Camino : Burgos → Hornillos del Camino (22 km) - avril 2023
Pour info : le parcours décrit ci-dessous emprunte certaines variantes non balisées.
De retour à Burgos, 4 ans plus tard, nous commençons cette étape vers 9 h. Si le soleil est déjà présent, la température est cependant négative et nous contraint à enfiler la veste et le bonnet une partie de la matinée. Pour quitter le centre-ville, nous optons pour un parcours différent du tracé « officiel » afin de découvrir, depuis un promontoire, le beau point de vue sur Burgos et la cathédrale Santa Maria.
Nous admirons d’abord l’arco de San Gil. Située dans la partie nord-est de la muraille, cette ancienne porte, modifiée au XVIe siècle, était l'une des entrées les plus importantes de la ville.
Après la fondation de Burgos en 884, une muraille a dû être construite au Xe siècle pour protéger le château et le noyau villageois primitif qui s'était formé. À la fin du XIe siècle, l'essor commercial et l'immigration ont favorisé la croissance de la ville, dont le hameau s'est progressivement déplacé vers la plaine, ce qui a entraîné le dépeuplement des quartiers supérieurs situés sur les pentes du château. La muraille actuelle a été construite, pour l'essentiel, entre le XIIIe et le XVe siècle à l'instigation du Conseil de Burgos. Le tracé choisi couvrait la majeure partie de la zone urbanisée, de sorte que cette muraille remplissait non seulement une fonction militaire, mais aussi une fonction commerciale et fiscale.
Peu de temps après son achèvement, à la fin du XVe siècle, certains tronçons étaient déjà en mauvais état ; cette situation s'est encore aggravée au cours du XVIe siècle (notamment à cause du tremblement de terre de 1542 et de l'inondation de 1582). En 1595, la décision fut prise d'ordonner que les sections de muraille endommagées soient remises dans leur état d'origine. La ville tendant à s'ouvrir vers les rives de l'Arlanzón et la plaine fertile de la Vena, les remparts, considérés comme un obstacle urbain, furent partiellement démolis à partir de 1831.
La longueur totale de la muraille était à l'origine d'environ 3 500 mètres, ce qui représentait une superficie intra-muros de 45 hectares. L'enceinte fortifiée comptait 93 tours et 12 portes, avait une épaisseur de 2,4 à 3,7 m et sa hauteur maximale atteignait 13 mètres dans les vestiges qui nous sont parvenus. Aujourd'hui, il reste moins d'un quart du tracé originel et cinq portes en bon état, en plus des quelques centaines de mètres qui ont été récemment mis au jour.
À l'extrémité de la muraille conservée qui descend du château, du côté nord-est, se trouve l'arco de San Esteban, sous lequel nous passons. Principale porte d’entrée des marchandises en provenance du nord, il a été construit au XIIe siècle et agrandi au XVe siècle dans le style mudéjar. L’arc, en brique, est flanqué de deux tours carrées, en pierre, reliées entre elles, qui atteignent une hauteur de 13 m. Tout au long de son histoire, cette porte a servi à défendre la ville, mais c’était aussi l’endroit où l’on rangeait les poids et les mesures de la cité.
Ayant profité du point de vue, nous nous dirigeons, via la calle Fernán González, vers l’arco de San Martín ; la porte la plus occidentale de l'enceinte de la ville. C'est par elle que les rois de Castille entraient dans la ville après avoir prêté serment de respecter leurs privilèges, raison pour laquelle elle était également connue sous le nom de Puerta Real ou Puerta Juradera. Cet arc est l'œuvre d'architectes maures du début du XIVe siècle et son style mudéjar est visible dans ses quatre arcs en fer à cheval en brique, un matériau qui alterne avec la pierre calcaire du reste du complexe. Il est possible que la porte ait eu à l'origine un étage supérieur, semblable à l'arcade de la porte de San Esteban, qui a été démoli en 1609 lors de travaux de réparation.
Nous descendons vers l’Arlanzón en longeant le paseos de los Cubos. Dans cette section, la plus grande et la mieux conservée de tout le tracé des murailles, les murs alternent avec cinq cubes (tours) semi-circulaires qui lui ont donné son nom. Nous découvrons la puerta de la Judería ; ainsi appelée parce qu'elle était utilisée à l'origine pour faciliter l'accès au quartier juif. Il s'agit d'une porte secondaire à arc en plein cintre, dépourvue d'éléments décoratifs. Elle a été murée à l'époque moderne jusqu'en 1973, date à laquelle elle a été rouverte pour permettre l'accès à de nouveaux immeubles résidentiels.
Nous progressons dans le parc de la Isla jusqu’au puente de Malatos, où nous retrouvons le tracé « officiel ». Situé sur l’Arlanzón, ce pont aurait été construit, vers 1165, à la demande du roi Alphonse VIII pour faciliter le passage vers le monastère de Las Huelgas et l'Hospital del Rey, mais aussi pour permettre aux pèlerins de franchir la rivière et de poursuivre leur chemin vers Santiago. Il doit son nom à l'hôpital voisin de San Lázaro de los Malatos, fondé, en 1085, par le roi Alphonse VI pour accueillir les lépreux ou les malnutris.
