GR 5 : Maastricht → Kanne (11 km) - janvier 2018
C’est au pied du pont Saint-Servais, considéré comme le plus ancien pont des Pays-Bas, que nous débutons la randonnée. En l'an 57 avant J.-C., les Romains ont construit un premier pont au croisement des routes Cologne - Bavay et Nimègue - Trèves. Pour protéger ce pont, ils ont bâti une forteresse qui a reçu le nom de « Mosae Trajectum » : où les gens peuvent traverser la Meuse ; qui deviendra plus tard Maastricht.
En 1275, suite à l’effondrement du pont, lors d'une procession, le chapitre de Saint-Servais a ordonné la construction d’un nouveau pont. Celui-ci comptait neuf arches en pierre et une portion en bois du côté du Wyck. Cette dernière était destinée à être rapidement démontée en cas de siège. En 1932, le pont a été complètement reconstruit. Cependant, en raison de l'augmentation du trafic maritime, les deux arches du côté du Wyck ont été remplacées par une section de levage en acier.
En suivant la Grote Staat, nous atteignons le Vrijthof, la plus grande place de la ville. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce nom ne se réfère pas à « Friedhof » : le mot allemand pour cimetière ; bien que l'endroit ait eu cette fonction pendant un certain temps. Le Vrijthof faisait partie de la zone où les lois de l'église s'appliquaient et non celles de la ville. Pendant la période où Maastricht était une ville de garnison, la place a servi comme terrain d’entrainement. De nombreux bâtiments historiques, qui rappellent l'époque où la cité était un centre religieux et une forteresse militaire, se trouvent autour du Vrijthof. Au XIXe siècle, la place a pris son apparence actuelle : une vaste esplanade pavée, bordée d'arbres.
Dans la seconde moitié du VIe siècle, l'évêque Monulfus fit construire une chapelle, près du tombeau de saint Servais, qui fut remplacée, au VIIIe siècle, par une église à trois nefs. C'est également à cette époque que l'on trouve la première mention d'un monastère. Entre l'an 1000 et le milieu du XIIIe siècle, l'église a obtenu sa forme actuelle au cours de plusieurs campagnes de travaux. Le soutien des empereurs allemands, qui dura jusqu'à ce que le duc de Brabant reprenne les droits impériaux en 1204, joua un rôle important à cet égard. Les rénovations résultent de l'importance croissante de l'édifice en tant qu'église funéraire et de pèlerinage, ainsi que de ses fonctions d'église impériale, d'église capitulaire et d'église paroissiale (jusqu'en 1200 environ).
Sur le côté sud-ouest, le portail de la montagne (bergportaal), a été érigé au début du XIIIe siècle. Les sculptures du tympan montrent des scènes de la vie de Marie. Les nombreuses statues du portail représentent des patriarches, des prophètes, des saints et des rois. Lors de la restauration, en 1883-1887, les sculptures ont reçu une polychromie néogothique et un sol en mosaïque de marbre a été posé. Le chœur oriental date, sur plan, du XIe siècle, mais lors de sa construction au XIIe siècle, il a reçu sa forme arrondie avec deux tours d'angle flanquantes. Celles-ci sont fortement influencées par le style roman rhénan.
Après la dissolution du chapitre, en 1797, Saint-Servais redevint église paroissiale en 1804. Lors de la restauration effectuée entre 1866 et 1900, de nombreuses modifications post-médiévales ont été supprimées et des ajouts néo-gothiques ont été réalisés. Ceux-ci ont été en grande partie supprimés lors de la restauration effectuée entre 1981 et 1990. Lors de la visite du pape Jean-Paul II en mai 1985, l'église a été élevée au rang de basilique.
Mentionnée pour la première fois en 1218, l’église Saint-Jean a été fondée à la suite de la division des fonctions paroissiales et collégiales de Saint-Servais. L’édifice a été construit dans les rues claustrales de l'église Saint-Servais ; c'est pour cette raison qu’elle en est si proche. Une ruelle appelée vagevuur (« purgatoire ») sépare les deux édifices. L'église Saint-Jean a servi d'église paroissiale jusqu'en 1632. Lorsque Maastricht tomba entre les mains des États généraux, elle devint la propriété de la congrégation protestante ; cette dernière l'occupe encore aujourd'hui.
