GR 5 : Kanne → Visé (20 km) - février 2018
Ouvert officiellement à la navigation le 30 juillet 1939, après neuf ans de travaux, le canal Albert a concrétisé un vieux rêve : relier les bassins de la Meuse et de l’Escaut. Construit à l'origine pour un gabarit de 2 000 tonnes, il a été élargi en 1997 pour permettre le passage de bateaux de 9 000 tonnes.
Long de 129 km, le canal Albert représente à peine 8,3 % de la longueur totale du réseau des voies navigables belges, estimée à quelque 1 560 km. Pour pallier la différence de hauteur de 55 mètres entre Liège et Anvers, six écluses triples ont été construites.
Nous commençons cette étape au pied du pont suspendu de Kanne qui, depuis 2005, enjambe le canal. De l'autre côté du pont, le GR 5 suit une petite route rejoignant, 500 mètres plus loin, la N619 ; c’est au milieu de ce tronçon que nous entrons en Wallonie.
Nous traversons la grand-route et empruntons un chemin de terre progressant, pendant un kilomètre, entre des jardins privés et des prairies. À la fin de ce chemin, nous quittons brièvement le tracé blanc et rouge pour aller voir l’entrée du fort d’Eben-Emael.
Entre 1932 et 1935, l'armée belge a construit ce colosse pour renforcer un point faible dans sa défense face à l'Allemagne : la vallée de la Meuse à proximité de Maastricht. Dix-sept bunkers, de différents types, sont dispersés sur une étendue de 75 hectares et soutenus par d'autres ouvrages. Un impressionnant réseau de galeries de 5 km relie tous ces bunkers.
Des défenses naturelles impressionnantes renforcent encore le fort de forme triangulaire : à l'est, le canal Albert coupe la colline à une profondeur de 60 mètres, à l'ouest un fossé aquatique et au sud, un fossé antichar. Dans la montagne de tuffeau, une caserne souterraine, contenant toutes les commodités possibles, a été construite. Une garnison de 1 200 militaires était chargée du fonctionnement du fort.
À la fin des années 1930, des experts militaires de différents pays sont venus et ont déclaré que ce fort était l’un des plus puissants d'Europe ! Et pourtant, le matin du 10 mai 1940, de grands planeurs déposèrent une unité d'élite sur la superstructure. Avec une rapidité fulgurante, les Allemands employèrent de nouveaux explosifs, appelés charges creuses, pour mettre hors de combat les canons belges.
En plus ou moins un quart d'heure, la majorité des ouvrages d'artillerie a été éliminée. Les contre-attaques furent inutiles ; la garnison se rendit après 31 heures de résistance. Le triste bilan du court, mais violent, combat s'éleva à environ 650 morts dans et autour d'Eben-Emael soit 10 % des pertes de l'armée belge en mai 1940.
De retour sur le GR 5, nous suivons un agréable sentier en bordure du Geer. Sur la gauche, nous pouvons voir l’église Notre-Dame d’Emael. Construit en 1870, cet édifice de style néo-roman domine le village par sa haute tour cantonnée de tourelles circulaires.
Nous traversons la rivière et prenons ensuite la direction d’Eben. Les 2 km séparant les deux villages, fusionnés sous le régime français, s’effectuent d’abord sur l’asphalte. Après avoir longé les installations de la carrière Marnebel, nous prenons, sur la droite, un chemin de terre parallèle à la route suivie précédemment. Ce beau tronçon ne sera que de courte durée puisque nous retrouvons l’asphalte 500 mètres plus loin.
À la sortie du village d’Eben, après être passés sous la N671, nous entamons, sur un chemin caillouteux, la première montée de l’étape (de 72 à 116 mètres d’altitude). Au début de l’ascension, nous passons à côté de l’étonnante tour d’Eben-Ezer : une tour-musée érigée par Robert Garcet, entre 1951 et 1965.
Le bâtiment, haut de 33 mètres, sur plan carré avec tourelle aux angles, est construit, en gros moellons de silex, sur un puits profond de 33 mètres également. Les sept étages sont couronnés par les quatre chérubins de l'Apocalypse, coulés dans le béton : le Taureau, l'Homme, le Lion et l'Aigle.
