Les Randos de Fred & Paul

Camino : Mansilla de las Mulas → León (25 km) - avril 2023

Pour info : le parcours décrit ci-dessous emprunte de nombreuses variantes non balisées.

Peu avant 9 h, nous entamons cette dernière étape qui s’effectuera majoritairement hors du parcours du Camino Francés. Même s’il est plus long de sept kilomètres, nous préférons opter pour un itinéraire, non balisé, plus champêtre et loin des axes routiers. Sous un ciel fort nuageux et une température assez fraiche, nous quittons Mansilla de las Mulas en franchissant le pont sur l’Esla. Ce pont, composé de huit voûtes en berceau et mesurant 141 m de long, date du XIIe siècle ; il a été reconstruit en 1573.

L'Esla est l'une des rivières les plus importantes du nord-ouest de l'Espagne. Elle prend sa source dans la chaîne des Cantabriques et traverse les provinces de León et de Zamora du nord au sud. D’une longueur de 288 km, ses eaux sont retenues dans le réservoir de Riaño au début et, près de sa confluence avec le Duero (dont elle est le principal affluent), dans le barrage de Ricobayo (1 145 000 000 m³).

Pendant 900 m, nous progressons sur la « Senda de los Peregrinos ». Lorsque ce chemin, aménagé à côté de la route, rejoint la N601 qu’il va actuellement suivre durant 4 km, nous empruntons sur la gauche, un chemin de terre menant à Mansilla Mayor.

Camino Francés entre Mansilla de las Mulas et Mansilla Mayor Camino Francés entre Mansilla de las Mulas et Mansilla Mayor

À la sortie du village, nous prenons, toujours à travers champs, la direction de Nogales. Après une petite pause, près de l’église, nous abordons un beau tronçon, d’environ 3,5 km, sur un chemin évoluant entre les terres cultivées et une forêt. Cette dernière se situe le long de la Porma, une rivière de 80 km qui est ici proche de son embouchure dans l’Esla.

Camino Francés entre Nogales et Puente Villarente Camino Francés entre Nogales et Puente Villarente

À proximité de Puente Villarente, nous revenons sur le tracé du Camino Francés. Près du pont permettant de franchir la Porma, le chanoine de la cathédrale de León et archidiacre de Triacastela, Andrés Pérez de Capillas, a fondé, au XVIe siècle, un hôpital pour pèlerins. L'une des particularités de cet hôpital (aujourd’hui disparu) était d'avoir toujours un âne prêt à transporter les pèlerins malades ou handicapés jusqu’à León… ce qui fait dire à certains qu’il s’agit là de première « ambulance pour pèlerins ».

Le pont sur la N601, avec ses vingt travées, est un important vestige médiéval qui a subi des transformations successives depuis le XVIe siècle. Afin d’éviter les dangers de la circulation routière, une passerelle piétonne a été construite pour permettre aux marcheurs de s'approcher de la rivière et d'avoir une vue panoramique du pont. Après avoir traversé la rivière, nous passons sous la dernière arche de ce pont et montons rejoindre la nationale.

Camino Francés : Puente Villarente Camino Francés : Puente Villarente

Nous quittons rapidement la grand-route en prenant une variante, balisée, entre les terres cultivées. Lorsque le chemin caillouteux se rapproche de l’autoroute, nous tournons à gauche et retrouvons, pour un tronçon de 2,5 km, le Camino Francés. Nous franchissons un canal d’irrigation et montons un chemin de terre passant entre la N601 et l’A60. Tandis qu’une petite averse nous tombe dessus, nous passons sous l’autoroute et poursuivons la montée, sur un chemin asphalté, jusqu’à Arcahueja. À l’entrée de ce village, nous trouvons une aire de repos couverte qui nous permet de pique-niquer au sec.

Camino Francés entre Puente Villarente et Arcahueja Camino Francés entre Puente Villarente et Arcahueja

Après la pause, alors que la pluie a cessé, nous abandonnons le Camino qui se dirige vers León par des chemins souvent très proches de la N601 et d’autres voies rapides. Même si un habitant d’Arcahueja nous informe que ce n’est pas le bon itinéraire, nous optons quand même pour ce parcours. Par un chemin de terre, entre les champs, nous montons (de 840 à 873 m d’altitude) vers Corbillos de la Sobarriba.

