Les Randos de Fred & Paul

GR 579 : Huldenberg → Watermael (20 km) - décembre 2016

Il est 9 h 30 lorsque nous commençons cette étape, sous un ciel bien gris. Dès le départ, il faut faire bien attention à la direction que l’on prend, car nous sommes ici à un carrefour de plusieurs sentiers de grande randonnée. C’est en effet à Huldenberg que se croisent les GR 579, GR 512 et Streek-GR Dijleland.

Nous quittons le village en empruntant un sentier le long de l’Ijse. Au début du Moyen Âge, cette rivière s'appelait « Isca », un mot celtique qui signifie eau. L'Ijse prend sa source dans la forêt de Soignes et se jette, après 20 km, dans la Dyle à Neerijse.

GR 579 entre Huldenberg et Duisburg, le long de l'Ijse

Nous passons à côté d’un ancien moulin à eau et longeons le parc du château d’Huldenberg. Propriété du comte Louis de Limburg Stirum, cette demeure, à l’origine de style Empire (1811), a été profondément transformée dans l’esprit Renaissance flamande.

Château d'Huldenberg

En 1861, c’est dans la serre de ce château que le jardinier Félix Sohie s’est lancé, avec succès, dans la culture de la vigne. Quatre ans plus tard, il construit à Hoeilaart la première serre de viticulture, y apportant les améliorations techniques nécessaires pour déjà permettre une récolte au printemps. Au cours des décennies suivantes, la construction de serres s’est multipliée dans la région.

Selon le recensement agricole de 1910, la commune d’Hoeilaart, par exemple, comptait 5 176 serres. En 1961, le nombre total de serres atteignait son sommet avec 34 929 unités. Après la mise en place de la Communauté économique européenne et les crises énergétiques de 1973 et 1979, la viticulture a connu un important recul dans la région.

Druivenstreek

Pendant quelques kilomètres, nous allons cheminer dans cette région du raisin (« Druivenstreek » en néerlandais). Une triple combinaison permet ici la culture du raisin de table en serres chauffées : un climat modéré et humide, l’orientation de la vallée de l’Ijse (avec des pentes exposées au sud) et des terres bien drainées. En juillet 2008, le raisin de table produit dans les communes d'Overijse, Hoeilaart, Huldenberg et Tervuren a été le premier produit à recevoir une AOC en Flandre.

Nous traversons le N253 et prenons la Dreefstraat qui, en 600 mètres, nous fait passer de 54 à 93 mètres d’altitude. Après avoir longé le camping d’Huldenberg, nous arrivons à un croisement où nous continuons tout droit en compagnie du Streek-GR Dijleland tandis que le GR 512 s’en va vers la gauche.

L’itinéraire se poursuit sur le plateau campagnard et atteint un carrefour de cinq chemins au centre duquel se dresse un beau tilleul ayant près de 250 ans. Sur la gauche, nous découvrons une chapelle dédiée à Sainte-Barbara (1865). Après 1,5 km d’un parcours rural, sur des petites routes asphaltées, nous arrivons face à une barrière en bois marquant l’entrée du Kapucijnenbos et donc de la forêt de Soignes.

Nous avons ensuite, sur une centaine de mètres, deux carrefours de chemins forestiers. Au premier, nous retrouvons le GR 512 : Brabantse heuvelroute et au second, nous quittons le Streek-GR Dijleland pour suivre le Streek-GR Groene Gordel. Bizarrement, il n’est pas fait mention du GR 579 sur le poteau indicateur...

GR 579 entre Duisburg et le Rouge-Cloître GR 579 entre Duisburg et le Rouge-Cloître, séparation des GR

Le tracé blanc et rouge nous fait progresser, pendant trois kilomètres, sur un chemin dénommé la « Promenade Royale », une large allée qui serpente à travers l’arboretum de Tervuren. Ce dernier, créé à partir de 1902 sur un terrain appartenant au roi Léopold II, fera ensuite partie de la Donation royale. Le site couvre une superficie d’environ 100 hectares et compte 460 espèces d’arbres différentes (dont 305 feuillus et 155 conifères).

À la différence des arboretums de type systématique (regroupant les différentes espèces par genres et familles botaniques) ou des arboretums de type forestier (présentant une seule espèce par parcelle), le principe est ici de reproduire les différents paysages des forêts des régions tempérées, principalement de l’hémisphère nord.

L’objectif principal étant l’étude des caractéristiques des essences et des différents modèles forestiers, ainsi que leur capacité d’acclimatation. Bien des espèces botaniques que l’on trouve en Asie et en Amérique du Nord correspondent ou sont très proches de celles disparues d’Europe au cours des glaciations.

