GR 65 : Saint-Chély d'Aubrac → Espalion (26 km) - juin 2014
Il est presque 9 h quand nous quittons Saint-Chély d’Aubrac et, par la même occasion, le plateau de l'Aubrac où nous avons pris plaisir à cheminer ces deux derniers jours. Avant de débuter l’étape, nous nous attardons encore un peu dans le village. Par la rue du Tralfour, nous rejoignons l’église.
À l’emplacement actuel de la place du Souvenir, se trouvait le four communal ; d’où le nom en occitan de la rue : Tras del Four - celle qui longeait le four. Dans la première moitié du XXe siècle, cette rue était l’une des rues commerçantes, celle qui comportait le plus grand nombre de magasins.
Sur la façade de l’immeuble où se situait l’épicerie, on peut lire une inscription gravée dans la pierre en 1629 : « Fais ce que tu voudras avoir fait quand tu mourras ». À méditer...
Vue de l’extérieur, si ce n’est son clocher, l’église passe quasiment inaperçue. Mais lorsque l’on en franchit le porche, la surprise est grande de constater les vastes proportions de la nef, les remarquables doubles tribunes, la diversité et la richesse du décor. En 1385, l’ancienne église (citée dès 1082) fut incendiée par les routiers qui pillaient le village (guerre de Cent Ans).
Elle a été reconstruite, au début du XVe siècle, sous l’impulsion du Dom d’Aubrac. Le clocher comporte la trace de la tour de guet (meurtrières) sur laquelle il a été édifié. Le mobilier est assez exceptionnel pour un édifice aussi discret. Le maître-autel du XVIIIe siècle a été remanié vers 1860 par le peintre Castanié ; les niches latérales sont ornées de statues dorées de Saint-Roch et de Saint-Éloi (patron de la paroisse).
Une rue pentue nous mène vers le vieux pont, dit « Pont des Pèlerins ». Ce pont à deux arches, datant du Moyen Âge, qui enjambe la Boralde, a été classé bien culturel par l’Unesco. Long de 15 mètres, il comporte un plan incliné d'environ 8 %. Les parapets dégagent un tablier de 3,60 m dont la calade, en galets, a été refaite en remplacement du revêtement en bitume afin de redonner son aspect primitif au pont.
Cette étape est annoncée comme une longue descente vers la vallée du Lot, nous constaterons en fin de journée que ce n'est pas vraiment le cas. Après avoir traversé la Boralde sur le vieux pont, le GR 65 grimpe en lacets sur le chemin qui passe au-dessus du cimetière.
Les boraldes désignent un ensemble de petits affluents en rive droite du Lot qui descendent du plateau de l'Aubrac par son versant sud-ouest ; ce sont des rivières assez courtes (10 à 30 km) qui coulent parallèlement les unes aux autres. La plupart d'entre elles dévalent une pente d'environ 1 000 mètres entre leur source et leur confluent avec le Lot.
Le tracé blanc et rouge monte tantôt sur la route (D19), tantôt sur de petits chemins caillouteux, jusqu’au hameau de Recours. Après ce dernier, nous traversons une hêtraie et découvrons un panneau invitant les marcheurs à un peu plus de propreté ! Nous arrivons aux Cambrassats à 915 m d’altitude, soit 100 mètres plus haut que Saint-Chély d’Aubrac.
Nous empruntons une route, à plat ou en très légère descente, sur un kilomètre avant de prendre un chemin de terre en direction du hameau de Lestrade. Sur ce tronçon, entre les prairies, nous jouissons d’un beau panorama et découvrons une large variété de fleurs sauvages.
Dans l’ancien four de ce hameau, on trouve une buvette, aménagée et gérée par les habitants. Pour un euro, que l’on glisse dans une boîte, on peut consommer une boisson chaude ou froide, manger quelques biscuits, et même se procurer un bâton !