Camino Francés entre Arcahueja et Corbillos de la Sobarriba

À la sortie du village, nous continuons l’ascension tantôt sur des chemins de terre, tantôt sur des chemins herbeux, mais toujours en pleine nature et au calme. À la fin de ce tronçon d’environ 2 km, nous contournons un camping et traversons la zone résidentielle de « Las Lomas » où se situe le point culminant de cette étape (942 m d’altitude).

Camino Francés entre Corbillos de la Sobarriba et León Camino Francés entre Corbillos de la Sobarriba et León

Nous abordons ensuite la descente sinueuse, sur un large chemin gravillonné, à travers une forêt de résineux. Par endroits, nous profitons de beaux panoramas sur León et sa banlieue.

Camino Francés entre Corbillos de la Sobarriba et León Camino Francés entre Corbillos de la Sobarriba et León

Arrivés en bas (819 m d’altitude), nous franchissons le Torío, sur la passerelle de « los Deseos » (des souhaits), inaugurée en 1993. Cette rivière prend sa source à l'est de la Sierra de Riaño, dans le nord de la province de León, et rejoint, après 66 km, le Bernesga. Nous arpentons le parc de la Candamia, un des poumons verts de la ville, puis nous passons sous la N630 avant de contourner un vaste établissement scolaire.

Camino Francés : León, rio Torío

De l’autre côté de l’Avenida Real, nous traversons des quartiers résidentiels pour atteindre le centre-ville de León où nous terminons, vers 15 h, cette étape. Dans l’après-midi, nous admirons quelques monuments dont la basilique San Isidoro, la Casa Botines et certains vestiges de la muraille romaine.

Selon diverses études, à l'origine de la ville, là où se trouve aujourd'hui la basilique San Isidoro, se trouvait un temple romain consacré au dieu Mercure. Sur sa base, une église dédiée à San Juan Bautista a été construite, et c'est à côté de celle-ci que le roi, Sancho Ier, a ordonné, en 966, la construction d'un monastère pour abriter les reliques de San Pelayo. L'abbesse de ce monastère sera Elvira Ramírez, sœur du roi, qui y restera avec sa communauté monastique jusqu'en 988, date à laquelle Almanzor rase le monastère et les moniales s'enfuient à Oviedo avec les reliques du saint.

L'époque de la Reconquête arriva et c'est sous le règne du roi Alphonse V que commença la reconstruction du monastère et de l'église rasée des années auparavant. Dans un style préroman et pendant les travaux, Alphonse V ordonna la construction, à côté de l'église, d'un portique qui devait servir de panthéon aux rois de León, dont les dépouilles étaient dispersées dans différentes églises du royaume. C'est ainsi qu'est né le Panthéon des rois, où reposent Alphonse V lui-même, ses parents, ainsi qu'un total de 30 rois, reines et princes du royaume de León.

Au XIe siècle, Ferdinand Ier et son épouse Sancha (fille d'Alphonse V) ont ordonné la reconstruction de l'édifice. L'art roman fut ainsi introduit dans le royaume de León, encouragé par le roi lui-même. Afin de donner plus de prestige à l'ensemble, Ferdinand Ier fit venir les reliques de San Isidoro de Séville et, en 1063, la nouvelle église fut consacrée sous le patronage de San Isidoro. L'Infante Urraca poursuivit les travaux d'agrandissement de l'église, en lui donnant certains des éléments qui la caractérisent aujourd'hui, comme les trois portes romanes. Après sa mort, c'est le roi Alphonse VII et sa sœur Sancha Raimúndez qui poursuivirent les travaux de la basilique ; le temple fut finalement consacré en mars 1149.