Arboretum de Tervuren

L’arboretum est divisé en deux grandes zones : à l’est, des plantations provenant des régions tempérées d’Amérique du Nord ; à l’ouest, des arbres originaires d’Europe et d’Asie. Chacune de ces deux zones est divisée en une vingtaine de parcelles numérotées, elles-mêmes comprenant des sous-groupes.

Ces numérotations, correspondant à différents biotopes, sont mentionnées sur de petits écriteaux. Les parcelles sont séparées par de vastes clairières engazonnées, des allées et des pièces d’eau.

Arboretum de Tervuren

Lorsque nous quittons l’arboretum, au niveau de son parking, nous sommes au point culminant de l’étape à 130 mètres d’altitude. 300 mètres plus loin, la séparation entre le GR 579 et le GR 512 n’est annoncée que par une discrète inscription, à la peinture, sur un arbre.

Nous ne choisissons aucune des deux pistes et prenons le parcours du Streek-GR Groene Gordel (pas renseigné à cette bifurcation) afin de nous rendre dans un café à Notre-Dame-au-Bois (Jezus-Eik en néerlandais) pour la pause de midi.

GR 579 entre Duisburg et le Rouge-Cloître

Après cette halte revigorante, nous effectuons le trajet en sens inverse jusqu’au lieu de séparation des GR et prenons le GR 579 qui est maintenant seul jusqu’à la gare de Watermael ; c’est toujours à travers la forêt de Soignes que nous randonnons. Au XIIIe siècle, celle-ci appartient aux ducs de Brabant qui en ont fait leur immense terrain de chasse.

Grâce aux progrès techniques agricoles et à un contexte politique plus serein, la croissance démographique explose ; après d’importants défrichements, de nouveaux villages se créent en bordure de la forêt. Pour limiter son exploitation incontrôlée par la population, les ducs de Brabant instituent des gardes forestiers et édictent un premier code de la forêt.

D’un autre côté, ils concèdent d’importants territoires forestiers à des communautés religieuses pour qu’elles y établissent leur monastère ou prieuré. L’abbaye de la Cambre, les prieurés de Val Duchesse, Groenendael, Rouge-Cloître naissent dans ces circonstances. Au cours des siècles suivants, la forêt est surexploitée. En 1786, 22 % de la superficie totale de la forêt se retrouvent sans peuplements.

À son arrivée en tant que directeur des plantations, Joachim Zinner propose de remplacer les coupes et les espaces vides par de grandes monocultures d’arbres de même essence et de même âge, densément plantés pour maximiser la rentabilité et privilégier la production de bois d’œuvre. Ces plantations sont à l’origine de la hêtraie cathédrale.

Durant la période hollandaise, pour combler le déficit des finances publiques, Guillaume Ier cède les 11 700 hectares de la forêt de Soignes à la Société générale. Dans les mains de l’institution financière, le massif forestier va perdre plus de 60 % de sa superficie !

En effet, craignant après la révolution belge de devoir rétrocéder au jeune gouvernement cette propriété reçue du souverain chassé, la Société générale met en vente de nombreux lots qui sont ensuite défrichés pour en faire des terrains agricoles ou de grandes propriétés foncières en bordure de la capitale. En 1843, ce qu’il reste de la forêt de Soignes, soit environ 4 400 hectares, est rendu à l’État belge.

GR 579 entre Duisburg et le Rouge-Cloître, forêt de Soignes

Après être passés, grâce à un tunnel, sous le ring de Bruxelles, le balisage nous mène vers le prieuré de Rouge-Cloître. À hauteur de la source du Sylvain, nous quittons la Région flamande et entrons dans celle de Bruxelles-Capitale. Au début du XXe siècle, René Stevens, poète, peintre et fondateur des « Amis de la forêt de Soignes », a été surnommé le Sylvain, du nom d’une divinité romaine protectrice des bois et des champs.

René Stevens avait l’habitude de venir méditer dans les vallons, c’est pourquoi une source lui fut consacrée et dotée d’un monument en grès local. Les sources permanentes de la forêt de Soignes proviennent de nappes d’eaux souterraines engendrées par des infiltrations de pluie à travers le sable jusqu’à une couche d’argile imperméable ; l’eau de ces sources a une température constante.

GR 579 entre Duisburg et le Rouge-Cloître, source du Sylvain

Nous suivons le « chemin des étangs » qui nous fait longer les étangs des Chabots et arriver sur le site du prieuré de Rouge-Cloître. Celui-ci doit son origine à l’établissement d’un ermite qui décida, aux alentours de 1359, de s’installer dans la forêt de Soignes.

Son ami, le prêtre Guillaume Daneels, attiré par les lieux et désireux de vivre auprès de l’ermite, mais dans un lieu moins humide, demanda à la duchesse Jeanne de Brabant le droit de s’établir sur un autre terrain. Ils obtinrent ainsi l’autorisation de bâtir leur nouvelle habitation à l’endroit où se trouve le site actuel de Rouge-Cloître. En 1366, ils ont construit un ermitage, constitué d’une chapelle et de quelques bâtiments pouvant accueillir neuf ermites.