À Lestrade, nous sommes encore à 820 mètres d’altitude et 5 km plus loin, nous ne serons plus qu'à 440 mètres. Le chemin descend sans discontinuer vers la vallée du Lot, à travers une forêt avec de temps à autre de petites clairières. Une succession de virages nous mène jusqu’au Cancels, un petit ruisseau tumultueux et sauvage, que nous traversons sur un vieux pont.
Le GR 65 rejoint la D557 au niveau d’une aire de pique-nique et suit cette route pendant 500 mètres. Nous franchissons une nouvelle fois la Boralde, qui était parallèle à notre itinéraire depuis Saint-Chély d’Aubrac.
Nous quittons la départementale pour un sentier qui grimpe vers le hameau de La Rozière (80 mètres plus haut). Avant d’enfin descendre vers la vallée du Lot, le Chemin de Compostelle joue encore un peu les montagnes russes sur d’étroits sentiers. À 13 h 15, après avoir déjà parcouru 16 km, nous entrons dans Saint-Côme d’Olt.
L'église dénommée Saint-Pierre de la Bouysse est le monument le plus ancien du village. Construite au XIe siècle, elle était placée près du vieil hospice voué à Saint-Côme et à Saint-Damien ; du nom des deux frères jumeaux, infirmiers, médecins et martyrs de la fin du IIIe siècle.
Cet établissement, qui accueillait les pèlerins fourbus et blessés après la traversée de l'Aubrac, a donné son nom au village. Église paroissiale depuis ses débuts, elle conserva ce titre jusqu'au XVIIIe siècle, malgré l'existence de la nouvelle église au centre du village. En 1756, elle accueille la Confrérie des Pénitents Blancs si bien que sa dénomination actuelle la désigne comme « La chapelle des Pénitents ».
L'édifice de 22 m de long sur 5,40 m de large est recouvert par une charpente en bois en forme de carène renversée, assez répandue dans le village et dans la région. Avec ses modillons pittoresques servant de base à la toiture, son campanile et les larges ébrasements de ses baies éclairant l'intérieur, ce monument présente toutes les caractéristiques de l'architecture romane.
Son pavement est principalement constitué de dalles funéraires historiées recouvrant les sépultures de nombreux curés, maîtres artisans ou membres de familles bourgeoises de la paroisse. La chapelle abrite une exposition permanente sur les clochers tors et sur la médecine au Moyen Âge.
Le plan primitif du village obéissait aux contraintes qui lui étaient imposées par le rempart circulaire à l’intérieur duquel il était clos et protégé. Quand, vers le milieu du XVIIe siècle, cette enceinte fut affranchie de sa fonction défensive, d’importants fragments furent conservés.
Aménagées et restaurées, ces antiques murailles sont devenues les façades de maisons individuelles, échappant à la banalité d’une certaine urbanisation. Deux des anciennes portes subsistent encore, mais elles ont évidemment perdu la fonction de défense et de clôture pour lesquelles elles avaient été conçues.
La Porte Neuve, jouxtant la Maison du Greffe, donne sur l'une des plus vieilles rues du village. La Maison du Greffe, avec sa tour, est une très belle bâtisse complètement rénovée. La cour de justice s’y réunissait à date fixe avant la Révolution, sous l’autorité du seigneur qui désignait le juge et son lieutenant. Le seigneur ayant droit de haute et basse justice, ce tribunal pouvait prononcer des peines de mort. De nos jours, cette maison sert de gîte aux pèlerins.
Datant du XIIe siècle, le château des Sires de Calmont est flanqué de deux tours primitivement reliées par une courtine. Outre les remarquables vestiges de mâchicoulis, les tours présentent d'imposantes archères à étriers. Ces tours, construites vers 1366, avaient un double étage de défense. La façade arrière est percée d'une poterne (aujourd'hui bouchée) au premier étage.