Camino Francés : León, basilique San Isidoro

À l'extérieur, les éléments les plus remarquables sont la « Portada del Cordero » (Porte de l’Agneau), la porte principale, et la Portada del Perdón qui donne accès à l'église par le transept et s'ouvre à certaines occasions pour que les pèlerins de Saint-Jacques puissent se faire pardonner leurs péchés. Les reliefs qui recouvrent le tympan de la Portada del Cordero présentent deux thèmes essentiels superposés. Au centre et en haut, l'Agnus Dei dans le cercle de l'Éternité, accompagné de deux anges qui le tiennent, est en étroite relation avec le passage biblique du registre inférieur, qui raconte l'histoire du sacrifice d'Abraham.

Une lecture iconographique de droite à gauche montre tout d'abord Sarah, l'épouse d'Abraham, à la porte de la tente, faisant ses adieux à son fils. Isaac, sur l'âne, se rend sur le mont Moriah. Le garçon enlève alors ses sandales en signe de respect pour le lieu saint. Dans la partie centrale, Abraham, dans le moment le plus dramatique de la scène, est prêt à égorger le jeune homme, au moment précis où l'intervention divine se manifeste. Celle-ci est réalisée par la Dextera Dei sortant de la nuée et par l'Ange du Seigneur qui arrête Abraham et lui montre le bélier.

Camino Francés : León, basilique San Isidoro (Portada del Cordero)

La première fortification de León consistait en une double palissade en bois érigée pour défendre le camp romain provisoire de la Legio VI Victrix, au Ier siècle avant J.-C. À cette époque, León n'était qu’un camp établi dans le cadre des guerres cantabriques. Aux Ier et IIe siècles, avec l'établissement définitif de la ville, les palissades ont été remplacées par des murs de pierre, constitués d'opus caementicium (pierre jointe avec du mortier de chaux) et d'opus vitattum (assises de pierre). À cette époque, les murailles mesuraient environ 6,5 mètres de haut et 2 mètres d'épaisseur, et comportaient 4 portes d'accès à la ville, aujourd'hui disparues.

La muraille romaine que l'on peut encore voir aujourd'hui a été construite entre le IIIe et le IVe siècle, à l'époque du Bas-Empire. Cette fortification était également en pierre, l'intérieur étant rempli d'opus caementicium. D'une épaisseur d'un peu plus de 5 m, d'une hauteur d'environ 8 m, elle comportait des tours, appelées cubes, de forme semi-circulaire, placées à de courts intervalles. Elle entourait l'enceinte rectangulaire du camp lui-même, avec quatre portes de chaque côté. L'un des tronçons les mieux conservés de cette ancienne muraille se trouve dans l'Avenida de los Cubos ; les parties qui subsistent donnent une image claire de la structure de la vieille ville de León.

Camino Francés : León, muraille romaine Camino Francés : León, muraille romaine

Associés et propriétaires d'un entrepôt de textile et d'un bureau de change, Simón Fernández et Mariano Andrés demandent, en 1887, à Antoni Gaudí de concevoir un nouveau bâtiment dans leur ville, qui leur permettrait d'étendre leur activité avec un espace commercial plus grand, des entrepôts spacieux pour stocker leur abondante marchandise et de grandes habitations qui permettraient à des familles bourgeoises d'y habiter en location. Gaudí n'a que 39 ans lorsqu'il entreprend, en 1892, la construction de la Casa Botines ; l'un des trois seuls bâtiments qu'il a érigé en dehors de la Catalogne.

Gaudí a donc conçu un bâtiment de sept étages inspiré des immeubles de la bourgeoisie barcelonaise et parisienne, dont la structure et l'approche générale suivent celles du baron Haussmann : rez-de-chaussée pour le commerce, sous-sol pour le stockage, premier étage ou étage noble pour la résidence des propriétaires de l'immeuble et étages supérieurs pour la location. Gaudí conçut ainsi le premier immeuble de rapport de toute sa carrière, dans lequel il put mettre en pratique ses idées modernes et audacieuses, tout en utilisant, pour la première fois, certaines innovations structurelles et conceptuelles qui allaient l'accompagner tout au long de sa vie.

Camino Francés : León, Casa Botines

Sur la place, devant l’édifice, on peut découvrir une sculpture représentant Antoni Gaudí, assis sur un banc, dessinant un croquis.

Camino Francés : León, Antoni Gaudí