Par la Bredestraat, nous nous dirigeons vers la basilique Notre-Dame. Il est généralement admis que l'église actuelle en a remplacé une autre, voire plus. La première de ces églises pourrait être la plus ancienne de Maastricht, et donc des Pays-Bas. Elle aurait été construite par saint Servais contre les murs du castrum romain d'origine, peut-être à l'emplacement d'un ancien sanctuaire païen. L'église actuelle date en grande partie des XIe et XIIe siècles. Elle a relativement bien traversé la période française en dépit de sa confiscation en 1794, après la prise de Maastricht ; durant cette période de 20 ans, elle a été utilisée comme écurie et forge.
Entre 1887 et 1917, l'église a été radicalement restaurée par les Cuypers père et fils. Toutes les modifications du gothique tardif et de la Renaissance que l'édifice avait subi dans le passé ont été supprimées. Certaines parties romanes disparues ont été reconstruites. En février 1933, l'église fut élevée, par le pape Pie IX, au rang de basilique. En 1837, une statue en bois polychrome du XVe siècle, icône de Marie étoile de la Mer, est attribuée à l'église. Celle-ci est exposée dans la chapelle qui jouxte la basilique et est portée en procession dans la ville lors de la fête de saint Servais.
Nous nous éloignons du centre-ville en passant sous la Helpoort, la seule porte médiévale qui subsiste à Maastricht. Celle-ci appartient à la première enceinte, datant du milieu du XIIIe siècle. Au Moyen Âge, la porte se trouvait juste derrière un haut pont sur le Geer (Jeker en néerlandais) et s'appelait Hoogbruggenpoort. Le nom « Helpoort » date du XVIIIe siècle et provient d’une maison voisine « In de Helle ». Jadis, de lourds battants en bois permettaient de fermer la porte et d’ainsi empêcher l’accès à la ville.
Nous franchissons le Geer et longeons, durant 800 mètres, d’anciens remparts. En 1229, la ville, bien qu'elle n'ait pas eu les droits de cité en tant que tel, est autorisée, par le duc Henri Ier de Brabant, à construire des remparts. Vers 1375, une seconde muraille est construite. Nous passons en haut de la tour des « Vijf Koppen » qui fut rajoutée aux fortifications en 1516. Cette tour s’appelait à l’origine la tour des « Drie Duiven » (Trois Colombes) mais fut rebaptisée de ce nom après qu’en 1638 les têtes de cinq condamnés furent suspendues au parapet. Un peu plus loin, nous découvrons une porte d’eau. Celle-ci permettait le passage de l’un des bras du Geer dont l’eau était utilisée pour les nombreux moulins à eau et par les artisans, à commencer par les tanneurs.
Nous traversons, au passage piéton, la N278 et trouvons de l’autre côté les premières balises blanches et rouges du GR 5. Par le Champs-Elyseesweg, qui ne ressemble en rien à la célèbre avenue française, nous quittons Maastricht. Pendant environ un kilomètre, nous progressons, sur d’agréables sentiers, le long du Geer. Ce cours d’eau, d’une longueur de 54 km, arrose successivement Geer, Waremme, Tongres, Bassenge, Eben-Emael et Maastricht où il se jette dans la Meuse. La rivière a pour particularité de traverser le canal Albert, à Kanne, par un système de siphon.
Nous empruntons un chemin de terre, entre deux champs, avant d’amorcer la difficulté de l’étape : l’ascension de la Montagne Saint-Pierre (Sint-Pietersberg). En 300 mètres, nous passons de 58 à 90 mètres d’altitude. Au sommet de ce raidillon, nous croisons le tracé du GR 128 et nous nous séparons du GR 561.
