GR 65 : Lectoure → La Romieu (18 km) - juin 2017
Après une nuit relativement bonne, nous descendons prendre le petit déjeuner. S’il est fréquent, et tout à fait compréhensible, que le responsable du gîte ne soit pas présent le matin, celui-ci a, par contre, généralement préparé un minimum la table pour le repas : tasses, couverts, serviettes,...
Dans ce gîte, rien de tout cela n’est prévu... alors que nous sommes supposés être en demi-pension ! Quand enfin, après avoir fouillé un peu partout, nous nous mettons à table, c’est pour manger du vieux pain, non tranché, et des confitures insipides. Nous sommes vraiment heureux de quitter cet endroit.
Nous faisons quelques achats pour le repas de midi avant de démarrer l’étape. Nous quittons Lectoure en passant au milieu des vestiges de l’ancien château des comtes d'Armagnac. Ce dernier, un des mieux fortifiés en son temps, occupait l’éperon ouest à l'extrémité de la ville dont il était séparé par des ouvrages fortifiés, aujourd’hui disparus. Progressivement démantelé, sur son emplacement, au XVIIIe siècle, l’évêque Claude-François de Narbonne-Pelet fit construire un hôpital.
Au pied des remparts se trouvent les allées Montmorency, ainsi nommées selon une légende fermement établie. En 1632, Henri II de Montmorency, gouverneur du Languedoc, a comploté contre le pouvoir royal de Louis XIII afin de conquérir l'indépendance de sa province. Battu et fait prisonnier à la bataille de Castelnaudary, il fut emmené au château de Lectoure.
Selon la légende, les dames de Lectoure décidèrent de lui donner une occasion de s'évader. Elles firent passer au prisonnier un gâteau dans lequel était cachée une échelle de soie. Malheureusement, l'échelle était trop courte : le duc chuta et se blessa. Il fut repris et condamné à mort ; il a été décapité dans la cour du Capitole à Toulouse.
Nous longeons brièvement une ancienne ligne de chemin de fer (Auch - Agen) que nous traversons ensuite pour suivre, sur 300 mètres, la D7. Sur ce court tronçon, nous franchissons le Gers ; rivière qui a donné son nom au département. Le Gers prend sa source sur le plateau de Lannemezan (613 mètres d’altitude), dans les Hautes-Pyrénées, et se jette, après 175 km, dans la Garonne, un peu avant Agen (45 mètres d’altitude).
Le GR 65 tourne à droite pour emprunter un chemin de terre passant à travers bois. Nous traversons la D36 et montons, pendant un kilomètre, une petite route, passant au milieu des champs. Après le hameau de Hausset, nous progressons sur un chemin herbeux longeant un ruisseau.
Le tracé blanc et rouge retrouve, malheureusement, bien vite un chemin goudronné sur lequel il poursuit son ascension, à travers la campagne. 2,5 km plus loin, au niveau d’une aire de pique-nique, nous quittons cette route pour un chemin herbeux partant sur la droite.
Peu avant 10 h, nous arrivons à Marsolan où nous effectuons une pause. Au Moyen Âge, le village était un fief des vicomtes de Lomagne qui y possédaient un château ; cité dès 1082, il en reste quelques ruines. L’église Notre-Dame du Rosaire est un édifice du XVIe siècle, bâti sur les restes d’une construction plus ancienne.
L’abside présente un visage assez inhabituel puisqu’elle se trouve entièrement occupée par un buffet d’orgues. Cette disposition est récente, l’orgue lui-même étant une réalisation du curé de Marsolan effectuée, dans les années 1980, à partir d’éléments provenant de l’orgue de l’église de La Bruffière (Vendée).
Durant notre pause, nous voyons un taxi s’arrêter sur la place du village ; il vient chercher les deux jeunes Allemands (rencontrés lors de l’étape à Miradoux) qui terminent ici leur périple sur le Chemin. Un peu après, nous retrouvons nos quatre amis canadiens attablés à la terrasse d’un café. Vu la chaleur, nous préférons ne pas prolonger davantage notre arrêt, même s’il ne nous reste que dix kilomètres à parcourir.
