GR 57 : Queue de Vache → Le Hérou (23 km) - mars 2017
Il est près de 10 h 30, le temps d’effectuer le transfert des voitures, lorsque notre groupe, d’une vingtaine de randonneurs, commence cette étape. Celle-ci se déroulera sous un beau ciel bleu avec une température bien agréable pour une fin de mois de mars.
À peine avons-nous quitté le parking du camping, à côté du moulin dit « Queue de Vache », que se présente la première côte du jour. En un kilomètre, nous passons de 226 à 317 mètres d’altitude... parfait comme mise en jambes !
Arrivés au sommet, le balisage blanc et rouge nous invite à descendre dans la vallée ; ce parcours, assez vallonné, s’effectue sur de petits sentiers au milieu du massif forestier. Nous rejoignons le ruisseau de Halleux que nous longeons sur 600 mètres avant de le traverser. Il existait jadis une passerelle en bois permettant de franchir aisément ce cours d’eau, mais des chutes d’arbres ainsi qu’un manque d’entretien ont rendu le passage beaucoup plus acrobatique.
De l’autre côté de la rivière, le GR 57 reprend de la hauteur en direction de Beausaint. Cette montée, de 280 à 386 mètres d’altitude, dans le Fond de Pouhou, n’est pas aisée au début, car ici aussi, de nombreux arbres couchés obstruent le passage. À la sortie de la forêt, nous poursuivons sur le chemin de crête, au milieu des champs, tout en profitant d’un vaste panorama.
Dans un bosquet, planté de chênes, se dresse une haute croix en bois reposant sur un socle en pierre de taille. Comme en témoignent les inscriptions gravées dans la pierre, la croix a été portée jusqu’à Jérusalem en 1905, puis érigée au sommet de cette colline, dominant Beausaint, l’année suivante. Depuis lors, elle fait l'objet de pèlerinages.
Au lieu-dit « Croix de Beausaint », nous effectuons une petite pause boisson avant d’entamer la descente vers La Roche-en-Ardenne, situé à trois kilomètres. Ce trajet emprunte d’abord une petite route avant de tourner à droite, sur un chemin de terre en lisière de forêt.
À la suite d’un étroit sentier entre des genêts, nous arrivons dans une petite clairière d’où nous jouissons d’un superbe point de vue sur la vallée de l’Ourthe. Ce site, dénommé Corumont, est une aire de décollage pour parapentes. « Côrir » en wallon signifie noisetier, « côrir mont » s'est changé petit à petit en Corumont, le mont des noisetiers.
Nous nous enfonçons dans la forêt et poursuivons la descente par le chemin des Morts où des marches sont taillées à même le schiste. Ce sentier était utilisé par les habitants de Harzé (hameau de La Roche-en-Ardenne) pour conduire leurs morts au cimetière de Beausaint afin de ne pas payer la taxe en passant par la ville.
Depuis ce chemin des Morts, nous pouvons admirer les ruines du château qui domine la ville et surveille une boucle de la rivière. Sur l’éperon rocheux, à l’emplacement du château actuel, les anciens Belges ont construit un oppidum. En l’an 57 avant J.-C., l’Ardenne dut se soumettre au joug de l’envahisseur romain qui bâtit un fortin à la place de l’oppidum.
Au VIIIe siècle et sous l’occupation franque, Pépin de Herstal fit du fort romain une maison de chasse. Le premier véritable château a été érigé au IXe siècle et connut son apogée entre le XIIe et le XVIIe siècle.
Les troupes de Louis XIV ayant investi La Roche en 1681, d’importants travaux de transformation du château sont alors effectués sous la conduite de Candeau, disciple du célèbre architecte militaire Vauban. On creuse des souterrains, on recouvre de terre une partie de la forteresse pour supporter les attaques d'artillerie et on construit des logements pour la garnison.
En 1721, le château est gravement endommagé par un incendie, à la suite de quoi, Joseph II d'Autriche le fait démanteler. Il sert ensuite de carrière aux habitants qui y trouvent de beaux et solides matériaux de construction. L'État belge le rachète en 1852 pour assurer sa sauvegarde.
Une légende raconte que, tandis que le seigneur de La Roche voyait son âge avancer, sa fille unique et héritière, la jeune et blonde comtesse Berthe, n’avait pas encore pris époux. Il lui proposa donc d’organiser un tournoi dont le vainqueur remporterait la main de la jeune femme. Or, lors d’une promenade non loin du château, le cheval de Berthe trébucha, mettant l’héritière en péril, mais heureusement, une poigne ferme redressa l’animal.
Cette main salvatrice, c’était celle du comte Waleran de Montaigu. Les deux jeunes gens tombèrent amoureux, ce qui attrista Berthe qui avait accepté le principe du tournoi ! Waleran promit de le gagner, sans toutefois avouer à Berthe qu’il était aussi, de son côté, promis à Marie de Salm !
De fait, Waleran sortit vainqueur du tournoi et sa victoire allait être proclamée quand un chevalier noir demanda d’entrer en compétition ; fatigué, Waleran échoua et fut emmené pour mort, alors qu’il n’était qu’abasourdi. L’anonyme chevalier noir fut donc uni à Berthe.
À l’issue du banquet nuptial, tandis que les époux s’étaient retirés dans leur chambre, on entendit un cri et l’on retrouva Berthe morte, au pied du donjon, un poignard aux armes de Salm planté dans le cœur… le chevalier noir n’était autre que Marie de Salm qui s’était ainsi vengée et aurait, pour cela, vendu son âme au diable. Depuis lors, le fantôme de Berthe hante le château les nuits de grand vent.
