pour les pèlerins ; le gîte communal est dédié à cette dame.

Nous effectuons une petite pause devant l'église Notre-Dame des Anges (XVIIIe siècle) qui, comme la plupart des édifices religieux dans les villages traversés, est fermée.

Azofra

À la sortie du village, nous suivons une grand-route sur une centaine de mètres et franchissons la rivière Tuerto. Avant de prendre, sur la gauche, un chemin de terre montant vers l'A12, nous découvrons la fuente de los Romeros (fontaine des Pèlerins). Si dans la documentation touristique, il est dit que l'on peut se rafraîchir à cette source d’eau douce et saine ; vu l’air délabré des lieux, nous préférons éviter de la goûter…

En chemin vers l'autoroute, après un kilomètre, nous passons à côté du « rollo de Azofra ». Il s’agit d'une borne, du XVIe siècle, qui servait bien sûr d'indicateur de chemin, mais pouvait aussi exprimer un symbole de justice en rappelant l'existence des piloris.

Rollo de Azofra

Pendant un kilomètre, nous longeons l'autoroute et empruntons ensuite une large piste montant vers Cirueña (de 556 à 725 mètres). Ce chemin de terre (ou caillouteux par endroits), presque rectiligne, progresse, durant 4,5 km, au milieu des champs de céréales ; les vignobles se faisant de plus en plus rares.

Camino Francés entre Azofra et Cirueña Camino Francés entre Azofra et Cirueña

À l'approche de Cirueña, nous sommes soudain surpris de longer une zone très verdoyante avec de nombreux arbres, dont des chênes centenaires. Il s'agit en fait d'un terrain de golf, inauguré en 2003, s'étendant sur une septantaine d’hectares. Autour de cette vaste zone sportive, tout un complexe de résidences et appartements, à l'architecture très moderne, a été créé… un projet démesuré puisque tout a l'air vide.

Golf de Cirueña Golf de Cirueña

Nous effectuons la pause de midi dans un petit parc avant d'entamer la dernière partie de l’étape. Après avoir suivi une grand-route pendant 350 mètres, nous prenons, face à une plantation de houblons, un chemin caillouteux. Pendant deux kilomètres, nous progressons sur cette large piste, légèrement vallonnée, filant au milieu des champs.

Camino Francés entre Cirueña et Santo Domingo de la Calzada Camino Francés entre Cirueña et Santo Domingo de la Calzada

À l'Alto de Vallejanco (729 mètres d’altitude), on trouve une aire de repos aménagée en mai 2019. De là, on profite d'un beau point de vue sur Santo Domingo de la Calzada et ses alentours. À l'occasion du millénaire de la naissance de Santo Domingo, une imposante œuvre d'art a été installée à cet endroit.

Nous descendons ensuite, en quasi ligne droite, toujours entre les terres cultivées, vers les faubourgs de la ville ; un parcours un peu monotone. Peu avant 14 h, nous atteignons notre logement situé à l'entrée de Santo Domingo de la Calzada : le couvent cistercien.

Camino Francés entre Cirueña et Santo Domingo de la Calzada

Vers l'an 1040, l'ermite Domingo s'installe ici, sur les bords de la rivière Oja. Constatant les besoins des pèlerins qui se dirigent vers Saint-Jacques-de-Compostelle, il se propose de s'occuper d’eux et de rendre le chemin plus accessible avec de meilleurs services. En 1106, il reçoit la visite du roi Alphonse VI de Castille qui le remercie et soutient son activité.

Domingo meurt en 1109 et est enterré au bord du chemin que prennent les pèlerins dans le bourg qui finit par recevoir son nom : Santo Domingo de la Calzada. On attribue traditionnellement à Santo Domingo :

  • l'élagage d'une forêt afin d'ouvrir le chemin et d'établir une infrastructure urbaine qui donnera naissance à cette ville
  • la construction d'un pont pour traverser la tumultueuse rivière Oja
  • la construction d'un hôpital pour accueillir et soigner les pèlerins
  • l'édification d'une église en l'honneur de la Vierge

La construction de la cathédrale a commencé en 1158 ; la partie orientale est ce qui reste de l'édifice antérieur. Au XIVe siècle, la cathédrale devint un bâtiment fortifié, le seul exemple de ce type dans La Rioja. On peut visiter l'ensemble des passages et escaliers en colimaçon, mais aussi se rendre sur le toit d'où l'on profite d'une belle vue.

Cathédrale de Santo Domingo de la Calzada

Du XVe au XVIe siècle, une nouvelle phase de travaux de grande ampleur a eu lieu dans la cathédrale. Ceux-ci comprennent l'élargissement du transept sud, l'élévation de l'autel principal, la construction du mausolée de Santo Domingo et de diverses chapelles. La façade a été érigée, entre 1761 et 1765, sur le bras sud du transept ; elle est dominée par les statues de San Emeterio, San Celedonio et Santo Domingo (au centre).

