GR 65 : Lascabanes → Lauzerte (23 km) - juin 2017
Après une bonne nuit de repos et un petit déjeuner en libre-service, nous démarrons cette étape vers 7 h 15. Le soleil est déjà bien présent ce matin ; il ne nous quittera pas de toute la journée, faisant grimper la température, en milieu d’après-midi, jusqu’à 38° !
Nous quittons Lascabanes par un large chemin de terre, en montée. À partir du lieu-dit « Sabatier », c’est sur un sentier caillouteux, dans un bois de chênes, que nous poursuivons l’ascension (de 190 à 265 mètres d’altitude).
À la sortie de la forêt, nous débouchons sur une petite route que nous suivons, entre bois et campagne, pendant 800 mètres. Le GR 65 atteint la chapelle Saint-Jean le Froid bâtie, en 1884, par le maire de Lascabanes. Un registre disposé dans la chapelle atteste du passage important de pèlerins de toutes nationalités et de tous horizons.
À quelques mètres de la chapelle, en contrebas de la route, se trouve une fontaine, dite miraculeuse. Chaque année, pendant la semaine suivant la Saint-Jean, lorsque le soleil levant éclaire le fond de la cavité naturelle, les gens venaient boire l'eau de la source.
Une légende disait qu'à minuit, l'eau de la fontaine coulait à flots, même en cas de sécheresse. Ses eaux étaient réputées soigner les affections des yeux et les rhumatismes.
Nous prenons à présent la direction de Montcuq en empruntant de beaux chemins blancs au milieu des prés et des champs de céréales. Sur ce vaste plateau agricole, à l’exception des randonneurs que l’on devine dans le lointain, il n’y a aucune présence humaine.
La blancheur de la terre, nous donne parfois l’impression de marcher sur du sable... Seule exception à ce bel itinéraire de 7 km, un tronçon d’1,3 km sur la D4.
Vers 9 h 20, nous arrivons à l’entrée de Montcuq. Si le tracé blanc et rouge reste en périphérie du bourg, nous décidons de prendre quelques minutes pour le visiter. Le nom de cette ville prête évidemment à sourire et Daniel Prévost, en 1976, ne s'en était pas privé dans son sketch pour l'émission « Le Petit Rapporteur », usant et abusant de jeux de mots.
Le nom de Montcuq (il est important de prononcer toutes les lettres) viendrait du latin « mons » (mont) accolé à un autre mot d'origine pré-indo-européenne, « tuc » ou « cuc », désignant un sommet. C'était, depuis le XIIe siècle, le chef-lieu d’une puissante châtellenie dépendant des comtes de Toulouse.
La cité leur demeura fidèle durant la croisade contre les Albigeois. En 1212, soumise par Simon de Montfort lors de cette croisade, la ville est condamnée par Blanche de Castille (régente du royaume de France) à démolir ses fortifications ; seule la tour-donjon a subsisté.
Solidement ancrée sur son socle rocheux, cette tour (fin XIIe - début XIIIe siècle), domine du haut de ses 24 mètres la vallée de la Petite Barguelonne et le bourg castral. De plan rectangulaire de 12 m sur 8,50 m de côté, elle possédait cinq niveaux, dont deux voûtés.
L’ensemble, complété d’un niveau de mâchicoulis au XIVe siècle, est desservi par une tourelle où grimpe un escalier à vis. Des cheminées ainsi que des latrines montrent qu’elle ne fut pas seulement un élément défensif, mais un lieu résidentiel ; c’est ici que la justice était rendue.
Construite à la fin du XIIIe siècle et remaniée au XVIIIe siècle à la suite d’un incendie en 1562, puis en 1881, l’église Saint-Hilaire forme un vaisseau de pierre à nef unique et chevet polygonal. Les vitraux, conçus à la fin du XIXe siècle, retracent dans des gammes colorées très vives la vie du Christ et celle de saint Hilaire.