À la sortie de Marsolan (165 mètres d’altitude), le GR 65 descend, sur une route, dans la vallée de l’Auchie. Nous traversons la D166 et la rivière (107 mètres d’altitude) avant de remonter, toujours sur l’asphalte. Heureusement, 200 mètres plus loin, c’est sur un chemin herbeux, entre les champs de céréales, que nous continuons l’ascension. Au sommet de la colline (185 mètres d’altitude), nous cheminons brièvement sur une petite route.
Nous poursuivons, en légère descente, sur un chemin de terre, passant entre les champs de tournesols. Si la Lomagne est « la terre du blé et du tournesol », grâce à l’excellente qualité de ses sols, elle a su diversifier ses productions. L’ail de Lomagne, le melon de Lectoure, mais aussi le pruneau d’Agen, sont les illustres ambassadeurs d’une riche activité maraichère et fruitière.
Après un kilomètre d’un parcours agréable, à hauteur d’une ferme, ressemblant à une décharge à ciel ouvert, nous progressons sur une petite route jusqu’à la chapelle d’Abrin. Celle-ci et certains des bâtiments attenants sont les ultimes vestiges d’une commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, fondée en 1195.
Les seuls éléments remarquables, sur le mur nord (le seul visible depuis la route), sont le portail en plein cintre, et un enfeu. L’édifice est désormais une habitation privée.
Ici, près de la chapelle d’Abrin, il est possible d’emprunter un raccourci, vers Condom, permettant d’éviter le passage par La Romieu et d’ainsi « gagner » environ 5 km. Cette variante est très mal signalée, peut-être afin de s’assurer que la majorité des pèlerins passent par La Romieu... il est vrai qu’il serait dommage d’éviter cette charmante petite cité.
Pendant 1,5 km, nous évoluons sur de larges chemins blancs au milieu des champs de céréales. Si ce tronçon est beau, nous n’en profitons cependant pas totalement, car il fait très chaud et les zones ombragées sont rares. Par chance, le tracé blanc et rouge se dirige vers une forêt qu’il atteint après une brève mais pénible ascension (10 % de moyenne).
Nous profitons pleinement de ce passage, rafraichissant, dans cette forêt de chênes. Bien dissimulé dans la végétation, nous découvrons un genre de mirador qui est, en fait, une palombière. Cette construction permet de voir arriver, au-dessus des arbres, la palombe (pigeon ramier) pour ensuite l’abattre à coups de fusil.
Nous sortons de la forêt et retrouvons les champs de céréales et de tournesols, mais aussi le goudron. Nous longeons une vaste propriété privée et trouvons, un peu plus loin, à défaut d’un banc, un muret où nous poser pour manger notre pique-nique.
Par des chemins blancs, nous descendons, à travers les vergers, vers La Romieu. Après être passés près des « Jardins de Coursiana », un arboretum de six hectares, nous arrivons, peu avant 13 h, à destination.
Nous nous rendons directement à notre hébergement qui sera, pour cette nuit, une chambre d’hôtes. Nous sommes bien accueillis par un vieux monsieur qui, en l’absence de son épouse (gérante des lieux), nous permet de déjà prendre possession de notre chambre. Si la décoration murale de la pièce est assez surprenante, pour ne pas dire dérangeante (des gravures représentant des scènes de tortures), nous sommes heureux de pouvoir nous reposer.
Dans l'après-midi, nous allons visiter la cité et plus précisément sa belle collégiale. Vers l’an mil, un pèlerin allemand, à son retour de Rome, établit en ce lieu son ermitage. Les paysans du voisinage, attirés par le saint homme, se groupèrent en cet endroit qui prit le nom de Larroumieu, « là où vit le pèlerin ».
La puissante abbaye Saint-Victor de Marseille y installa un prieuré et, en 1082, fonda la sauveté de Larroumieu. Une ceinture d’épaisses murailles défendait cette nouvelle ville. Trois portes y donnaient accès. Aujourd’hui, seule la porte nord, avec ses meurtrières et mâchicoulis, est encore visible.
