GR 65 : Aroue → Ostabat (21 km) - août 2018
Certains sont déjà partis lorsque nous nous rendons, à 7 h, dans la pièce commune où le petit déjeuner est pris en libre-service. Tout avait été préparé, sur la table et dans le frigo, la veille. Étant donné qu’il n’y a quasiment aucune possibilité de ravitaillement au cours de cette étape, Simone propose des paniers pique-nique. Dans un coin de la salle à manger, on trouve aussi une petite épicerie bien achalandée.
Vers 8 h 15, nous quittons Aroue et la ferme Bohoteguia pour entamer cette étape bien vallonnée (420 mètres de dénivelé à la montée et 390 à la descente) qui est inscrite, en entièreté, au patrimoine mondial de l’Unesco. Pendant 700 mètres, nous progressons sur la D11.
Juste après le château de Joantho, nous tournons vers la gauche pour emprunter, sur deux kilomètres, une route montant légèrement, entre champs de maïs et prairies. En tentant de lire les noms des hameaux et lieux-dits traversés, on se rend vite compte que l’on est pleinement entré dans le Pays basque.
Lorsque nous abandonnons enfin cette route, c’est pour grimper (de 125 à 202 mètres d’altitude) un large chemin caillouteux, au milieu des pâturages. Près du sommet de la colline, nous retrouvons Martine et Luc avec qui nous marcherons quelques kilomètres. Si la température est douce, le ciel est, par contre, fort nuageux et ne permet donc pas de profiter pleinement du beau paysage environnant.
C’est en restant sur le même chemin que nous descendons progressivement de la crête en direction d’un petit bois. Le chemin, redevenu plus caillouteux, se prolonge en lisière de forêt et retrouve l’asphalte un peu plus loin. Nous atteignons le village d’Olhaïby où nous effectuons un détour de 300 mètres pour aller découvrir l’église romane Saint-Just.
Comme la plupart des églises basques, l’édifice comporte une avancée couverte précédant le porche. Par une lucarne, nous pouvons admirer l’intérieur de l’église. Une galerie surplombe la nef au toit en carène de bateau. Les murs blancs font ressortir la décoration et tout particulièrement le retable doré.
La pièce située au-dessus du porche servait, sans doute, jadis, de logement à la benoite. Cette dame avait la garde des clés de l'église et était chargée du nettoyage du sanctuaire, de l'entretien des linges sacrés et des autels ainsi que des ornements sacerdotaux ; elle sonnait également les cloches pour les offices.
Au-delà d’Olhaïby, nous avançons, pendant deux kilomètres, sur une route de campagne desservant plusieurs exploitations agricoles. À la ferme Jaurriberria, nous prenons, vers la gauche, un chemin de terre progressant, durant 2,5 km, sur le plateau d’Archelako.
Le GR 65 retrouve l’asphalte au lieu-dit « Benta » ; c’est ici qu’une des variantes menant à Saint-Palais débute. Nous continuons, en légère descente, sur une route rejoignant la D242 et suivons ensuite la départementale pendant un kilomètre. Au milieu de ce parcours routier, peu intéressant, il est possible d’emprunter un raccourci passant par Uhart-Mixe.
Les randonneurs qui choisissent cette option, entièrement goudronnée, évitent une bonne grimpette, mais se privent surtout d’un très beau tronçon entre la stèle de Gibraltar et Harambeltz. Nous optons évidemment pour le tracé « officiel », c’est d’ailleurs celui qui est renseigné sur les panneaux routiers.
Après avoir quitté la D242, nous montons une petite route menant à Larribar (140 mètres d’altitude). Nous effectuons une courte pause de midi (car le ciel se fait menaçant), au centre de ce village, près du fronton, en compagnie de Léo et Benoit.
Un fronton est un mur contre lequel on joue à la pelote basque. C'est un élément architectural présent dans la quasi-totalité des villes et villages du Pays basque français où il fait souvent office de place centrale. Il en existe de toutes tailles (10 à 16 mètres de large et 6 à 10 mètres de haut environ), certains sont même couverts.
La surface au sol, appelée cancha, varie de 35 à 100 mètres. Le sol peut être en terre battue, en ciment ou en enrobé. Chaque équipe doit à tour de rôle frapper la pelote, de volée ou après un rebond, afin d'atteindre le fronton et de faire revenir la pelote sur l'aire de jeu.
Nous passons à côté de l’église de l’Assomption, puis nous franchissons le pont surplombant la D933. Nous quittons Larribar en longeant la Bidouze, que nous traversons un peu plus loin. La source de cette rivière se situe, dans une grotte, sur le versant nord du massif des Arbailles. Le cours d’eau traverse le Pays basque français du sud au nord avant de se jeter, après 82 km, dans l’Adour.
De l’autre côté de la Bidouze (72 m d’altitude), nous quittons enfin l’asphalte et commençons une ascension, de trois kilomètres, jusqu’à la chapelle de Soyarza. La première partie de cette longue montée s’effectue, à travers bois, sur un large sentier constitué de marches naturelles en pierre.
Nous arrivons dans un hameau (150 m d’altitude), au bord de la D302, où nous découvrons, moyennant un petit détour, la stèle de Gibraltar. Ce nom n’a rien à voir avec le sud de l’Espagne ; il s’agit simplement de la traduction basque de Saint-Sauveur (nom de la colline voisine) : Xibaltarre.
