GRP 563 : Gemmenich → Eynatten (22 km) - août 2017
Nous quittons le site des « Trois Bornes » en suivant, sur un kilomètre, un chemin goudronné, en léger faux plat, au milieu de la forêt. Arrivés au point culminant de l’étape, à 347 mètres d’altitude, nous entamons une longue descente à travers le bois de Preuss. Sur ce tronçon, quasi rectiligne, nous traversons un territoire qui a existé de 1816 à 1919 : Moresnet Neutre.
Après la défaite de Napoléon, en 1815, les alliés décidèrent de réorganiser l'Europe. Cependant, lors de la redéfinition des frontières, les gisements de minerai de zinc de la région provoquèrent un sérieux différend entre les Pays-Bas et la Prusse ; la Prusse les voulaient pour ses usines de laiton et les Pays-Bas pour ses usines liégeoises de zinc.
Une solution insolite fut trouvée pour résoudre cette question : l'établissement d'un territoire relevant d'une administration commune, donc un territoire « neutralisé », d'où le nom ultérieur de Moresnet Neutre. Ce territoire avait une superficie de seulement 3,44 km² et presque la forme triangulaire d'un morceau de tarte. En 1816, on comptait seulement 256 habitants, mais avec l'essor économique lié au développement de la mine, la population augmenta rapidement.
L'exploitation du zinc se termina en 1895 ; deux ans plus tard, les habitants de Moresnet Neutre remirent une pétition demandant leur rattachement à la Belgique en cas de cessation du statut autonome. Par les accords du traité de Versailles de 1919, le territoire fut rattaché à la Belgique ; quelques bornes frontières subsistent encore. Une loi de 1919 donnera le nom de La Calamine à cette nouvelle commune belge.
Juste avant un tunnel, passant sous la ligne de chemin de fer (Aachen - Tongres), le tracé jaune et rouge tourne à gauche pour emprunter un chemin empierré. Après la traversée d’un quartier résidentiel, nous suivons un agréable sentier en contrebas du talus de la même ligne ferroviaire. Nous arrivons ainsi face à l’imposant viaduc de Moresnet composé de 22 tabliers métalliques (mesurant 48 mètres et pesant environ 750 tonnes).
Afin de permettre le transport de troupes et de matériel militaire en direction du front des Flandres, sans passer par les Pays-Bas, les Allemands entreprirent, dès 1916, la construction de la ligne Aachen - Tongres via Montzen, dans laquelle le viaduc constituait un maillon important.
Si les ingénieurs allemands en conçurent le projet et dirigèrent les travaux, la main-d'œuvre était fournie par les milliers de prisonniers de guerre. Ces malheureux, loin de leur patrie, étaient parqués dans des camps locaux et astreints aux travaux les plus pénibles et les plus dangereux. Une nourriture insuffisante et de mauvaises conditions d'hygiène ont rendu leur situation encore plus misérable.
Le viaduc, arrivé intact entre les mains des Belges au lendemain de l'armistice, fut considéré comme réparation de guerre. Il contribua, au cours des années qui suivirent, à l'expansion commerciale du pays. Mais la Seconde Guerre mondiale s'annonçait déjà à l'horizon. Le 10 mai 1940, l'armée allemande envahissait la Belgique pour la seconde fois. Les Belges firent partiellement sauter le viaduc, le même jour vers 7 heures du matin, au nez et à la barbe des envahisseurs.
Rapidement reconstruit par les occupants, le viaduc fut continuellement parcouru par des patrouilles pour prévenir toute tentative de sabotage. La présence de cet ouvrage et la proximité de la grande gare de triage de Montzen constituaient une menace permanente pour les villages voisins. L'armée allemande en retraite fit sauter le viaduc au début du mois de septembre 1944, quelques jours avant l'entrée des Américains à Moresnet. Près de cinq ans furent nécessaires pour réparer les dommages (pénurie d’acier aidant).
Nous passons sous le viaduc de 1 107 mètres qui supporte actuellement 70 % du trafic marchandises de la SNCB, ce qui représente 100 à 120 trains par jour, les deux sens confondus. Sur la place de Moresnet, nous découvrons l’église Saint-Remy (construite en 1645 et agrandie en 1864) ainsi que le musée du terroir. Établi dans l’ancienne maréchalerie, datant de 1638, ce musée propose une exposition permanente sur l’histoire du viaduc ferroviaire.
Nous traversons la Gueule et, par la rue de la Foulerie, nous quittons Moresnet. La petite route passe sous le viaduc et rejoint, un peu plus loin, l’assiette d’une ancienne ligne ferroviaire. Cette voie de liaison, entre Moresnet et La Calamine, a été inaugurée en mars 1871 et désaffectée en 1952. Après 1,4 km sur ce parcours, parallèle à la rivière, nous atteignons la N3 à l’entrée de La Calamine (Kelmis).
L'itinéraire longe cette grand-route sur 200 mètres et passe ainsi à côté d’un ancien wagon, ayant circulé sur la ligne suivie précédemment. Après avoir franchit la Gueule, nous grimpons au milieu des prairies.
Nous entrons dans une forêt où nous progressons, sur l’assiette d’une ancienne voie ferrée, parallèlement au Hohnbach (aussi dénommé Lontzenerbach, bach signifiant « ruisseau » en allemand). Nous sommes ici au cœur d’une zone qui fut le siège d’une importante activité minière. Aujourd’hui, quelques vestiges témoignent encore de ce passé : des ruines industrielles, des traces d’exploitations et une halde calaminaire.