Le 10 septembre 1944, la ville est libérée par les forces alliées. Bientôt, la riposte s'organise : l'offensive des Ardennes est lancée et, le 21 décembre 1944, les Allemands font une fois de plus leur entrée dans La Roche. Du 21 décembre 1944 au 11 janvier 1945, La Roche est bombardée de 70 000 obus américains. Ces évènements causent la mort de 114 civils, 350 immeubles sont détruits et 327 endommagés.
Le 11 janvier 1945, les Highlanders du 30e corps britannique, sur la rive gauche de l'Ourthe, et les Américains de la première armée, sur la rive droite, libèrent définitivement La Roche. Dans la ville, on peut découvrir un tank Sherman M4A1 américain et un tank destroyer M10 britannique.
Vers 13 h 30, après la pause pique-nique, nous reprenons notre balade pour parcourir les quatorze kilomètres de l’après-midi. Nous quittons le centre-ville en montant la rue du Bon Dieu de Maka et poursuivons, en pente plus douce, sur un chemin d’abord rocailleux puis semi-herbeux au milieu d’une forêt de conifères.
Après 2,5 km, presque rectiligne, nous atteignons le point culminant de l’étape à 418 mètres d’altitude (La Roche-en-Ardenne étant à 226 m). Nous suivons un chemin forestier sur la gauche et prenons la direction de Maboge. Ce village se situant au bord de l’Ourthe (246 mètres), nous devons emprunter un sentier raviné, très pentu, pour y arriver.
À l'entrée de Maboge, nous traversons l'Ourthe et suivons, sur 600 mètres, la N860. Nous bifurquons ensuite, vers la droite, sur un large chemin forestier descendant lentement vers l’Ourthe. Au terme de cette descente, nous effectuons une petite pause boisson avant de partir à la découverte du site du Cheslé (335 mètres d’altitude).
Le site, situé à l’intérieur d’une boucle de l’Ourthe, a livré un matériel archéologique varié dont la datation de certaines pièces, au carbone 14, fait remonter la première occupation aux alentours de 519 avant notre ère (premier âge du fer). Depuis 1960, des fouilles archéologiques ont été entamées.
Le Cheslé, dérivé de châtelet ou château, est une forteresse celtique, probablement la plus étendue de Belgique (13 hectares), qui fut occupée entre le VIIIe et le VIe siècle avant J.-C. Le double rempart qui s'étire sur plus de 1,7 km fut remarquablement amélioré tout au long de l'occupation celtique.
En 1980, une reconstitution de cet ouvrage a été réalisée, par la Société Nationale des Fouilles, afin de donner une idée de l'ingéniosité de cette peuplade et de démontrer l'effet dissuasif de la forteresse vis-à-vis d'un éventuel envahisseur. La ligne de défense supérieure, qui protégeait directement le camp, a connu trois phases de construction.
Lors de chaque phase, le système défensif a été renforcé. Les fortifications s’épaississent, leurs structures se complexifient, elles deviennent plus résistantes. La troisième phase de fortification voit aussi la création d’une ligne de défense intérieure présente uniquement là où la pente naturelle est la moins raide et la défense donc plus vulnérable.
Une légende rapporte que dans un puits, situé au centre du Cheslé, gît un fabuleux trésor qui revient à la surface chaque année le jour de Noël, au moment où les cloches sonnent les douze coups de la messe de minuit. Qui veut s'en emparer doit jeter une poule noire dans le gouffre et se saisir du coffre sans prononcer la moindre parole. Trois paysans qui ont tenté l'expérience, mais exprimé trop bruyamment leur réussite ont disparu à jamais...
Nous admirons le point de vue sur l’Ourthe et, après avoir fait le tour du site, nous descendons au bord du cours d’eau par un escalier, puis par un sentier en lacets. Si depuis le début de ce GR 57, nous n’avions pas beaucoup suivi la rivière, le balisage blanc et rouge va à présent nous proposer de suivre les méandres de l’Ourthe sur quatre kilomètres.
Ce parcours bien que très beau, va s’avérer très compliqué, à cause des divers obstacles que nous allons rencontrer : arbres déracinés, rochers,... Alors qu’il est presque 18 h, nous quittons les rives de l’Ourthe pour grimper (de 276 à 355 mètres d’altitude) l’éperon rocheux du « Hérou »..
Le site, avec ses rochers abrupts barrant le cours de l'Ourthe, est impressionnant de par sa hauteur, 80 à 90 mètres nous séparent de la rivière, mais aussi de par sa forme ; la roche étant coupée à l'exacte verticale, cela renforce l'impression de profondeur.
Ce bloc rocheux, autrefois entièrement dépouillé de végétation, peut avoir à la base une largeur de 80 mètres sur une longueur de 1 000 mètres. On dit que c'est du haut de ce roc qu'un héraut proclamait les sentences rendues par la Haute Cour de Nadrin.
La vue, depuis le sommet, offre un paysage authentique sur l’Ourthe et ses nombreux méandres boisés. En octobre 1937, le site du Hérou a été classé et reconnu « patrimoine exceptionnel de Wallonie » pour son intérêt paysager unique.
C’est fatigué par cette longue journée, et surtout par les 800 mètres de dénivelé, que nous terminons cette belle étape à la terrasse du café, proche du belvédère du Hérou.
➔ Jonction avec d'autres GR
- Le GR 14 : Sentiers de l'Ardenne permet, en 276 km, de relier Monschau (Allemagne) à Sedan (France) en passant par Malmedy, Trois-Ponts, La Roche-en-Ardenne, Saint-Hubert, Transinne et Bouillon. Ce sentier de grande randonnée propose ainsi une traversée de l’Ardenne en s’enfonçant dans les forêts et en longeant plusieurs rivières : Warche, Amblève, Lienne, Ourthe, Lomme, Lesse, Our ou Semois.