À l'origine, le pont mesurait 120 m, soit le double de sa longueur actuelle. On sait qu'il a été reconstruit à plusieurs reprises au cours de son histoire, les transformations qu'il a subies aux XVIe et XVIIe siècles étant particulièrement significatives. Au début du XXe siècle, il fut détruit par une inondation et a été reconstruit presque entièrement à neuf, tout en conservant de nombreux éléments d'origine. De l’autre côté du pont, on trouve un monolithe avec une coquille indiquant la distance jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle (532 km), ainsi qu'une statue de Santo Domingo de la Calzada.
Nous traversons la N120 et évoluons, pendant 800 mètres, dans le parc du Parral ; nous arrivons ainsi à l'Hospital del Rey. Fondé par le roi Alphonse VIII à la fin du XIIe siècle et placé sous la juridiction de l'abbesse de Las Huelgas Reales, la construction cistercienne d'origine a été remplacée par une autre de style Renaissance. L'Hôpital du Roi était autrefois l'un des hôpitaux les plus importants sur le Chemin de Saint-Jacques ; c’est actuellement le siège de la faculté de droit de l'université de Burgos.
Plutôt que de suivre la N120 et la calle Benito Pérez Galdós, nous optons pour une variante bucolique (400 m plus longue) au bord de l’Arlanzón. Cette rivière prend sa source dans la Sierra de la Demanda (2 131 m d’altitude), une zone montagneuse située au sud-est de la province de Burgos. Elle traverse le nord de la Castille-et-León, passe par Burgos où elle divise la capitale provinciale en deux ; après 115 km, elle rejoint l’Arlanza.
De retour sur le Camino Francés, nous avançons sur un chemin caillouteux entre les terres cultivées et passons sous une ligne de chemin de fer avant de franchir une route. Nous longeons brièvement cette dernière et circulons ensuite sous plusieurs ponts autoroutiers pour aboutir à la N120. Par un chemin aménagé à côté de la nationale, et après avoir traversé l’Arlanzón, nous arrivons, vers 12 h, à Tardajos.
À l’entrée du village, on peut observer une grande croix du XVIIIe siècle. En 882, sous le règne d’Alphonse III, le repeuplement de la région a commencé, établissant une ligne de défense le long du cours de l’Arlanzón. Parmi les défenses, on mentionne le château de Tardajos qui, en 1117, accueillit le roi Alphonse VII en tant qu'invité du comte Pedro de Lara. Nous effectuons la pause de midi à l’auberge-restaurant « La Casa de Beli » où nous mangeons un copieux sandwich accompagné d’une bière.
Le parcours traverse Tardajos en passant à côté de l'église Santa María de la Asunción, construite entre le XIIIe et le XVIe siècle. À la sortie du village, nous choisissons, même si elle n’est pas balisée, la variante évoluant sur un large chemin caillouteux au milieu de la campagne ; ce trajet, légèrement plus long, est quand même plus agréable que de marcher au bord de la route !
Nous franchissons l'Úrbel, un affluent de l'Arlanzón (55 km de long) et entrons dans Rabé de las Calzadas. Cette rivière était jadis redoutée en raison de ses crues et des zones marécageuses qu’il fallait traverser. L’église Santa Marina, qui a fait l'objet de nombreux travaux de rénovation, pourrait avoir été construite sur l'emplacement d'un des ermitages primitifs ; elle conserve un portail gothique du XIIIe siècle. Au centre du village, nous découvrons une étonnante fontaine représentant des gargouilles ; c’est l’œuvre du sculpteur Saraguti.
De nombreuses fresques peintes sur les murs de Rabé de las Calzadas évoquent le Chemin et comportent des messages religieux, mais la plus originale est probablement celle où sont dessinés Albert Einstein, Gandhi et Martin Luther King. Nous quittons le village en longeant la chapelle de la Virgen de Monasterio, ainsi appelé parce qu'elle abrite une sculpture de la Vierge qui a été trouvée dans cette zone où il y avait autrefois un monastère.
Le Camino Francés entame une lente ascension (de 832 à 921 mètres d’altitude) sur des chemins de terre à travers la campagne. Après 5 km, nous atteignons le sommet et effectuons une petite pause tout en regardant la suite du Chemin qui descend rapidement, puis zigzague dans la plaine jusqu’à Hornillos del Camino.
Nous franchissons une route ainsi que la rivière Hormazuela, affluent de l'Arlanzón, avant de parvenir, vers 15 h 30, au centre du village (818 m d’altitude). C’est là que nous faisons la connaissance de Dany et Michel, un sympathique couple de compatriotes, que nous retrouverons aux mêmes hébergements les trois prochains jours.