La nef à voûte d’arêtes et son portail sud ont été reconstruits au XVIIIe siècle, puis complétés à l’ouest par un clocher-porche de style néo-roman dont l’élévation, de plan carré puis octogonal, domine la cité et les alentours.
Prise et reprise par les Anglais (1348, 1355), Montcuq sort ruinée de la guerre de Cent Ans. Débute alors, dès la seconde moitié du XVe siècle, une vague de reconstruction, d’où les grandes demeures en pierre et les imposantes maisons à pans de bois (ou colombages) caractéristiques d’une période qui connut une embellie économique.
Nous quittons Montcuq en empruntant, sur 200 mètres, la D28. Le tracé blanc et rouge se dirige vers un sentier caillouteux qui monte (de 176 à 257 mètres d’altitude) au milieu d’un bosquet. Peu après le chemin d’accès menant au château de Charry (que nous ne verrons pas), nous suivons de petits chemins serpentant à travers bois jusqu’au hameau de Rouillac.
Là, nous effectuons une petite pause devant l’église Saint-Pierre et profitons du point d’eau pour remplir nos gourdes. Nous aurions aimé prolonger davantage notre arrêt, mais à cause d’un groupe, avec des fumeurs, nous poursuivons notre périple.
Sur les murs de l’abside de l’église, on peut admirer des peintures du XIIe siècle : crucifixion, cène, Adam et Eve, entrée à Jérusalem.
À la sortie de Rouillac, nous progressons dans la plaine, entre champs et prés, jusqu’au ruisseau du Tartuguié. Par des chemins herbeux, nous grimpons vers Bonal. Au-delà de ce hameau, le GR 65 descend sur le goudron et continue sur celui-ci pendant deux kilomètres.
Lorsque nous abandonnons enfin l’asphalte, c’est pour prendre un chemin de terre montant en bordure d’un champ. Peu après, nous pénétrons dans un sous-bois où nous suivons un étroit sentier qui grimpe fortement (de 177 à 241 m d’altitude en 300 mètres) ; il y a même une corde pour aider ceux qui en ont besoin.
Au sommet de cette côte, nous quittons le département du Lot, où nous étions depuis l’étape entre Livinhac-le-Haut et Figeac, pour entrer dans celui du Tarn-et-Garonne. Nous cherchons un coin ombragé pour effectuer la pause de midi et, tout comme hier, nous sommes contraints de nous asseoir à même le sol.
Nous progressons sur un chemin de terre évoluant durant 1,5 km, sur la crête, au milieu des bosquets de chênes. De temps en temps, nous découvrons des vergers si caractéristiques du Tarn-et-Garonne. Tandis que nous passons au bord de l’un de ces vergers, nous entendons soudain comme un coup de fusil ; est-ce pour faire fuir les oiseaux ou pour éviter que les pèlerins ne mangent toutes les cerises ?
À la suite de ce beau tronçon, nous empruntons un sentier caillouteux redescend vers la plaine ; un escalier a été aménagé afin de faciliter la périlleuse descente. Une succession de chemins herbeux, entre les terres cultivées, nous mène progressivement vers Lauzerte que nous apercevons déjà sur sa colline.
Nous rejoignons la D54 que nous suivons jusqu’à un rond-point puis, pendant 400 mètres, nous marchons sur la D2. Le GR 65 tourne alors à droite et grimpe, via un petit chemin de terre, vers la cité. Nous ne monterons pas, actuellement, jusqu’à Lauzerte, car notre gîte « Les Figuiers » se situe au milieu de cette côte.
Nous sommes accueillis par le responsable qui nous propose un verre d’eau avec du sirop à la violette. Comme il est agréable de pouvoir s’asseoir au frais et de siroter une boisson bien fraiche ! Nous dormirons cette nuit dans un dortoir de sept personnes, où nous ne serons que quatre. Après la douche et avant le repas du soir, nous nous rendons dans le centre du village...