Cathédrale de Santo Domingo de la Calzada (entrée)

À l'intérieur de la cathédrale, on peut notamment admirer le mausolée de Santo Domingo. Le gisant, de deux mètres, est l'un des rares et meilleurs exemples de sculpture et polychromie romane espagnole de la fin du XIIe siècle. Ce gisant repose sur un socle en albâtre, datant de 1450, où figurent diverses scènes de la vie du saint.

Le baldaquin en albâtre, de style gothique, a été réalisé vers 1513. L'ensemble est entouré d’une grande clôture baroque en fer. Sous le mausolée, on trouve une crypte, édifiée en 1958, où reposent les reliques du saint.

Cathédrale de Santo Domingo de la Calzada (mausolée) Cathédrale de Santo Domingo de la Calzada (mausolée)

L'élément le plus insolite est sans aucun doute le poulailler, datant de 1145, qui abrite un coq et une poule vivants, de couleur blanche, en souvenir du miracle du pèlerin injustement pendu. C'est la confrérie de Santo Domingo qui prend soin des volailles ; elles sont changées tous les 15 jours.

Le coq et la poule se trouvent, en hauteur, derrière une grille ouvragée, ce qui empêche les pèlerins d'aujourd'hui de leur arracher une plume en guise de relique. Les chaînes du captif et la poutre du gibet sont suspendues aux murs de la cathédrale. Il est de bon présage d'entendre le coq chanter…

En 1130, Hugonell, un jeune pèlerin germanique en route avec ses parents vers Saint-Jacques-de-Compostelle, passa la nuit dans une auberge de Santo Domingo de la Calzada. Une jeune servante lui fit des avances, qu'il repoussa. Éconduite, elle cacha dans son bagage de la vaisselle d'argent. Au moment du départ, elle l'accusa du vol du plat.

Il fut condamné et pendu pour ce vol qu'il n'avait pas commis. Les parents éplorés continuèrent leur pèlerinage et prièrent. De retour, ils entendirent leur fils dire du haut du gibet qu'il vivait, car Santo Domingo le protégeait. Émerveillés, ils s'adressèrent au corrégidor alors qu'il était en train de déguster un coq et une poule rôtis.

Incrédule, ce juge leur répondit avec ironie : « Si votre fils est vivant, cette poule et ce coq se mettront à chanter dans mon assiette. » À cet instant, les gallinacés se remplumèrent, le coq chanta et la poule caqueta. Le juge bouleversé fit dépendre le jeune homme et pendre la fautive à sa place.

Cathédrale de Santo Domingo de la Calzada (poulailler)

La cathédrale a eu, tout au long de son histoire, trois tours. La première, de style roman, construite à la fin du XIIe siècle, était située à l'emplacement du poulailler ; elle a été détruite par un orage en 1450. Cette tour a été remplacée par une deuxième, de style gothique, dont la construction a pris fin en 1560 et qui s'est effondrée au début du XVIIIe siècle.

La tour actuelle a été érigée de 1762 à 1765. À cause des caractéristiques du terrain, elle a été construite à huit mètres de la cathédrale, dans une zone plus appropriée. La tour, de style baroque, mesure 69 mètres et est divisée en trois parties ; les deux premiers étages sont carrés tandis que le clocher est de forme octogonale. L'architecte est Martin de Beratúa ; c'est lui qui a aussi réalisé les tours jumelles de Santa María la Redonda à Logroño.

Tour de la cathédrale de Santo Domingo de la Calzada

En parcourant la ville, nous découvrons de nombreux vestiges des fortifications construites, vers 1367, par Pedro Ier de Castille. Ce roi était surnommé, par ses ennemis politiques, Pedro le Cruel du fait de la longue liste d'exécutions et d'assassinats qu'il a ordonnés.

Cette construction monumentale, en pierres de taille, mesurait 1 670 mètres de long et avait une épaisseur de 2,5 mètres. La muraille possédait 38 grosses tours de 12 mètres de haut et sept portes aux arcs en ogive ; on peut encore observer 12 grosses tours. C’est la plus grande enceinte fortifiée conservée dans La Rioja.

Santo Domingo de la Calzada, fortifications

Dans Santo Domingo de la Calzada, on trouve aussi diverses sculptures qui évoquent le pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

Santo Domingo de la Calzada, sculptures

Après cet après-midi « culturel », nous devons patienter jusqu'à 21 h pour le repas. Celui-ci se passe dans la vaste salle à manger du couvent où nous sommes servis par deux religieuses. Hormis Paul et moi, il y a un groupe d'une trentaine de touristes espagnols… fort bruyants.

À la fin du repas, deux personnes de ce groupe fêtant leur anniversaire, un gâteau est apporté et des bouteilles de champagne sont débouchées. Un membre du groupe nous offre une coupe de champagne…

Plan du parcours