Le tracé blanc et rouge poursuit son ascension sur un chemin de terre, boueux. Sur la gauche, nous dominons la réserve naturelle « Eben-Ezer » ; un long coteau surplombant la rive gauche du Geer. Le site présentait jadis un intérêt botanique et entomologique exceptionnel.
L'ouverture de plusieurs carrières a entrainé la destruction de nombreux habitats remarquables, en particulier des pelouses calcicoles très riches. Aujourd'hui abandonnées, ces carrières sont colonisées par une végétation qui demeure, par endroits, intéressante.
Sur la droite, nous apercevons la carrière du Romont exploitée, depuis 1976, par la société CBR située à Lixhe. On y extrait, chaque année, 2,3 millions de tonnes de craie grise et de tuffeau qui sont acheminées vers l’usine via une bande transporteuse souterraine de 2,1 km, limitant ainsi les nuisances liées au charroi.
La capacité de production annuelle de l'usine de Lixhe est de 1,4 million de tonnes de clinker et de 1,5 million de tonnes de ciment de tous types, livrés sous divers conditionnements.
Arrivés au sommet de cette première côte, au milieu des terres labourées, nous tournons à gauche et descendons rejoindre le Geer. En bas, à 75 mètres d’altitude, nous longeons le cours d’eau sur 700 mètres ; c’est pour nous le plus beau tronçon de l’étape.
Le GR 5 franchit une dernière fois le Geer et continue, sur des chemins de terre, vers la N619. De l’autre côté de la grand-route, nous empruntons un sentier montant légèrement, en bordure de prairies. Face à une exploitation agricole, à l’entrée du village de Wonck, nous tournons à gauche et reprenons l’ascension. Durant ce parcours, hélas asphalté, nous franchissons la ligne de chemin de fer Aachen - Tongres.
Construite en 1918, cette ligne est un maillon important du trafic marchandises : elle permet de relier le Limbourg à l'Allemagne, sans traverser Liège et les Pays-Bas. Utilisée uniquement pour le transport de marchandises, c'est une des lignes les plus impressionnantes de Belgique du point de vue des ouvrages d'art, dont le plus spectaculaire est certainement le viaduc de Moresnet.
Après deux kilomètres de goudron, nous retrouvons les chemins de terre. Si habituellement, nous sommes contents de progresser dans la campagne, aujourd’hui nous y prenons moins de plaisir à cause du vent glacial soufflant sur ce vaste plateau agricole.
Nous quittons la commune de Bassenge, dans laquelle nous cheminions depuis la sortie de Kanne, pour celle d’Oupeye. C’est au changement de commune que nous atteignons le point culminant de l’étape, à 147 mètres d’altitude.
Aux Hauts de Froidmont, nous profitons d’un espace communal aménagé en zone de pique-nique et de barbecue pour effectuer une petite pause. Les Hauts de Froidmont est un très vieux hameau de la commune d’Oupeye, dont les racines remonteraient au IVe siècle avant J.-C. Ce hameau abrite des vestiges de villas romaines et de fermes du Moyen Âge ; certains sont convaincus que le célèbre mousquetaire d’Artagnan est décédé ici après le siège de Maastricht.
Nous descendons un chemin caillouteux, en bordure d’une ancienne carrière, menant à la N618. Le tracé blanc et rouge traverse la grand-route ainsi que le ruisseau d’Halembaye (82 mètres d’altitude), puis monte un chemin de terre. Ce dernier longe l’ancienne carrière dite « Au Trou d’Enfer » (certainement en rapport avec des légendes locales).
Au sommet (122 mètres d’altitude), nous découvrons une croix d’occis, un souvenir pieux suite à un drame paysan survenu en 1875. Nous descendons ensuite un chemin de terre, le long de vergers. Après 2 km, le GR 5 rejoint la N671d marquant ainsi la fin du parcours campagnard.
Un peu plus loin, nous atteignons le canal Albert, suivi sur 400 mètres. De l’autre côté du canal, nous décidons de rester sur la N618 jusqu’à Visé, plutôt que de suivre le tracé blanc et rouge qui effectue un dernier détour.
Nous traversons la Meuse et retrouvons la seconde voiture, laissée le matin, sur le parking de la gare de Visé.