Camino : Moratinos → El Burgo Ranero (29 km) - avril 2023
Pour info : le parcours décrit ci-dessous emprunte certaines variantes non balisées.
Vers 8 h 45, nous commençons cette seconde longue étape, au pied de l’église, dédiée à Santo Tomás de Aquino, construite en briques entre les XVIe et XVIIe siècles. Selon les documents, au milieu du Xe siècle, Moratinos est mentionné comme un lieu donné au monastère de Sahagún, donation qui a été ratifiée à plusieurs reprises au cours de différentes périodes historiques, notamment à l'époque d'Alphonse VIII, ainsi qu'au XIVe siècle.
Nous quittons le village en prenant un chemin gravillonné sinuant entre les champs. Après deux kilomètres, nous atteignons San Nicolás del Real Camino dont l'existence est connue depuis le milieu du XIIe siècle, car certains documents attestent qu'il y avait alors à cet endroit un hôpital pour les pèlerins et les lépreux. L'église San Nicolás, bâtie en briques, date du XIIIe siècle.
À la sortie de San Nicolás del Real Camino, nous franchissons le Sequillo ; cette rivière, ici proche de sa source, est un affluent de la Valderaduey qu’elle rejoint après un parcours de 123 km. Peu après, un panneau métallique nous invite à aller à droite pour suivre la « Senda de los Peregrinos » le long de la N120. Nous optons cependant pour une variante (plus longue de 250 m), non balisée, nettement plus bucolique. Peu à peu, alors que nous devinons Sahagún dans le lointain, nous nous rapprochons de la nationale. Sur ce tronçon de quatre kilomètres, nous quittons la province de Palencia et pénétrons dans celle de León.
De retour sur le tracé « officiel », nous traversons simultanément la N120 et la Valderaduey ; cette rivière (158 km), plus ou moins parallèle au Sequillo, est un affluent du Duero. Par un chemin de terre, le long du cours d'eau, nous parvenons à l’ermitage de la Virgen del Puente. Situé à côté d'un pont médiéval (d’où son nom), ce bâtiment, de style mudéjar, date du XIIIe siècle. Pendant de nombreuses années, la chapelle a été un hôpital pour les pèlerins et une léproserie. Aujourd'hui, elle sert, entre autres, de scène pour la célébration de la fête de San Marcos, le 25 avril, où un pèlerinage a lieu avec la célèbre danse de la Tantáriga ou Tantárida. La mairie de Sahagún y distribue du pain et du fromage.
Près de l'ermitage, nous découvrons le monument qui marque le centre géographique du Camino Francés. L'œuvre représente d'une part le roi Alphonse VI, qui est enterré dans cette ville, et d'autre part Bernard de Sédirac, abbé du monastère San Benito et grand promoteur de Sahagún. Entre les statues, une bande de pierre artificielle, au niveau du sol, de six mètres de long et d'un mètre de large, divise le chemin et comporte une série de reliefs. L'objectif principal du monument est de situer une ligne symbolique marquant le centre géographique de l'itinéraire, qui se trouverait à environ 80 mètres de l'ermitage, et à la même distance de Saint-Jacques-de-Compostelle et de Roncevaux.
Après une petite pause, nous poursuivons la randonnée jusqu’à Sahagún, distant de 2 km. Pour rejoindre le centre-ville, nous franchissons, près des arènes, la ligne de chemin de fer. Au-delà de l’ancienne église de la Trinidad, dont une partie abrite l’auberge communale pour les pèlerins, nous empruntons la calle Antonio Nicolás sur 500 mètres.
L'origine de la ville est liée à la légende des saints Facundo et Primitivo qui furent martyrisés et jetés dans la rivière Cea vers l’an 304. Une chapelle dédiée à Sanctus Facundus, origine du nom actuel de Sahagún, fut érigée en son honneur ; elle deviendra plus tard un monastère royal. La période de plus grande splendeur de ce monastère est associée à Alphonse VI.
Il est probable que le roi, en raison de son mariage avec Constance de Bourgogne, ait décidé d'introduire le rite romain dans la péninsule par l'intermédiaire de l'ordre de Cluny. En 1080, Alphonse VI nomma le Français Bernard de Sédirac comme abbé et, en 1085, il accorda à Sahagún une charte avantageuse, ce qui permit à la ville de se développer, mais toujours sous le pouvoir de l'abbaye. L'importance de la congrégation monastique était telle qu'on l'a appelée le « Cluny espagnol ».
En 1755, le tremblement de terre de Lisbonne a affecté la structure du transept de la basilique, et une série de réformes profondes ont dû être réalisées pour éviter la ruine du monastère. En 1821 et surtout lors de la confiscation de Mendizabal en 1837, les bâtiments qui composaient le monastère furent mis aux enchères publiques. Seules trois parties ont été préservées : la chapelle San Mancio, la tour de l’horloge et l'arc San Benito.
La chapelle San Mancio était à l'origine dédiée à saint Benoît, comme le montre l'inscription selon laquelle l'évêque d'Astorga a consacré l'autel en 1184. Elle se compose d'une nef à trois travées, dont la dernière a disparu. Elle était située au nord de l'abside de l'église et abritait les reliques de San Mancio lorsqu'elles furent transportées à Sahagún. Il s'agit d'une construction, du XIIe siècle, de type roman-mudéjar.
