GR 15 : Polleur → Eupen (20 km) - avril 2019
Info : pour effectuer cette étape, nous avons pris :
- à l'aller : le bus TEC 395 entre Verviers (Gare Centrale) et Polleur (Hôtel de la Hoëgne)
- au retour : le bus TEC 724 entre Eupen (Haas) et Verviers (Gare Centrale)
C’est au bord de la N640, à la sortie de Polleur, que nous commençons cette étape. De l’autre côté de la route, nous prenons la rue Nicolas Midrez, sur 300 mètres, avant d’emprunter un sentier en bordure d’une terre cultivée. Un peu plus loin, nous rejoignons la Hoëgne que nous traversons grâce à une passerelle métallique. Pendant environ 1,5 km, le GR 15 va remonter le cours de cette rivière.
La Hoëgne naît dans les Hautes Fagnes, plus précisément dans la fagne de Polleur, à 660 m d’altitude ; elle porte d'ailleurs le nom de Polleur sur ses premiers kilomètres. La rivière serpente lentement dans les tourbières fagnardes jusqu’à la passerelle du Centenaire où la pente s’accentue ; la Hoëgne devient torrent jusqu’à Belleheid, à 380 m d’altitude. Elle reçoit la Statte près de Solwaster, puis traverse Theux où elle reçoit le Wayai. Après 30 km, le cours d’eau se jette dans la Vesdre, à Pepinster.
La Hoëgne fut le site d’une importante exploitation du minerai de fer au cours des siècles passés, ce qui fit le renom du marquisat de Franchimont. Le hameau de Neufmarteau, vers lequel nous nous dirigeons, fait d’ailleurs directement référence au passé métallurgique de la Hoëgne. Après ce hameau, le tracé blanc et rouge franchit une nouvelle fois la rivière et atteint le lieu-dit « Trou Colas ». C’est là que nous nous séparons du GRP 573 qui nous accompagnait depuis le début de l’étape (2 km).
Nous abordons ensuite la première côte de la journée. Celle-ci, passant de 265 à 310 mètres d’altitude, grimpe un chemin forestier dans le vallon du ruisseau de Hélivy. Ce cours d’eau, d’environ trois kilomètres, est un modeste affluent de la Hoëgne. Le ruisseau a joué un rôle dans l’histoire locale, car déjà pendant la période romaine, on extrayait le fer sur ses rives ; extraction qui s'est poursuivie jusqu’au XVIIe siècle. Au Moyen Âge, le Hélivy sert de frontière entre les seigneuries de Surister et Jehanster ; rôle qu’il a conservé en période moderne en marquant les limites entre Jalhay et Theux.
Peu après le sommet, nous quittons la forêt pour suivre une petite route progressant entre les prairies ; sur la gauche, nous devinons le village de Jehanster. 600 mètres plus loin, nous franchissons le ruisseau de Hélivy et reprenons de la hauteur en suivant un chemin de terre jusqu’à la « Croix du Petit Jean ».
Cette croix, aussi appelée « Croix du Faweux », a servi à baptiser le lieu désert où elle fut érigée, à l’époque de la principauté de Liège et du marquisat de Franchimont. Le XVIe siècle était une époque prospère pour l’industrie du fer en région verviétoise, mais cette industrie appauvrissait fortement la forêt. Le prince-évêque Érard de la Marck mit donc son holà en plaçant des bornes en forme de croix, là où étaient les limites de la zone d’abattage autorisé.
La croix du Petit Jean était donc certainement, au départ, une croix d’embannement sur laquelle a été apposé un Christ. Cet endroit est aussi le lieu d'une légende qui dit qu'un pauvre homme, du nom de Petit Jean, y est mort de froid alors qu'il faisait longue route.
Au niveau de la croix, le GR 15 tourne vers la droite et progresse, entre les prairies, pendant 1,4 km. Nous traversons la N672, ainsi qu’une partie du village de Foyr, avant de reprendre notre progression campagnarde, sur un chemin asphalté. Nous sommes toutefois stoppés dans notre élan par un troupeau de vaches qu’un fermier transfère d’une prairie à une autre.
