Les Randos de Fred & Paul

GR 65 : Saugues → Le Sauvage (19 km) - juin 2014

Il est 9 h 30 lorsque nous quittons le centre de Saugues en franchissant le pont enjambant la Seuge. Cette rivière, qui naît au Truc de la Garde (1 496 mètres), sur le territoire de la commune de Chanaleilles, conflue, après 34 km, dans l'Allier à Prades, à 531 mètres d'altitude.

Le nom de la ville de Saugues, tout comme celui de la Seuge qui la traverse, est sans doute une déformation de l'occitan « sauze » : saule. À la sortie de la ville, un grand pèlerin en bois, nous indique la direction à suivre... Saint-Jacques-de-Compostelle n'est plus qu'à 1 480 km !

Saugues, sculpture en bois

Nous sommes ici dans le Gévaudan, une ancienne province française. À la Révolution, son territoire a servi de base pour former le département de la Lozère ; seul le canton de Saugues fut rattaché au département de la Haute-Loire. Le Gévaudan, c'est de la moyenne montagne aux reliefs arrondis, des prairies, des landes couvertes de blocs de granit, des genêts,...

Le GR 65 monte, doucement, à travers champs, vers Le Pinet. À la sortie du hameau, nous nous engageons sur un large chemin qui pénètre dans une forêt de résineux. Ces bois ont jadis abrité la Bête du Gévaudan.

Tout commença en juin 1764 avec l'attaque d'une femme du village de Langogne, dans le Gévaudan, qui gardait son troupeau de bœufs. On pensa d'abord à une attaque de malfaiteurs, mais lorsque plusieurs morts similaires suivirent peu de temps après, il semblait plus probable qu'une bête féroce s'attaquait sans vergogne aux humains.

Les récits, relativement concordants, faisaient état d'un animal de la taille d'un âne ou d'un veau avec un poil rougeâtre et surtout doté d'une agilité impressionnante. Le roi Louis XV décida alors d'envoyer son lieutenant des chasses royales, Antoine de Bauterne. Cette fois, on fut rassuré : la Bête allait périr puisque tel était l'ordre de Sa Majesté. En septembre 1765, il tua de deux balles un grand méchant loup.

On ne déplora plus de morts jusqu'au début de l'an 1766, date à laquelle la Bête décida de reprendre du service. Les cadavres se comptaient par dizaine et la région supplia qu'on lui vienne en aide. Mais les demandes des habitants restèrent sans réponse, car de Bauterne avait tué la Bête ; le problème était donc réglé.

En juin 1767, un certain Jean Chastel, homme très estimé, robuste et pieux, se retrouva face à la Bête. Il épaula son arme, visa et tira ; elle s'affaissa. Les chiens qui l'accompagnaient se ruèrent sur la créature et achevèrent de la tuer. Chastel chargea la Bête sur son cheval et l'amena à Versailles.

Malheureusement, les chaleurs qui sévissaient au mois d'août n'avaient pas franchement aidé à la conservation de la dépouille et sa présentation à la Cour ne fut pas prise au sérieux. On enterra la Bête et Chastel fut pris pour un charlatan qu'on renvoya à ses prairies du Gévaudan. Sa région fut moins ingrate que Versailles et il fut élevé au rang de héros national, car on entendit plus jamais parler de la Bête du Gévaudan.

Nous poursuivons notre itinéraire vers La Clauze, sur un beau chemin blanc circulant entre des prairies. Si nous croisons plusieurs groupes de randonneurs, nous dépassons aussi quelques vaches... le chemin de Compostelle est ouvert à tous !

GR 65 entre Saugues et La Clauze GR 65 entre Saugues et La Clauze

Vers 11 h, nous arrivons à La Clauze (1 095 m d'altitude). La tour, de plan octogonal, bâtie sur un bloc de granit, est un miracle d'ingéniosité des bâtisseurs du Moyen Âge. C'est un vestige des fortifications d'un château construit au XIIe siècle. Trois tours rondes assuraient la jonction à chaque angle, le quatrième étant occupé par le donjon, résidence seigneuriale organisée sur trois étages et accessible uniquement par un pont-levis.

Le site joua un rôle durant la guerre de Cent Ans et les guerres de Religion, mais dès le XVIe siècle, le développement de l'artillerie rendit la forteresse inefficace. Le site se dégrada peu à peu ; certaines pierres du château furent réutilisées pour la construction des maisons et des fermes du village.

Tour de La Clauze

Ayant déjà parcouru 8 km, nous décidons d'effectuer une petite pause. Comme il n'y a aucun banc pour s'asseoir, nous nous installons sur un muret. Paul s'installe à côté d'une dame, mais lorsque celle-ci allume une cigarette, il veut changer de place et lui fait savoir. La dame vexée qu'on ne la laisse pas fumer tranquillement s'en va, en râlant, vers un groupe assis un peu plus loin.

Après ce petit « incident », nous reprenons notre randonnée. Nous quittons La Clauze en passant à côté de la maison d'Assemblée, bâtisse modeste, reconnaissable à sa cloche, qui abritait la « béate » du village. Cette religieuse instruisait les enfants, soignait les malades et organisait les veillées.