L’arc San Benito a été construit en 1662, pour remplacer la précédente porte romane qui tombait en ruine. L'ingénieur civil, lors de la conception de la N120 qui traverse Sahagún, l'a fait passer en dessous comme sous un arc de triomphe. Parmi les éléments architecturaux les plus remarquables, citons les armoiries royales, ainsi que les sculptures d'Alphonse III et d'Alphonse VI, deux des principaux bienfaiteurs de Sahagún.
Séparée par une rue de l'endroit où se trouvait le chœur de l'ancien monastère San Benito, l'église San Tirso a été achevée entre 1180 et 1190. L'extérieur de l'édifice offre un jeu de volumes contrastés, notamment dans le chœur où l'harmonie des proportions donne à l'ensemble un caractère sculptural. La tour, rectangulaire s'élève au-dessus de la partie droite de l'abside centrale et non au-dessus du transept, comme on pourrait s'y attendre. Cette situation particulière est l'un des éléments les plus caractéristiques du style mudéjar à Sahagún.
Cette tour est formée de deux corps, le premier étant massif, pour supporter le poids de la structure supérieure, et le second creux. Le volume creux est subdivisé en trois niveaux qui réduisent progressivement la largeur de leurs ouvertures en fonction de leur hauteur, créant ainsi un effet rythmique. La structure que l'on peut voir aujourd'hui a été restaurée après l'effondrement de la tour d'origine en 1948.
Nous quittons Sahagún en franchissant la Cea sur un beau pont datant du XVIIIe siècle, construit avec les pierres de taille d'une petite chapelle inachevée, bien que ses origines remontent à l'Empire romain. La rivière Cea, d’une longueur de 168 km, est un affluent de l’Esla. À l'entrée du pont, on peut admirer une croix en pierre qui symbolise l'union du Camino Francés avec le Camino de Madrid.
Pendant 1,2 km, nous marchons le long de l’ancien tracé de la N120. Après un rond-point, nous rejoignons la nationale et évoluons, sur un sentier, au bord de celle-ci durant deux kilomètres.
Au niveau de l’embranchement vers l’autoroute A-231, nous devons choisir entre deux itinéraires : le Camino Real ou la Calzada Romana. Quasi de même longueur, les deux chemins sont cependant bien différents. Le Camino Real reste presque tout le temps au bord de la route, sur un chemin parallèle et ombragé : la « Senda de los Peregrinos ». La Calzada Romana (ancienne voie romaine) progresse régulièrement sur des chemins de terre, ou caillouteux, en pleine nature, loin de toute habitation. Les deux voies se retrouvent à Reliegos. Bien qu’elle ne passe pas par El Burgo Ranero, où nous terminerons l’étape, nous optons quand même pour la Calzada Romana.
Nous passons au-dessus de l’autoroute et entrons dans Calzada del Coto où nous découvrons de belles fresques réalisées par Anna Repullo Vique. Près de l’église San Esteban, on trouve quelques bancs, mais ceux-ci n’étant pas à l’ombre, nous préférons continuer encore un peu notre route. C’est finalement, assis par terre, sous un chêne que nous mangerons le pique-nique.
À la sortie du village, la Calzada Romana se dirige, à travers la lande, vers une ligne de chemin de fer. De l’autre côté, nous avançons, pendant environ trois kilomètres, sur un large chemin caillouteux progressant au milieu d’une forêt de chênes. L'itinéraire, légèrement vallonné, nous fait gagner quelques mètres d'altitude presque sans nous en rendre compte.
Peu après une habitation isolée, nous effectuons une pause dans une aire de repos où se trouve la Fuente del Peregrino, un endroit idéal pour profiter un peu de la fraîcheur. Le chemin campagnard reprend ensuite sa lente ascension jusqu’à Calzadilla de los Hermanillos ; le dernier village avant Reliegos (dans 17 km).
Le parc situé à côté de l'église San Bartolomé, datant du XVIe siècle, abrite une exposition de vestiges de la voie romaine ; cela nous permet de voir comment ces routes étaient structurées et les systèmes ingénieux qui y étaient utilisés. C’est ici que nous abandonnons, pour aujourd’hui, la Calzada Romana afin de nous rendre, via un itinéraire non balisé, à El Burgo Ranero.
Par des chemins caillouteux, nous arrivons au bord du canal Alto de los Payuelos. Cet ouvrage de génie civil, inauguré en 1993, s'étend sur 72,6 kilomètres, entièrement dans la province de León, et permet d'irriguer 6 000 hectares de culture avec de l'eau douce provenant du réservoir de Riaño. Si le soleil est toujours bien présent, le vent soutenu, de face, rend la progression plus difficile.
Après 800 m, nous nous éloignons du canal et descendons un large chemin de terre aboutissant à une route. Nous empruntons cette dernière vers la gauche et franchissons la ligne de chemin de fer (déjà traversée à la sortie de Calzada del Coto) près de la gare d’El Burgo Ranero. Le dernier kilomètre de l’étape s’effectue au bord de la route.
Vers 16 h, nous rejoignons notre hébergement où l’accueil est un peu trop expéditif. Si le menu du repas du soir, pris dans une grande salle de restaurant vide, semble intéressant, il sera pourtant bien décevant !