Après cette petite pause improvisée, nous entamons une longue descente (3,5 km) vers la N629. Ce parcours essentiellement forestier nous fait d’abord passer près du clawé fawe « hêtre cloué ». D’après une croyance populaire, on estimait qu’un mal physique (provoqué par un mauvais esprit) pouvait être guéri en le clouant à un arbre. Il s’agissait principalement des maux de dents et des maladies de la peau. En 2003, on a recensé 59 arbres à clous en Belgique, dont 33 en province de Liège. Le clawé fawe est remarquable par la circonférence de son tronc : 3,79 mètres (à 1,30 m de hauteur).
Un kilomètre plus loin, nous atteignons la source du ruisseau de la Borchêne ; cours d’eau que nous allons suivre presque jusqu’à sa confluence avec la Gileppe. Un tracé bien agréable où nous aurions aimé trouver un banc pour effectuer la pause pique-nique, mais malheureusement le seul que nous ayons vu était déjà occupé !
De l’autre côté de la N629, nous grimpons vers le site du barrage de la Gileppe ; cette ascension (de 259 à 329 mètres d’altitude) est particulièrement éprouvante. Avant de franchir le barrage, nous décidons de prendre un peu plus de hauteur… mais en ascenseur cette fois ! Du sommet de la tour vitrée, qui s’élève à 77,6 mètres au-dessus du barrage, nous profitons d’un beau point de vue sur l’ensemble du site.
L'établissement d'un barrage sur la Gileppe a été demandé par les lainiers verviétois, vers 1857, afin de disposer de la quarantaine de milliers de m³ d'eau pure nécessaire tous les jours à l'industrie textile de l'époque. Les industriels ne voulaient surtout plus être sous la coupe des Eupenois, dont les usines utilisaient également l'eau de la Vesdre, mais en première main. Ils souhaitaient, en outre, que chaque entreprise de la place dispose d'une eau vierge et d'égale pureté.
Le site précis du futur barrage a été choisi en fonction de la nature des roches et conditionné par l'orientation presque verticale de leurs bancs. Les travaux, exécutés pour le compte de l'État, se déroulèrent de février 1867 à fin novembre 1875. Ce premier barrage fut déjà surhaussé (de 11 mètres) en cours de construction afin de porter sa capacité à 13 millions de m³.
Le barrage a été mis sous eau en mai 1875 et inauguré le 28 juillet 1878 en présence du roi Léopold II. Entre 1967 et 1971, le mur barrage fut consolidé et surhaussé ; sa capacité a été doublée et atteint désormais 26,4 millions de m³. Le « nouvel » ouvrage a été inauguré, le 20 octobre 1971, par le roi Baudouin. La hauteur du barrage est de 68 mètres et son épaisseur à la base est de 235 mètres.
Le lion qui veille sur la muraille, le regard fixé vers l'est, est l'œuvre de Félix Antoine Bouré. Le monument comporte 183 blocs, pesant jusqu'à 7 tonnes pièce ; il développe 13,50 m de hauteur, 16 m de longueur et 5 m d'épaisseur, ce qui représente 130 tonnes de pierres. Durant l'été 1970, ce lion fut précautionneusement démonté par sciage des joints, puis réédifié au faîte du nouveau barrage ; l'entreprise a demandé 40 jours de travail.
Les deux tours de béton (75 m de hauteur), émergeant du lac, prélèvent l’eau à partir de quatre capteurs situés respectivement à 260, 270, 280 et 290 mètres au-dessus du niveau de la mer, alors que le fond du lac se situe à 244 mètres ; le niveau maximum toléré du lac est fixé à 300 mètres même si le mur du barrage se trouve à 305 m. L’eau est acheminée jusqu’à la centrale hydroélectrique puis, par un aqueduc dont la pente est de 15 cm/km, elle est dirigée vers Verviers.