En 1312, Arnaud d’Aux, natif du lieu et fait cardinal par son oncle, le pape Clément V, décida d’y fonder un ensemble monumental avec palais, église-nécropole et collège de quatorze chanoines pour prier pour son âme. Ainsi, jusqu’à la Révolution, la sauveté (église, habitations, échoppes) ainsi que l’îlot privatif, voulu par le cardinal et réservé aux chanoines, vont cohabiter.
Après la Révolution et la suppression des ordres religieux, il n’était plus nécessaire de conserver deux lieux de culte. La démolition de l’église Notre-Dame, au cœur du bourg, est ordonnée et achevée en 1804. La collégiale Saint-Pierre devint ainsi l’église paroissiale.
À la suite d’un petit film de présentation, nous pénétrons dans le cloître. Celui-ci, avec ses quatre galeries de 31 mètres de long, avait, avant 1569, deux étages ; c’est avec le passage de Montgomery, et des troupes protestantes lors des guerres de Religion, qu’un incendie ravagea les étages en bois.
On peut encore constater les dégâts causés sur les piliers largement érodés par la puissance du feu. Une première restauration de certains des piliers commença en 1933. Cependant, ils n’ont pas été réalisés avec le même calcaire et proposent des ornementations qui ne reposent sur aucune certitude de cohérence historique, esthétique et symbolique.
La porte sud du cloître mène à l’entrée de l’église collégiale. Celle-ci, construite entre 1312 et 1318, a le plan d’une grande chapelle. Elle ne possède pas d’accès direct à la rue, car jusqu’à la Révolution, elle était fermée au peuple. L’intérieur de l’édifice (36 mètres de long, 9 mètres de large) était richement décoré et entièrement peint.
En 1864, on décida d'un décapage général pour faire une décoration de pierres de taille. Nous découvrons les quatre enfeus, où reposent Arnaud d’Aux et ses neveux, ainsi que plusieurs vitraux dont un représentant l’arbre de Jesse.
À gauche du chœur, on pénètre dans la tour octogonale composée de trois belles salles superposées. Au rez-de-chaussée, on trouve la sacristie dont la richesse de l’ornementation laisse imaginer l’apparat originel de l’église. Au plafond, les visages des anges du Jugement dernier sont noirs ; la raison en est que la peinture à base de plomb blanc s’est oxydée.
Au troisième étage, un belvédère, ajouré de 14 fenêtres, permet de profiter d’un large panorama. Autre tour de la collégiale, la tour carrée dont l’originalité se situe à la base de son escalier qui, sur les onze premières marches, est à double révolution.
Après un peu de repos dans la chambre, nous sortons, vers 19 h, pour nous rendre au restaurant « Le Cardinal » où le menu à 18 € (buffet froid, ½ magret de canard, panna cotta aux ananas) nous a été réservé. Sur le chemin, entre notre hébergement et le restaurant, nous découvrons de nombreuses sculptures de chats. Ces statuettes rappellent la légende d’Angeline, une jeune fille qui aimait beaucoup les chats.
De 1342 à 1344, à cause d’un climat détestable, les cultures furent peu abondantes et la disette, voire la famine, s’installa. Au village, on décida de manger les chats en les cuisinant en gibelotte, dit-on. Connaissant l’amour d’Angeline pour les chats, ses parents lui permirent d’en garder un couple, à condition de bien les cacher afin de préserver leur vie.
Puis les temps s’améliorèrent, mais comme il n’y avait plus de chats, les rats avaient proliféré en très grande quantité et menaçaient les récoltes. Heureusement, Angeline avait bien préservé ses chats. Vingt chatons étaient nés dans son grenier. Elle décida alors de les lâcher dans le village et ils décimèrent les rats, sauvant ainsi le village de la famine. La légende dit, qu’au fil des années, le visage d’Angeline, ressembla de plus en plus à celui d’un chat.