Le nom « calamine » désigne les gisements de zinc et de plomb dans les sols. Si la calamine est extraite dans la région depuis l'Antiquité, c'est le chimiste liégeois Dony qui, au début du XIXe siècle, mit au point un procédé original permettant de produire en quantité industrielle du zinc pur.
En 1837, la société S.A. Vieille-Montagne voit le jour et prend rapidement une extension internationale profitant, notamment, du plan d'urbanisation de Paris mis en œuvre par le préfet Haussmann ; la couverture et l'ornementation en zinc des toitures y sont de rigueur.
La mine de Schmalgraf, exploitée par la S.A. Vieille-Montagne, a été en activité de 1867 à 1932 et était l’une des plus importantes de la région. Exploitant des gisements découverts en 1858, la mine atteint une profondeur de 290 mètres, ce qui constitue un record pour ce type d’exploitation en Belgique. Rapidement, une galerie à - 42 mètres est aménagée pour faciliter l’évacuation du minerai vers les laveries de Moresnet. Celui-ci empruntait ensuite un chemin de fer à voies étroites (sur lequel nous cheminons), construit le long du Lontzenerbach.
À son apogée, la mine de Schmalgraf occupait 150 personnes, dont 120 mineurs. On estime que plus de 545 340 tonnes de minerai calaminaire y ont été extraits. Bien qu’elle ne soit pas épuisée, l’exploitation de la mine s’arrêta pour cause de non rentabilité, les coûts liés à l’exhaure des eaux étant trop élevés.
À la sortie de la forêt, nous franchissons le Lontzenerbach et traversons une prairie avant de monter un chemin herbeux entre deux clôtures. Après avoir passé une nouvelle fois le cours d’eau, nous montons jusqu’à une petite route, suivie sur 600 mètres.
Nous empruntons brièvement une route un peu plus importante et prenons ensuite le chemin d’accès à une ferme. Après cette dernière, nous pénétrons dans les pâturages où nous progressons, d’échaliers en tourniquets, vers un imposant bâtiment (une maison de repos).
Nous contournons l'immeuble et, par la Nierstrasse, nous arrivons au centre du hameau d’Astenet. Là, nous découvrons le château Thor auquel on accède en traversant un passage charretier construit, comme presque la totalité des bâtiments, en moellons de grès. Le portail proprement dit, de style baroque, date de 1733. Son arche en plein-cintre est surmontée d’un fronton à volutes et ailerons sommé d’un pot à feu.
Avant de traverser la grand-route, nous admirons une charmante chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste. Ce petit édifice, reconstruit en 1724 par le drossard Johann Stéphan Heyendal, a la particularité de posséder un clocheton, au-dessus de la toiture, avec une cloche apparente.
Le tracé jaune et rouge se dirige vers la ligne de chemin de fer « classique » (Liège - Aachen) qu’il atteint après un tronçon, d’environ 700 mètres, au milieu des prairies. Grâce à un pont, nous franchissons la voie ferrée et progressons de l’autre côté sur une petite route de campagne. Celle-ci nous fait passer sous le pont ferroviaire de la ligne à grande vitesse (Liège - Aachen), mise en service en juin 2009. Les deux lignes, séparées depuis Chênée, se rejoignent ici tout près, juste avant la gare d’Hergenrath.
Nous effectuons une dernière pause avant de grimper, à travers bois, la colline du Beschesenberg. À la sortie du bois, grâce à un échalier, nous pénétrons dans une prairie où nous progressons sur une centaine de mètres. Nous continuons sur un chemin de terre, entre les prairies, où des tourniquets nous permettent de passer sans avoir à ouvrir les barrières retenant le bétail.
Un peu plus loin, nous rejoignons la Gueule que nous suivons, sur des sentiers bucoliques, jusqu’à la Kirchstrasse, à l’entrée du village de Hauset. À la suite d’un tronçon asphalté d’environ 500 mètres, nous revenons sur des chemins caillouteux et progressons, à travers un petit bois, le long de la Gueule. Nous atteignons la N68 sur laquelle nous marchons pendant 500 mètres. Après avoir franchi l’autoroute E40, nous quittons la grand-route pour emprunter, sur la droite, un chemin asphalté parallèle à celle-ci.
À l'entrée d’Eynatten, nous contournons l’Amstenrather Haus, également appelée « Herrenhaus » (maison seigneuriale). Des douves protègent ce bâtiment datant du début du XVIe siècle. Son apparence actuelle, le manoir, construit par les seigneurs d’Eynatten, ne l’a acquise qu’en 1709, alors qu’il était déjà la propriété des seigneurs d’Amstenrath.
Un pont à trois arcs, remplaçant l’ancien pont-levis, mène au porche fermé par un simple portail. À l’arrière, la douve s’élargit pour former un étang dans lequel se mirent le manoir et de grands saules pleureurs.
➔ Jonction avec d'autres GR
- Le Krijtlandpad. Au départ de Maastricht, ce circuit décrit une boucle de 90 km à travers le Limbourg hollandais.
- Le GR 128 : Vlaanderenroute part du village de Wissant, à mi-chemin entre le Cap Griz-Nez et le Cap Blanc-Nez, et parcourt quelque 170 km à travers la France. Il traverse ensuite toute la Flandre, en 480 km, pour se terminer dans la ville d'Aachen.
- Le GR 56 : Sentiers de l'Est de la Belgique. Ce sentier de grande randonnée se compose de quatre itinéraires : le « Sentier des Frontières », le « Sentier des Fagnes » ainsi que les variantes Warche et Amblève. Ils permettent de découvrir, sur plus de 330 km, l’Est de la Belgique et plus particulièrement le parc naturel Hautes Fagnes - Eifel.