GR 65 : Ostabat → Saint-Jean-Pied-de-Port (26 km) - août 2018
Après un bon petit déjeuner, avec quelques confitures maison, nous embarquons dans la voiture de la propriétaire. Vers 8 h, cette dame bien sympathique nous dépose à Harambeltz, là où nous avions quitté le parcours hier... cela nous permet de raccourcir l’étape de deux kilomètres, ce qui n’est pas négligeable vu qu’elle en fera déjà 26 !
Depuis la chapelle Saint-Nicolas, nous nous dirigeons vers un bois dans lequel nous marchons, durant un kilomètre. Ce parcours, sur de larges chemins de terre, descend jusqu’au ruisseau « Harambeltzko », puis grimpe d’une cinquantaine de mètres.
À la sortie de la forêt, nous descendons sur une petite route asphaltée, passant entre les prairies. Contrairement à hier, le ciel est totalement dégagé et nous pouvons ainsi pleinement profiter du beau paysage, bien vallonné, qui nous entoure.
Après le ruisseau « Ithurriberriako », nous montons, toujours sur l’asphalte, jusqu’à une grande stèle. Celle-ci symbolise, par une liste de prénoms gravés dans toutes les langues, la rencontre de pèlerins venant de tous les horizons. Sur le côté gauche de la route, nous apercevons Ostabat que nous atteindrons dans un kilomètre. C’est par un sentier très rocailleux, bordé de murets de pierre sur son début, que nous descendons vers le village.
Dès le Xe siècle, Ostabat devint un village important, car il se situait au carrefour géographique de trois des quatre grandes voies de pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle ; des milliers de pèlerins et voyageurs passaient par Ostabat. La ville basse était un quartier modeste, où les hôpitaux étaient gratuits et dédiés aux jacquets pauvres ou malades.
La partie haute du village a été construite, vers le début du XIIIe siècle, selon le modèle caractéristique des bastides. Cette « ville neuve » était entourée d'une enceinte percée de portes et doublée de fossés. Cette fortification éphémère fut détruite par le roi de Navarre, Sanche le Fort, en 1228.
La partie haute du village bénéficiait d'une certaine opulence et, pour y entrer, il fallait payer un droit ; seuls les pèlerins les plus riches pouvaient donc y pénétrer. En 1350, on comptait une quinzaine d'hébergements, dont des hôtels « au sens moderne du terme », et trois hôpitaux.
En 1607, afin de rétablir la prospérité commerciale d'autrefois, Henri IV concède à Ostabat une foire annuelle et le droit d'édifier une halle pour un marché bimensuel. La mairie actuelle est édifiée à l'emplacement de l'ancien marché couvert, dont il reste des arcades au sous-sol. L'église paroissiale Saint-Jean-Baptiste a été reconstruite en 1888.
Malgré la disparition de nombreux édifices médiévaux, notamment religieux, le village perpétue sa tradition d'accueil des pèlerins. Les maisons d’Ostabat, de style bas-navarrais, se caractérisent par un encadrement de pierre qui part de la porte d'entrée et englobe les ouvertures sur l'axe de symétrie de la façade ; c'est ce qu'on appelle la « bouteille ».
Des inscriptions écrites en latin, français ou basque, apparaissent généralement au-dessus de la porte principale de bon nombre de maisons du Pays basque à partir du XVIe siècle, et perdurent sous différentes formes jusqu'au début du XXe siècle. Sur les linteaux les plus anciens figurent le nom de la maison, celui des fondateurs et l'année de construction.
Nous traversons le village et empruntons, pendant 1 km, la petite route menant au gîte Gaïneko Etxea où la majorité des pèlerins ont fait étape hier soir. Sur la droite, nous apercevons le château de Laxague ; un bel édifice du XIVe siècle devenu une simple ferme. Nous continuons, en légère descente, sur un chemin de terre ombragé.
Ce beau tronçon est de courte durée, car très vite, nous revenons sur l’asphalte. Nous rejoignons la D933 et progressons, pendant 400 mètres, sur le bas-côté gauche de cette départementale. À l’entrée du village de Larceveau, le GR 65 quitte la grand-route et progresse sur une route parallèle à cette dernière.
