GR 65 : Moissac → Auvillar (22 km) - juin 2017
Il est 8 h 20 lorsque nous débutons cette étape sous un ciel nuageux, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Depuis l’hôtel, en suivant la D813, nous retrouvons le GR 65 à hauteur du pont Napoléon. C’est à Napoléon Ier que Moissac doit, en décembre 1808, la construction d'un nouveau pont.
Le chantier s’arrête cependant, en 1814, suite à la chute du Premier Empire. Il faut attendre le retour de la monarchie, avec le roi Louis XVIII, pour voir la relance du chantier, en 1820. Le pont, construit en maçonnerie de brique et pierre de taille, est composé de neuf arches en plein cintre de 20,75 mètres d'ouverture chacune.
La clef de voûte est posée solennellement le 19 décembre 1824, anniversaire de la naissance de Mme La Dauphine (Marie-Thérèse, la dernière fille survivante de Louis XVI et de Marie-Antoinette) qui autorisa que cet ouvrage porte son nom. C'est ainsi qu'à sa première mise au service du public, ce pont s'appelait « pont Marie-Thérèse ».
En octobre 1852, le pont est inauguré par Napoléon III ; celui-ci le rebaptise « pont Napoléon » soit en l’honneur de son oncle Napoléon Ier, soit en son propre honneur.
Nous suivons brièvement le Tarn et, après avoir contourné une école, nous rejoignons le canal latéral à la Garonne ou canal de Garonne. Avec le canal du Midi, Pierre-Paul Riquet avait voulu tracer un trait d’union entre la Méditerranée et l'Atlantique. L’année 1681 voit l’inauguration de la première partie du canal qui va alors de Sète à Toulouse.
Il reste du chemin à parcourir pour rejoindre l’océan, mais les caisses du royaume de France sont vides et le projet tombe à l’eau. Pendant près de deux siècles, afin d’acheminer les marchandises de Toulouse à Bordeaux, on sera obligé d’emprunter la Garonne. En cas de crues ou de sècheresse, ce fleuve est impraticable.
Au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, on décide de relancer la construction du canal. Il faudra environ 20 ans pour aménager le canal latéral à la Garonne. Les travaux commencent simultanément en plusieurs points et des milliers d'ouvriers vont construire les 193 km de voie fluviale.
Le canal de Garonne qui court le long du fleuve (d’où son nom) est ponctué de 53 écluses et de plusieurs ponts-canaux. Conçu pour la navigation marchande à laquelle il est bien adapté grâce à son tracé rectiligne, le canal a pourtant rapidement subi la concurrence de la ligne de chemin de fer Bordeaux - Toulouse qui fut, tout comme le canal, inaugurée en 1856.
Durant 2,5 km, nous progressons sur ce chemin rectiligne asphalté ; idéal pour les nombreux cyclistes, un peu moins pour les piétons. Même si le Tarn coule, parallèlement au canal, à quelques mètres de nous sur la gauche, nous ne verrons jamais le fleuve. Au niveau de l’écluse de l’Espagnette, nous avons le choix de l’itinéraire.
Soit nous poursuivons, à plat, sur le chemin de halage et retrouvons le GR au pont de Malause ; soit nous quittons ici le canal et suivons le parcours officiel du GR, plus long de 2 km et fortement vallonné. C’est, comme la plupart des autres pèlerins, cette seconde option que nous choisissons.
Nous franchissons le canal et la ligne de chemin de fer afin de rejoindre la N113. Nous suivons cette dernière, sur 200 mètres, jusqu’à une aire de parking. Le tracé blanc et rouge emprunte la route de Larroquette et entame ainsi son ascension vers le village de Boudou.
Après 600 mètres, nous quittons cette route pour suivre un chemin de terre longeant une terre cultivée, puis des vignobles. Un peu plus loin, nous débouchons à nouveau sur la route de Larroquette que nous empruntons pendant 500 mètres.
Nous sommes ici à 167 mètres d’altitude, soit 100 mètres plus haut que le canal. Sur la gauche, nous découvrons le plan d’eau de Saint-Nicolas de la Grave, confluent du Tarn et de la Garonne. C’est en effet juste en dessous de nous que le Tarn termine son périple de 380 km débuté au Mont Lozère, à 1 699 mètres d’altitude. Avant d’arriver ici, ce cours d'eau a traversé les gorges du Tarn puis les villes de Millau, Albi, Montauban et Moissac.
Nous suivons une petite route jusqu’à une ferme où nous abandonnons le goudron pour un chemin herbeux. Celui-ci descend entre les prairies, puis au milieu des bois vers le fond du vallon. En face, nous apercevons déjà la côte que nous devrons grimper tout à l’heure.
Cette côte ne mesure que 530 mètres, mais elle nous fait passer de 104 à 162 mètres d’altitude, soit une pente de 11 % ! La montée de ce chemin de terre est pénible d’autant plus qu’il fait déjà chaud. L’ascension se termine près du boulodrome de Boudou. « Bodor » : point haut au bord de l’eau, serait à l’origine du nom actuel « Boudou ».
Nous cheminons sur le goudron vers le centre du village, mais avant d’atteindre celui-ci, nous effectuons un petit détour pour admirer le point de vue. Une imposante table d’orientation présente les différents points d’intérêt à observer.
Ce belvédère surplombe la Garonne, située 100 mètres plus bas, et offre un panorama exceptionnel sur toute la vallée, les coteaux de Gascogne et jusqu’à la chaîne des Pyrénées quand le temps le permet (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui).