La Montagne Saint-Pierre est principalement constituée de sédiments accumulés par la mer qui recouvrait la région, il y a 65 millions d'années. Le site revêt un intérêt biologique remarquable, car il réunit des conditions de climat et de sols tout à fait exceptionnels qui permettent à des végétaux et des animaux à caractère méridional de survivre dans notre région. La flore offre, par exemple, une grande variété d'orchidées très rares, alors que la faune se singularise par la présence d'une multitude d'insectes rares, de rapaces tant diurnes que nocturnes ou encore de quatorze espèces différentes de chauves-souris. Ces dernières profitent des galeries souterraines existantes pour leur hibernation. Les pratiques agropastorales ancestrales sur les versants crayeux ont modelé un couvert végétal particulier : les pelouses sèches, dont la biodiversité est exceptionnelle.
L’exploitation séculaire de la marne a donné naissance à un impressionnant réseau de galeries souterraines dans la région. La marne, que l'on nomme aussi tuffeau ou pierre de France, sera utilisée, jusqu'au milieu du XXe siècle, pour construire de nombreux bâtiments dans la région. Les dernières exploitations de blocs de marne en activité sont destinées à la restauration des bâtiments anciens. La région compte encore des dizaines de carrières de marne, de craie et de silex à ciel ouvert en vue de la production de chaux (ciment). Aux Pays-Bas, cette production est assurée par ENCI (Eerste Nederlandse Cement Industrie), et en Belgique par la CBR et Obourg. Dès que l’exploitation d’une des carrières cesse, la nature reprend ses droits de manière spectaculaire.
Le GR 5, désormais seul, contourne la carrière ENCI avant de rejoindre une petite route. Après 400 mètres, nous empruntons un sentier menant à la plate-forme d'observation qui surplombe la carrière. Nous profitons du point de vue avant de descendre les 215 marches métalliques et d’ensuite évoluer, pendant 1,2 km, à travers la carrière. Au-delà d’une cafétéria, nous prenons un chemin remontant vers le plateau. Au sommet, nous progressons sur un large chemin, en lisière de forêt, marquant la frontière belgo-néerlandaise.
Dans le lointain, sur la gauche, nous apercevons le château Neercanne qui a été construit, en 1698, à la demande du gouverneur militaire de Maastricht. En plus d’être une maison de plaisance et une hôtellerie, le château servait pour l’organisation de réceptions et de fêtes. Le tsar Pierre le Grand en fut l’un des plus célèbres visiteurs. Un siècle plus tard, le château entre en possession du baron de Cler et est transmis par héritage à Ignace de Thier.
Quand en 1839, la frontière entre les Pays-Bas et la Belgique est déterminée définitivement, le propriétaire du château choisit d’être incorporé aux Pays-Bas. C’est la raison pour laquelle l’édifice, bien que très proche de la frontière belge, se trouve en territoire néerlandais. L’arrière-petite-fille du baron de Thier était la dernière occupante noble du château. En 1947, elle a vendu le château, qui était en très mauvais état, à la fondation « Het Limburgs Landschap ». Le seul château en terrasse des Pays-Bas a été restauré et est loué, depuis 1955, par la Brand Bierbrouwerij qui y a installé un restaurant.
C’est à 125 mètres d’altitude, point culminant de l’étape, que nous entrons sur le territoire belge où nous effectuons les deux derniers kilomètres. Juste après l’ancien château-ferme de Caster, nous tournons à droite et descendons, sur un chemin de terre, vers le canal Albert (60 mètres d’altitude). Nous suivons un sentier boueux le long du Geer et arrivons, à Kanne, au pied du pont suspendu permettant de traverser le canal. C’est là que nous retrouvons la voiture laissée le matin.
➔ Jonction avec d'autres GR
- Le GR 561 : Kempen - Maaspad est l'un des sentiers longue distance les plus verts de Flandre. Il part de Diest, dans le Brabant flamand, et traverse ensuite les provinces d’Anvers et de Limbourg pour se terminer, après 224 km, à Maastricht. Le parcours est une succession de zones naturelles, avec des prairies humides et des marais, des tourbières et des landes. L'itinéraire fait une incursion à la frontière néerlandaise, traversant les sombres forêts de la Campine et les vestiges du passé des mineurs.
- Le GR 128 : Vlaanderenroute part du village de Wissant, à mi-chemin entre le Cap Griz-Nez et le Cap Blanc-Nez, et parcourt quelque 170 km à travers la France. Il traverse ensuite toute la Flandre, en 480 km, pour se terminer dans la ville allemande d'Aachen.