Comme le berger, la béate était nourrie par les habitants du village. Aujourd'hui, ces maisons sont, dans le meilleur des cas, transformées en salles de réunion ou en gîte ruraux. À côté, on peut voir le ferradou en pierre, récemment restauré.

La Clauze, maison de la Béate

Jusqu'à Le Falzet (environ deux kilomètres), la Via Podiensis suit une départementale. Nous avançons entre les pâtures avec, de temps en temps, au loin de petits hameaux isolés. Le GR 65 emprunte ensuite un chemin de terre battue qui monte, puis redescend, toujours en pleine campagne, vers Le Villeret d'Apchier.

Le village, tout en granit de la Margeride, est connu pour l'originalité des bas-reliefs que ses constructeurs ont sculptés sur les façades : lions, crocodiles, oiseaux, etc.

Le Villeret d'Apchier

Le Villeret d'Apchier est aussi connu pour être le village natal du jeune Portefaix. En janvier 1765, alors qu'il gardait les troupeaux avec ses amis, la Bête du Gévaudan surgit et tenta d'emporter sa jeune sœur. Portefaix saisit son bâton, muni d'une lance, et, avec ses compagnons, s'attaqua à la Bête qui fut obligée de battre en retraite. Cet acte héroïque lui valut d'être honoré par Louis XV.

Profitant du banc, installé sur la terrasse d'un gîte, nous déballons notre pique-nique. Le ciel, très nuageux, se fait menaçant ; nous préférons ne pas trop prolonger la pause. Nous descendons sur un chemin empierré, à travers champs, jusqu'à la rivière La Virlange que nous franchissons.

GR 65 entre Le Villeret d'Apchier et le domaine du Sauvage, La Virlange

Le tracé blanc et rouge continue par un large chemin de terre jusqu'à la ferme de Contaldès. Nous grimpons en pente légère, parallèlement à la Virlange et à la D587, sous des lignes hautes tension. Autour de nous fleurissent des genêts très odorants, des pensées sauvages, mais aussi une plante aux belles fleurs blanches : la stellaire holostée, qui serait réputée pour traiter les problèmes gastro-intestinaux.

GR 65 entre Le Villeret d'Apchier et le Sauvage, Pensée sauvage GR 65 entre Le Villeret d'Apchier et le Sauvage, Stellaire holostée

Nous atteignons Chazeaux, où l'on découvre un lavoir, un four à pain, un ferradou,... tout ce qui fait le charme de ces villages du Gévaudan. Comme hier, nous sommes attirés par une enseigne proposant d'effectuer une halte pour déguster un morceau de tarte. Paul goutera la tarte à la rhubarbe et moi celle à la pêche... un délice avant d'affronter la montée qui mène au Domaine du Sauvage.

GR 65 entre Le Villeret d'Apchier et le Sauvage, Chazeaux

Nous reprenons le parcours sur le goudron, mais rapidement, un petit chemin caillouteux se profile à l'horizon. Le circuit entre dans la forêt ; un portillon de bois permet de franchir une barrière servant à contenir le bétail.

GR 65 : portillon vers le Domaine du Sauvage

Le GR 65 continue son ascension, jusqu'à atteindre 1 320 mètres d'altitude, en zigzaguant entre les résineux, les hêtres et les genêts. À la sortie du bois, nous passons une seconde barrière et entrons dans les pâtures du Domaine du Sauvage.

Poteau GR 65 près du Domaine du Sauvage Domaine du Sauvage Domaine du Sauvage

Le Sauvage, du latin « silvaticum », désigne un lieu forestier. En 1216, le Domaine du Sauvage (750 ha de forêts et de prairies entre 1 200 et 1 400 mètres d'altitude) est donné à l'Hôtel-Dieu du Puy-en-Velay par l'évêque de Mende. Le site est utilisé pour la transhumance des moutons ainsi que pour l'élevage des bovins nécessaires au fonctionnement de l'Hôtel-Dieu.

Les Templiers tenaient alors un « hospitalet » à l'emplacement de la fontaine Saint-Roch (où nous finirons cette étape). Au Moyen Âge, le terme hôpital ou hospitalet désignait plus un lieu d'assistance aux pèlerins et aux pauvres qu'un lieu de soins. Après la disparition de l'Ordre des Templiers en 1314, le domaine et l'hospitalet sont confiés aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (un ordre similaire à celui des Templiers).

Aujourd'hui, l'hospitalet n'existe plus ; les bâtiments actuels datent du XVIe siècle. Depuis 1976, le Domaine appartient au département de la Haute-Loire. Le site est un arrêt incontournable pour de nombreux pèlerins qui font étape ici ; il est vrai que le prochain village se situe à 14 km ! Grâce au Chemin de Saint-Jacques, près de 9 000 nuitées par an (sur 9 à 10 mois) sont comptabilisées ici.

Domaine du Sauvage

Plan du parcours