La façade avant, de type Renaissance, a malheureusement été défigurée au cours du XIXe siècle, pour permettre la transformation du château en pensionnat religieux. En 1970, les derniers propriétaires du bâtiment, la famille de Curières de Castelnau, ont cédé le bâtiment à la commune, afin d'y installer la mairie.
L’église n’est séparée du château que par une belle place plantée d’arbres. Commencée en 1522, sa construction s’acheva dix ans plus tard. L’édifice, de style gothique flamboyant tardif, est remarquable par son clocher, décrit comme flammé. Dans les temps troublés, ce dernier, culminant à 45 mètres au-dessus du parvis, servait de tour de guet ; un service de garde y siégeait jour et nuit.
Les portes Renaissance, classées monuments historiques, sont chacune ornées de 15 médaillons sculptés (comprenant des têtes de personnages, des animaux fantastiques, des voilages, ainsi que les armes de la maison d’Estaing) et de 365 clous en fer forgé.
La « Maison Pons de Caylus », érigée sur la Porte de la Barrieyre, est surmontée d’une tour qui, originellement servait de poste de guet et de pigeonnier. Vers la fin du XVIIe siècle, quand cette maison fut vendue à la famille Pons de Caylus, la tour fut découronnée, car elle ne pouvait être plus haute que le château. Devant cette porte, à l’extérieur, on débouche sur la place de la Barrieyre appelée, pendant la Révolution, place du Triomphe du Peuple.
Nous quittons le village par la rue du Terral où il reste de nombreuses traces d’anciennes échoppes. Les 17 kilomètres de Saint-Côme d'Olt à Estaing sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial au titre de bien culturel par l’Unesco ; ce chemin est un des jalons exemplaires de ce que pouvait être, autrefois, l'itinéraire suivi par des pèlerins. Après avoir franchi le pont sur le Lot, nous suivons une route qui longe la rivière sur 1,3 km.
Le GR 65 se dirige vers le Puech de Vermus et sa statue de la Vierge. Nous aurions pu rester sur la route et gagner plus d’une heure sur le trajet ; nous le regretterons, même si le panorama depuis le Puech de Vermus est grandiose ! Nous allons, sur un kilomètre, passer de 364 à 511 mètres d’altitude.
Cette ascension s’effectue sur un sentier au milieu des hêtres, chênes et châtaigniers. En cours de montée, une clairière nous permet d’avoir une superbe vue sur Saint-Côme d’Olt, mais la côte n’est pas encore terminée, car il nous faut à présent grimper un escalier.
Nous atteignons la crête où nous empruntons une petite route descendant vers quelques fermes. Ensuite, nous montons puis descendons au bas d’une ancienne carrière. Après celle-ci, nous grimpons sèchement vers ce Puech de Vermus. Nous sommes d’autant plus épuisés qu’il fait près de 30° !
Depuis ce cône volcanique, la vue est très belle sur Saint-Côme d’Olt d’un côté et sur Espalion de l’autre. La statue de la Vierge, érigée en 1865, est due au sculpteur Louis Castanié, mais une question se posait : devait-elle tourner son regard vers Espalion ou vers Saint-Côme d’Olt ? La question fut résolue en lui faisant fixer les paysages de l’Aubrac... entre les deux communes.
Après une longue pause boisson, nous descendons par un sentier étroit et fort pentu, à travers bois, jusqu’à une ferme. Nous passons à côté de l’église de Perse (visitée le lendemain) avant de rejoindre les rives du Lot que nous suivons pendant 1,5 km. Nous traversons la ville d’Espalion sans prendre le temps de la découvrir, car nous n’aspirons qu’à une chose : enfin finir cette longue et éprouvante étape.
Vers 16 h, nous pénétrons dans l’enceinte du village de vacances où nous logeons. La nuit ne sera malheureusement pas réparatrice, car jusqu’aux petites heures, un groupe fera la fête sans se soucier du dérangement occasionné auprès des autres résidents.