Rouge-Cloître, étangs des Chabots

Cet ensemble de bâtiments, en bois et en torchis, fut appelé Rode Cluse : l’ermitage rouge. Cette appellation trouverait son origine dans la couleur de l’enduit protecteur, fait à base de tuiles écrasées, dont étaient recouverts les murs des bâtiments. Une autre explication, d’ordre étymologique, est également envisageable. En effet, le préfixe « roo » du néerlandais « rooien », qui signifie : déterrer, arracher, défricher, indiquerait que le prieuré fut bâti dans un lieu déboisé.

Grâce aux privilèges octroyés par Jeanne de Brabant et à la générosité des donateurs, le prieuré s’épanouit rapidement. L’église, consacrée en 1384, fut construite en pierre calcaire provenant des talus rocheux des alentours. Entre-temps, les chanoines avaient bâti la sacristie, le cloître, deux cours fermées ainsi que le premier mur d’enceinte. Ils avaient également asséché les marais, défriché, nivelé et préparé les terres pour la culture. Le prieuré disposait de son propre moulin à eau pour y moudre le blé provenant de la propriété.

Jusqu’à la fin du XVe siècle, le prieuré vécut paisiblement, embellissant ses bâtiments, construisant une infirmerie ainsi qu’une voûte pour capter les eaux à la sortie des étangs supérieurs. Les chanoines enrichirent aussi leur bibliothèque dont la réputation allait de pair avec celle de son scriptorium, de son atelier de reliure et des travaux d’enluminure.

Les souverains Maximilien d’Autriche, Charles Quint, les archiducs Albert et Isabelle ou encore Charles de Lorraine fréquentèrent le prieuré et y séjournèrent parfois. Il était courant pour les princes de visiter le monastère se trouvant près du lieu de chasse et de jouir de l’hospitalité des moines.

Rouge-Cloître

Le prieuré, sévèrement touché par les guerres de Religion, a été reconstruit et agrandi dans le courant des XVIIe et XVIIIe siècles pour lui donner son aspect définitif. En 1783, le décret de Joseph II supprima de nombreux ordres contemplatifs jugés inutiles, dont le prieuré de Rouge-Cloître. Dès lors, les chanoines n’avaient pas d’autres choix que de se séculariser ou de chercher à entrer dans une autre congrégation.

La communauté se dispersa et ses biens mobiliers furent vendus. Les bâtiments qui existent encore actuellement ne donnent qu’une faible idée de la splendeur passée du prieuré. Après quelques péripéties qui laissèrent croire à un renouveau du prieuré, celui-ci a été définitivement supprimé en 1796 ; le domaine fut divisé en parcelles afin d’être vendu.

Durant près d’un siècle, plusieurs industries, telles une filature, une verrerie, une blanchisserie, une teinturerie, une savonnerie, un atelier de tailleur de pierre, ou encore une forge, se succédèrent sur le site. La brasserie et l’infirmerie furent les premiers bâtiments à être détruits ainsi qu’une partie du cloître.

Quant à l’église, elle subit de sérieux dommages pour être ensuite ravagée par un incendie en 1805. Ces diverses entreprises disparurent vers la fin du XIXe siècle. En 1900, différents projets comme la construction d’un barrage, celle d’un lotissement ou encore l’installation d’un jardin zoologique furent envisagés.

Par peur d’importants changements du site, les pouvoirs publics décidèrent de prendre des mesures de sauvegarde. En 1910, le domaine a été acquis par l'État belge, ce qui mit fin aux menaces de morcellement et aux différents projets d’exploitation. Le site, classé en 1959, devint la propriété de la Région de Bruxelles-Capitale en 1992.

Rouge-Cloître

Nous traversons l’ensemble du site de Rouge-Cloître puis, de l’autre côté de la chaussée de Wavre, nous prenons un sentier en graviers circulant au pied d’imposants immeubles d’entreprises. Ce sentier est suivi d’un autre, cheminant le long d’un ruisseau dans le parc du Bergoje.

GR 579 entre le Rouge-Cloître et Watermael GR 579 entre le Rouge-Cloître et Watermael, parc du Bergoje

Nous passons sous le viaduc de l’autoroute E411 et traversons l’avenue Herman Debroux, puis le boulevard du Souverain ; un tronçon, en milieu urbain, où il est difficile d’apercevoir le balisage ! Dans la cité Floréal, que nous abordons ensuite, les marques blanches et rouges sont heureusement, au vu des nombreux changements de direction, bien plus visibles.