À la fin du XVIIe siècle, le curé entreprit d’importants travaux sur l’habitat du village et dans l’église : agrandissement de la nef avec un plafond à voûtes, ajout de deux chapelles au nord et au sud. Cette dernière est destinée au culte de Sainte-Catherine, patronne des bateliers ; d’anciennes peintures décorent encore son plafond et un exvoto du XVIIIe siècle y est exposé.
Depuis 1980, l'association de sauvegarde du patrimoine de Boudou a permis le renouvellement et l'entretien des peintures de cet édifice. C’est cette association qui assure l'ouverture de l'église tous les matins de mi-avril à fin octobre. Une bénévole nous propose une visite guidée de l’église et, si nous le souhaitons, un café et des biscuits.
De Boudou, un chemin de terre redescend, dans les vergers, jusqu’au fond du vallon où coule le ruisseau de Sérène. Nous traversons ce dernier et cheminons à plat, pendant 900 mètres, dans le sous-bois, jusqu’à la ferme de Pugnal. Après celle-ci, nous grimpons, durant près d’un kilomètre, un chemin de terre au milieu des bois.
Au sommet (183 mètres d’altitude), nous prenons, sur la gauche, une route qui descend en direction de Sainte-Rose dont la charmante petite église est perdue au milieu des champs. Le plan de cette église est peu régulier ; il comprend une abside à trois pans, relativement récente, prolongée par l'ancien chœur roman.
Ces deux parties, raccordées tant bien que mal, sont couvertes d'une voûte en berceau. Le fond de la nef est occupé par une tribune qui repose sur une double arcade appuyée sur un pilier central. Nous ne résistons pas et tirons sur la corde afin de faire sonner la cloche...
Après l’église de Sainte-Rose, nous descendons un chemin herbeux et atteignons, un peu avant midi, Malause. Nous traversons le village, puis la ligne de chemin de fer afin de retrouver le canal latéral à la Garonne. C’est juste avant de franchir ce dernier que nous trouvons un banc où nous installer pour la pause pique-nique.
Nous retrouvons ici la variante qui suivait, depuis l’écluse de l’Espagnette, le chemin de halage. Pendant trois kilomètres, nous cheminons le long du canal. Celui-ci forme, avec le canal du Midi, ce que l’on nomme aujourd’hui le canal des Deux Mers. Ce parcours, bien qu’un peu monotone, est cependant agréable, car il s’effectue à l’ombre des platanes.
Alors que ce n’était pas annoncé dans notre topo-guide, le GR 65 franchit le canal pour rejoindre, sur le goudron, Pommevic. Nous traversons le village où nous admirons les maisons de briques, la tour du château et le clocher de l’église Saint-Denis, faits du même matériau.
Nous quittons Pommevic par la D813 et traversons, une dernière fois, le canal latéral à la Garonne, puis le canal de Golfech (canal d’alimentation de la centrale nucléaire de Golfech). Les tours de cette centrale apparaissent à l’horizon. Jusqu’à Espalais, nous suivons à plat une petite route, en pleine campagne (et sans ombre !), sur trois kilomètres.
Le tracé blanc et rouge traverse le village, franchit la Garonne, grâce à un pont suspendu, et arrive au bas d’Auvillar. Des origines jusqu'au milieu du XIXe siècle, la Garonne a permis non seulement de multiplier les échanges de marchandises, mais aussi et surtout de favoriser le contact entre les hommes. L'origine du port d'Auvillar est sans doute un ancien péage qui existait déjà, à cet endroit, en 1204.
Les bateliers avaient dans chaque port, leur église ou chapelle particulière ; elles étaient presque toutes dédiées à Sainte-Catherine, patronne des gens de la rivière et des philosophes. La chapelle du port d'Auvillar date vraisemblablement de l'époque carolingienne. Il est encore possible de voir, au-dessus du porche, à l'extérieur, un monogramme du Christ, du IXe siècle.
Nous longeons la chapelle, puis nous abordons la dernière (et non des moindres) côte de la journée afin d’atteindre le centre d’Auvillar. Notre hébergement « Le Baladin » se situe tout près de la halle, le joyau de la cité. À l’origine, une halle rectangulaire, du XIIIe siècle, se dressait au milieu de la place ; elle a été remplacée par une halle circulaire en 1825.
Cette configuration est unique dans le grand sud-ouest, et même en France. La halle devait être beaucoup plus grande, avec une maison d'habitation au-dessus, et même une prison sous le grand escalier. Finalement, devant l'ampleur des coûts, c'est une halle plus « modeste » qui a été construite, avec son pigeonnier central.
Dans la partie centrale de l’édifice, on trouve deux types de mesures : des mesures à grains, taillées dans la pierre, qui proviennent de la halle primitive du Moyen Âge ; des mesures du XIXe siècle, en métal, utilisant le système métrique, contemporaines de la halle actuelle.
Nous prenons possession de notre grande chambre (pour deux) avec sanitaire et, après la douche et une petite sieste, nous partons découvrir l’église Saint-Pierre. Contemporaine des vicomtes d’Auvillar, la chapelle du XIIe siècle, au fond de l’édifice côté gauche, est la partie la plus ancienne de l’édifice. Elle fut agrandie au XIVe siècle avec l’implantation d’un prieuré bénédictin.
Les destructions dues à la guerre de Cent Ans et aux guerres de Religion nécessitèrent des travaux de restauration. Le clocher du XVIe siècle, détruit en grande partie pendant la Révolution, a été restauré au XIXe siècle, ainsi que la façade ouest.
À 19 h, nous nous dirigeons vers la salle à manger (située juste à côté de notre chambre) où nous découvrons une décoration... renversante. Une seule table de quatre est dressée, nous mangeons ce soir en compagnie de Marielle et Roger, un couple venant de la région de Montréal (au Canada). C’est dans une ambiance conviviale que nous dégustons le copieux repas servi par Caroline.