Le socle, avec ses diverses orientations, est surmonté d’une stèle discoïdale provenant du cimetière de Sorhapuru. Cette stèle, posée en août 1964 par le docteur Urrutibehety, symbolise le point de rencontre présumé de trois Chemins menant à Compostelle : la voie de Tours (via Turonensis), la voie de Vézelay (via Lemovicensis) et la voie du Puy (via Podiensis).
Après une pause photo, nous traversons la D302 et reprenons l’ascension sur la draille. Ce long chemin rocailleux nous amène au point culminant de l’étape (286 mètres d’altitude). Si la montée est raide et fatigante, la vue qu’elle offre depuis le sommet est magnifique. Pendant 400 mètres, nous progressons sur la crête.
Nous nous reposons quelques minutes, sur un banc, devant la chapelle de Soyarza. Cet oratoire-abri a remplacé, en 1894, une chapelle plus ancienne, dédiée à Notre-Dame, dont la garde était assurée par les chanoines de Roncevaux. Tout près, une table d’orientation permet, par beau temps, d’admirer une partie de la chaine des Pyrénées.
Le GR 65 quitte ce bel endroit en descendant un chemin très rocailleux. Au-delà d’une stèle de forme discoïdale, la piste devient plus praticable et atteint, à 145 mètres d’altitude, Harambeltz. Le nom de ce qui est aujourd’hui un hameau du village d’Ostabat, prend tout son sens lorsque l’on se place au sommet de la colline de Soyarza.
De cette hauteur, on devine l’inquiétude qu’avaient autrefois les pèlerins face à cette vallée sombre, couverte d’arbres, qu’ils devaient traverser pour atteindre les Pyrénées. En basque, la vallée se dit « haran » et noire « beltz ».
Les voies du Chemin de Saint-Jacques nécessitaient jadis que les pèlerins puissent trouver le gîte et le couvert, tout au long de leur route ; l’hôpital d’Harambeltz était l’un d’eux. Comme dans la plupart des hôpitaux de l’époque, la capacité d’accueil était de l’ordre de trois ou quatre lits.
Au Xe siècle, les communautés agricoles réunissaient une dizaine de familles qui s’organisaient pour les tâches domestiques. Dans le courant culturel qui a déferlé ensuite, ces communautés ont évolué et sont devenues des communautés de « donats ».
Celles-ci ont joué un rôle primordial, et même déterminant dans le fonctionnement des établissements hospitaliers. Les donats étaient des laïcs, qui étaient toutefois soumis à des règles particulières et aux vœux traditionnellement prononcés par les communautés religieuses : chasteté (en cas de veuvage), pauvreté et obéissance ; leur application était cependant modérée.
Après la Révolution, l’Etat s’est emparé de l’église et de ce qui restait de l’hôpital. La République ayant besoin d’argent, elle mit le domaine en vente et, fait marquant, ce sont les propriétaires des quatre maisons où vivaient les derniers représentants de ces donats qui ont racheté à l’Etat leur propre bien, pour la somme de cinq mille livres.
L’église est donc en propriété indivise, et le reste encore aujourd’hui, entre les héritiers des quatre familles dont certains vivent toujours sur place. On peut visiter gratuitement l’intérieur de la chapelle le mardi et le jeudi après-midi... nous avons donc la chance, en ce jeudi, de pouvoir admirer ce bel édifice.
Nous découvrons l’autel constitué d’un cube maçonné entouré d’un coffrage en bois comprenant la pierre d’autel sur la partie supérieure et un bas-relief sur la partie avant détachable (antependium). Le bas-relief représente saint Nicolas, avec ses attributs d’évêque, entouré de deux anges.
Le tableau principal du retable reprend l’évocation de la légende des trois enfants. On les voit sortir du saloir, devant saint Nicolas, avec comme décor un arbre évoquant les anciens dieux déchus. Au-dessus du bas-relief, on a la représentation de la Trinité avec la colombe, le Christ en croix et Dieu (qu’il faut chercher sur la voûte).
La présence du soleil et de la lune autour de Dieu signifie qu’il est créateur du ciel et de la terre. Les autres parties du retable pourraient être d’époques diverses, tant elles paraissent disparates.
Huit peintures se situent en pied de voûte, quatre de chaque côté. Du côté droit, on trouve Saint-Paul, les évangélistes Saint-Matthieu et Saint-Marc, puis Saint-Michel. Sur le côté gauche, on peut voir Saint-Pierre, les évangélistes Saint-Luc et Saint-Jean, puis un pèlerin à grand chapeau orné d’une coquille : Saint-Roch.
Saint-Marc et Saint-Jean ont eu leur image tronquée lors du percement de deux baies vitrées destinées à donner de la lumière à l’intérieur.
C’est ici, à Harambeltz que nous quittons le tracé blanc et rouge pour nous diriger vers notre hébergement, situé à Arhansus (2 km hors GR). Dans cette chambre d’hôtes, où nous logeons seuls, nous disposons d’une chambre avec lit double et d’une grande salle de bain.
Vers 19 h 30, nous prenons l’apéritif suivi d’un potage, d’une petite dégustation de foie gras maison, d’un filet mignon de porc avec des pâtes, d’un fromage local « Ossau Iraty », d’une salade de fruits ; le tout accompagné d’une bouteille de vin. Pour compenser l’absence des propriétaires durant le souper, nous avons droit à un petit verre de liqueur de prunelle à la fin du repas.