Nous traversons le hameau « Xaharra » avec ses belles maisons si typiques. Dénommées « Etxe », ces grandes bâtisses blanches et rouges donnent au Pays basque ce petit supplément d'âme. Peu friands des pierres apparentes, les Basques ont choisi de recouvrir la pierre des façades de leurs habitations de chaux blanche.
Les volets sont peints de la même couleur que les autres pièces de bois des façades. Très souvent, ils sont d'un rouge foncé appelé « rouge basque ». Originellement, on employait du sang de bœuf pour enduire les pièces de bois, car il était réputé avoir des vertus protectrices contre les insectes et le pourrissement. Si cette pratique n'est désormais qu'un lointain souvenir, l'impératif de couleur résiste.
Nous passons au milieu de propriétés privées et franchissons un ruisseau, grâce à un petit pont de bois. Après un court tronçon asphalté, nous prenons un chemin de terre, en lisière d’un bois, montant vers le hameau « Bastida Xoko ». Nous effectuons une petite pause boisson et descendons rejoindre la D933 en suivant un chemin forestier proche du ruisseau « Arlako ».
Nous longeons la départementale, sur 450 mètres, et passons à côté d’un abri - refuge pour pèlerin. À l’intérieur, le strict minimum pour passer la nuit, dont des matelas. Un peu plus loin, nous franchissons une barrière métallique et suivons un beau sentier surplombant la grand-route. Après un kilomètre sur cet agréable parcours, nous revenons, une fois de plus, à la D933.
Le tracé blanc et rouge remonte la départementale, sur 500 mètres, jusqu’à la croix de Galzetaburu, point culminant de cette étape à 274 mètres d’altitude. Datant de 1974 et perchée sur un fût rond, cette croix porte au-devant un Christ naïf. De chaque côté, sous les bras de la croix, on trouve un visage sculpté.
De l’autre côté de la D933, nous descendons vers Gamarthe en empruntant, pendant 900 mètres, la D522. Nous traversons le centre du village et, en suivant à nouveau la D522, nous revenons, après 800 mètres, à la D933.
Ensuite, durant six kilomètres, nous avançons sur l’asphalte ; des petites routes passant essentiellement entre prairies et bosquets. Ce parcours relativement plat au début, propose, sur la fin, deux bonnes montées. Après le hameau de Bussunarits, nous prenons la D120 sur un kilomètre et découvrons, sur la gauche, le château d’Apat (remanié en 1764).
Vers 14 h, nous entrons dans le village de Saint-Jean-le-Vieux et y visitons l’église paroissiale Saint-Pierre-d’Usakoa qui possède un portail roman du XIIe siècle, restauré en 1630 (date indiquée sur le linteau).
L’intérieur de l’église est le fruit des transformations des XVIIe et XIXe siècles. L’accroissement de la population a en effet entrainé l’ajout de deux galeries, comme ce fut le cas dans de nombreuses églises du Pays basque.
À la sortie de l'église, nous traversons la D2933 et arrivons sur la place du Fronton. Devant ce dernier, on trouve une croix de carrefour qui pourrait dater du XVIIe siècle. Nous quittons le village en suivant une petite route de campagne qui passe sous la D933. 800 mètres plus loin, nous traversons, une dernière fois, cette départementale et prenons la direction du hameau de la « Madeleine ».
La première mention de l'église Sainte-Madeleine-de-la-Recluse apparaît en 1328 ; un hôpital se trouvait jadis à proximité. Le clocher, clocher-mur à l'origine, a été transformé en clocher-tour précédé d'un porche au XIXe siècle. Le tableau situé un centre du retable représente Marie-Madeleine ; elle est facilement reconnaissable à son abondante chevelure.
Nous traversons le « Lauribar » et montons (de 169 à 215 mètres d’altitude) la route jusqu’à son croisement avec la D401. Ce cours d’eau de 28 km prend naissance à Aussurucq (892 m d’altitude) et se jette dans la Nive à la limite entre les communes de Saint-Jean-Pied-de-Port et Ispoure, à 152 mètres d'altitude.