Nous profitons d’un banc, sur le barrage, pour effectuer la pause de midi. Nous quittons le site, et son lac artificiel de 130 hectares, en grimpant un raidillon. La suite du parcours, jusqu’à Eupen (6 km), se déroule entièrement dans la forêt de l’Hertogenwald. Ce massif forestier, « forêt des Ducs » en français, servait initialement de territoire de chasse aux ducs de Limbourg. Il offre un paysage de massifs résineux (60 %) et de futaies feuillues (40 %) alternant pentes douces et vallées encaissées où coulent de nombreux ruisseaux en provenance du plateau fagnard.
Avec ses 12 300 ha de superficie, l’Hertogenwald est l'une des forêts les plus étendues d'Ardenne. Depuis 1830, on distingue la partie occidentale (dans laquelle nous cheminons) appartenant alors à la Belgique, et la partie orientale devenue prussienne pour un siècle, avec à l'époque une frontière naturelle constituée par la rivière Helle. De nos jours encore, ces deux parties sont gérées par deux administrations forestières différentes.
Sur ce parcours, un panneau nous informe sur l’exploitation de la forêt durant la guerre 14-18. L’occupant allemand, qui avait un important besoin de bois pour l’étayage des tranchées et la construction de baraquements, trouva dans l’Hertogenwald occidentale belge une importante source de feuillus et de résineux à très peu de frais.
Pour favoriser l’évacuation des arbres coupés, les Allemands ont construit un réseau de chemin de fer à voie étroite (75 cm), nommé « Decauville » comme son inventeur (un constructeur ferroviaire français). On estime à +/- 60 kilomètres la longueur totale des voies posées, en forêt, par des prisonniers Russes et Italiens. Les bois abattus puis expédiés vers le front allemand ont formé un volume en surexploitation atteignant près de 300 000 m³.
Un peu avant d’atteindre la périphérie d’Eupen, juste avant de franchir l’Escherbach, nous remarquons une ancienne borne frontière. La défaite de Napoléon à Waterloo amena un nouveau découpage des frontières. Signé en juin 1816, le traité d’Aix-la-Chapelle détermina les limites frontalières entre la Prusse et les Pays-Bas (la Belgique dès 1830). Cette nouvelle démarcation se concrétisa par l’implantation de bornes qui, à cette époque, étaient des poteaux en bois, peints en noir et blanc, côté prussien ; en orange et blanc, côté hollandais (puis belge).
De 1839 à 1856, ils seront remplacés par des bornes en pierre numérotées, octogonales ou carrées, qui, pour la plupart, existent encore aujourd’hui. Lorsque la frontière longeait une route ou un cours d'eau, on plaçait une borne ayant un numéro identique de chaque côté. Cette frontière exista de 1830 à 1920.
Par un chemin de terre, nous rejoignons la N68 et suivons celle-ci, sur 150 mètres, jusqu’au pont sur la Vesdre. De l’autre côté du cours d’eau, nous terminons cette belle étape près de l’église Saint-Joseph, située dans le bas de la ville d’Eupen. Nous avons la chance de n’attendre que 10 minutes le bus nous ramenant à la gare de Verviers.
➔ Jonction avec d'autres GR
- Le GRP 573 : Tour de la vallée de la Vesdre et des Hautes Fagnes. Au départ de Chaudfontaine, ce sentier de grande randonnée sinue le long de la Vesdre en passant par Pepinster et Verviers. Après Eupen, il remonte la Helle pour déboucher dans les Hautes Fagnes. À partir du signal de Botrange, le GRP 573 suit la Hoëgne jusqu’au pont de Belleheid. De là, il s’en va vers Spa et Banneux avant de revenir, via Fraipont, à Chaudfontaine.
- Le GR 56 : Sentiers de l'Est de la Belgique. Ce sentier de grande randonnée se compose de quatre itinéraires : le « Sentier des Frontières », le « Sentier des Fagnes » ainsi que les variantes Warche et Amblève. Ils permettent de découvrir, sur plus de 330 km, l’Est de la Belgique et plus particulièrement le parc naturel Hautes Fagnes - Eifel.