Le nom actuel de Lauzerte date des environs de l'an Mil. Tiré du latin « lucerna » (lampe), il désigne une position idéale, visible de loin comme une lumière. À la fin du XIIe siècle, le comte de Toulouse reçut la colline en don afin d'y bâtir un castelnau, une cité protégée par un château.
La fondation, d'un intérêt stratégique et économique, connut un succès immédiat. La ville haute, exemplaire de l'architecture médiévale, organise ses maisons autour de l'église Saint-Barthélemy et de la place des Cornières. Les remparts évoquent le rôle joué par Lauzerte, tiraillé entre les Anglais et les Français lors de la guerre de Cent Ans.
Les anciennes demeures, de style gothique ou d'époque Renaissance, rappellent que la cité fut aussi un paradis pour riches magistrats et marchands prospères.
De dimensions modestes (35 x 30 mètres), la place des Cornières s’étend là où le sommet de la butte, en s’élargissant, offre les plus grandes possibilités d’aménagement. Bordée d’arcades, en plein cintre ou en anse de panier, sur trois de ses côtés et de maisons s’échelonnant du XVe au XVIIIe siècle, la place possède une maison d’angle qui lui confère le nom de cornière.
Le coin relevé de la place est une création artistique réalisée, fin 1988, par le céramiste Jacques Buchholtz. Il s’agit d’une structure en béton armé de quatre tonnes en porte-à-faux.
L’église Saint-Barthélemy a été édifiée au XIIIe siècle, pour répondre aux besoins religieux de la ville haute alors en plein développement, mais ne devint paroissiale qu’au début du XVIIe siècle. Gravement endommagée lors des incursions protestantes, l’église fut rebâtie et agrandie en 1591, prenant alors un axe perpendiculaire à celui d’origine. De nombreuses marques de reprise traduisent les multiples campagnes de travaux dont l’édifice fut l’objet.
Lauzerte est loin d’être fidèle au tracé en damier type d’une bastide. La configuration du site explique cette adaptation : deux rues longilignes épousent les contours du relief et sont entrecoupées de petites rues transversales. Ces rues sont bordées de maisons de marchands, en pierre de taille blanche, datant des XIIIe et XIVe siècles qui témoignent d’une période faste de construction civile dans la bastide.
L’unité de leurs façades est toujours lisible sous les transformations : au rez-de-chaussée, deux ouvertures en ogive (la grande réservée à la boutique et la petite servant d’accès du logis), un entresol éclairé de fenestrous pour entreposer les marchandises, un 1er étage dévolu à l’habitation, partie la plus noble de la maison qui s’ouvre sur deux fenêtres géminées avec chapiteaux sculptés et les combles avec un oculus.
Dans Lauzerte, on peut voir une quinzaine d’enseignes en fer forgé : enseignes de bistrots, le coq et le chat (vétérinaire), enseigne représentant un homme et un compas (géomètre), enseigne représentant un scribe (notaire),…
Rue de la barbacane, une enseigne est dénommée « les 3 capucins » même si nous ne voyons qu’un moine assis, il y a pourtant deux autres capucins. Ce terme étant aussi le nom donné à la cuillère, dans la main du moine, qui servait à recueillir le jus pour arroser la viande ; ainsi que le nom donné au lièvre par les chasseurs (lièvre représenté sous la chaise).
À 19 h, nous nous rendons dans la salle à manger du gîte où un copieux repas nous attend : apéritif régional, gaspacho de poivrons et tomates, salade, saucisse et ratatouille, plateau de fromages, fraises avec une crème aux spéculoos.
C’est en compagnie du couple franco-anglais (Marie-Madeleine et Michael), du couple de la région parisienne (Marie et Étienne), d’un couple de l’Ile de la Réunion (Caroline et Jean-François) et d’un groupe de randonneurs du Var que nous passons la soirée.