En longeant la citadelle, nous atteignons la porte Saint-Jacques qui marque l’entrée dans Saint-Jean-Pied-de-Port. Cette « ville neuve » a été édifiée au début du XIIIe siècle. En se développant, la cité ravit sa primauté à Saint-Jean-le-Vieux et déplaça ainsi le trafic de la route romaine par Urcullu au tracé par Roncevaux.
La partie haute de la cité est protégée par une imposante enceinte fortifiée. Construite au XIIIe siècle en bel appareil de grès rose, elle est percée de quatre portes ogivales : porte Saint-Jacques, porte de Navarre, porte Notre-Dame et porte de France. La partie haute de l’enceinte fortifiée a été remaniée au XIXe siècle, avec l’aménagement d’un chemin de ronde et la construction d’un mur percé de multiples meurtrières à fusil.
Après une pause photo devant la porte Saint-Jacques, nous descendons dans le village en empruntant la rue de la Citadelle. Cette rue étroite et pavée, aux façades alignées, présente une architecture préservée et authentique. Sur les linteaux aux inscriptions et décors sculptés, on peut lire les dates : 1784, 1722, 1739, 1655,...
Dans cette rue, la plupart des maisons sont des hébergements pour les marcheurs. Depuis 1992, date de l’ouverture de l’accueil des pèlerins à Saint-Jean-Pied-de-Port, leur nombre est passé de 3 000 à 57 295 en 2017.
En haut de la rue, nous passons à côté de la « Prison des Évêques ». Aujourd’hui encore, un voile d’ombre enveloppe cet édifice au nom évocateur. Cette appellation actuelle et récente associe deux réalités historiques distinctes : la présence d’évêques du diocèse de Bayonne lors du Grand Schisme d’Occident et la vocation pénitentiaire attestée dès la fin du XVIIIe siècle.
Le bâtiment accueille à présent une exposition permanente évoquant les Chemins vers Compostelle au Moyen Âge et des expositions temporaires aux thématiques riches et variées.
Au milieu de la rue de la Citadelle, la rue de France mène à la porte du même nom. Veillant sur le faubourg d’Ugange, cette porte doit son nom à son orientation vers la France. Son architecture est similaire à celle des autres portes, parement de grès, arc brisé et gros appareil de fermeture. Elle était la porte d’entrée des convois venant de France.
Un peu plus bas, la porte de Navarre ou porte du marché fut ainsi nommée parce qu’elle ouvrait sur la petite place de l’église, ancien emplacement du marché médiéval. Elle a conservé son beau passage en voûte ogivale, les gonds des puissants vantaux et les trous de boulins où se glissaient les madriers. L’usure des moellons d’angle rappelle qu’ici les charrettes et attelages devaient se frayer un passage pour achalander les étals.
Nous arrivons à la porte Notre-Dame qui fait face au pont sur la Nive et au quartier de la rue d’Espagne. Cette véritable tour-porte est constituée d’une arche et d’une rainure de herse. Au-dessus de la voûte, des salles abritaient le conseil municipal jusqu’à la Révolution ou encore le logement de la benoîte.
À côté, l’église de l’Assomption dont la tradition attribue la construction au roi de Navarre, Sanche le Fort, en commémoration de la victoire de Las Navas de Tolosa, en 1212. Certaines pierres sont sculptées de marques des tailleurs de pierre. La façade de grès rose est décorée d’un portail gothique à colonnettes du XIVe siècle.
Au XIXe siècle, des tribunes occupées selon la tradition basque par les hommes furent aménagées. Cette église ne possède pas de retable comme la plupart des églises du Pays basque, mais un chœur assez vaste éclairé par de beaux vitraux.
C’est au bord de la Nive que se termine cette étape ainsi que cette belle semaine de randonnée. Devant nous, la rue d’Espagne et les Pyrénées... Cliquer ici pour consulter la suite des étapes entre Saint-Jean-Pied-de-Port et León.