GR 579 entre le Rouge-Cloître et Watermael, balisage dans la cité Floréal

À Bruxelles, des exemples de cités-jardins ont vu le jour dans plusieurs communes durant les premières décennies du XXe siècle et plus particulièrement dans les années qui ont suivi la fin de la Première Guerre mondiale. À cette époque, le déficit d’habitations est important en raison des destructions dues à la guerre, conjugué à la croissance démographique de la ville.

Des quartiers entiers sont construits. C’est le début de la prise en charge par les pouvoirs publics de la construction de logements sociaux. Le choix de cités-jardins est avant tout économique : la construction de groupes de maisons selon les mêmes plans et avec les mêmes matériaux permet d’importantes économies et la mise à disposition de nombreux logements en peu de temps.

La coopérative ouvrière Floréal s’est constituée, en 1922, à l’initiative d’un premier noyau d’ouvriers typographes du journal Le Peuple. Elle put acquérir ses premiers terrains pour un total de 17 ha. La construction, débutée dès 1922, se poursuivit jusqu’en 1930, puis 108 nouveaux appartements ont encore été ajoutés en 1949, et 56 en 1965.

Au total, 653 logements ont été construits, dont 350 maisons unifamiliales. Le niveau de confort des habitations s'améliorant considérablement, en regard des précédentes, lors de chaque nouvelle phase de construction. Les marques distinctives de la cité Floréal, préservées jusqu'à aujourd’hui, sont les boiseries peintes en jaune et les rues qui portent des noms de fleurs.

Un labyrinthe de chemins piétons, serpentant entre les jardins, mène, au cœur des îlots, à des plaines de jeux abritées de la circulation et plantées d'arbres. Cette cité a servi à plusieurs reprises de décor pour le cinéma.

Watermael, cité Floréal Watermael, cité Floréal

Nous quittons cette cité pittoresque et traversons le square des Archiducs, un vaste rond-point. Par l’avenue de la Héronnière, nous accédons au parc du même nom. Aménagé en 1996, ce parc a été créé à partir des vestiges d’une ancienne vallée et d’espaces verts proches les uns des autres.

Il s’agissait de soustraire l’endroit à la pression immobilière, de préserver son patrimoine écologique, de restaurer le réseau hydrographique existant et de permettre aux populations locales de se promener, de se rencontrer et de s’amuser dans un grand parc public.

En récupérant des sources jusque-là branchées sur le collecteur des eaux usées, un petit cours d’eau a pu être reconstitué et serpente à nouveau dans l’ancienne vallée du Watermaelbeek. Le long de ses berges, des plantes aquatiques ont recolonisé le périmètre.

La fin de l’étape, jusqu’à la gare de Watermael, n’est pas très passionnante à l’exception de la découverte de l’église Saint-Clément. La tour romane, en grès, daterait du XIe siècle ; elle pouvait autrefois servir d’abri à la population en cas de danger.

C’est la partie la plus ancienne de ce monument, à l’origine de plan basilical, qui fut agrandi à la fin du XVe siècle par l’adjonction d’un transept et d’un chœur de style gothique tardif. Dans un souci d’unité, ces ajouts furent supprimés en 1871 et reconstruits en style néo-roman.

Watermael, église Saint-Clément

Plan du parcours

➔ Jonction avec d'autres GR

  • Le GR 512 : Brabantse heuvelroute relie, en 173 km, Diest à Geraardsbergen (Grammont) et traverse donc d’est en ouest le Brabant flamand et la Flandre orientale. Il évolue au milieu des forêts de Meerdael et de Soignes et passe près des châteaux de Horst, Beersel et Gaasbeek.

  • Le Streek-GR Dijleland effectue, au départ de Louvain, une grande boucle de 131 km qui passe, notamment, par Malines et Tervuren. Ce sentier de grande randonnée évolue à travers la vallée de la Dyle et certains de ses affluents : la Voer, la Lasne, l'IJse et la Senne.

  • Le Streek-GR Groene Gordel est une grande boucle de 157 km permettant de découvrir la ceinture verte qui entoure la région bruxelloise. Le circuit passe, notamment, par Hal, la forêt de Soignes, Hoeilaart, le parc de Tervuren, Eppegem, Grimbergen, le Jardin botanique de Meise, les hameaux bruegheliens (Sint-Anna-Pede et Sint-Gertrudis-Pede), le château de Gaasbeek.

  • Le GR 126 : De Bruxelles à la Semois. Ce sentier de grande randonnée débute au pied de l'Atomium et passe au centre de Bruxelles avant de traverser le Brabant wallon. Il suit les rives de la Meuse entre Namur et Dinant, puis s’engage, au-delà du château de Freyr, le long de la Lesse. Le GR 126 pénètre ensuite dans la forêt ardennaise pour terminer son parcours, de 236 km, au bord de la Semois.