Camino : Frómista → Carrión de los Condes (21 km) - avril 2023

Pour info : le parcours décrit ci-dessous emprunte certaines variantes non balisées.

C’est dans le bar de l’hôtel que nous prenons le petit-déjeuner avec du bon pain frais… ce qui n’est hélas pas souvent le cas. Avant de commencer l’étape, nous nous rendons dans une supérette pour acheter de quoi faire le pique-nique. En chemin, nous passons devant l’église San Pedro dont la construction débuta au XV^e siècle. Bien que la façade soit de style Renaissance, sa structure rappelle les anciens arcs de triomphe romains, avec un arc en plein cintre et des colonnes jumelées sur un socle élevé qui flanquent l'entrée de l'église. Cette porte incomplète (elle devait comprendre une seconde partie qui n’a pas été construite) est à son tour protégée par un large portique de style néoclassique.

Le retable central est dédié à Saint-Pierre et à Saint-Paul ; le groupe de la descente de la Croix se détache dans la deuxième section au-dessus de la représentation de San Telmo. Né à Frómista (1185 - 1246) et patron de la cité, on vénère sa relique dans une niche de l’église et l’on trouve sa statue sur la place devant l’édifice religieux. San Telmo est honoré comme le saint patron des marins, bien qu'il n'ait jamais été officiellement reconnu comme tel.

Vers 9 h 30, nous quittons le centre de Frómista. Après avoir franchi deux ronds-points, nous suivons, pendant un kilomètre, la route P-980 en marchant sur la « Senda de los Peregrinos » : un sentier aménagé au bord de la grand-route qui conduit tout droit à Carrión de los Condes et au-delà.

À l’entrée de Población de Campos, nous effectuons un petit détour afin de découvrir l’ermitage San Miguel. Il est possible qu'il ait été construit dès 1227, si l'on en croit un document qui indiquerait l'existence, à côté de l'édifice religieux, d'un lazaret ou d'une malatería pour l'accueil des lépreux. L'extérieur se distingue par l'arc de décharge en ogive dans le mur occidental. La décoration sculpturale se limite aux corbeaux qui soutiennent la corniche, dont la plupart sont de forme géométrique, à l'exception de l'un d'entre eux qui est orné d'un motif phallique.

L'origine de Población remonte à la fin du IX^e siècle. À partir du milieu du XII^e siècle, le village a été le domaine de l'Ordre hospitalier et militaire de Saint-Jean de Jérusalem ou des Chevaliers de Malte ; la preuve qui l'atteste est un privilège accordé par le roi Alphonse VII, le 24 juin 1140, par lequel il cède la ville de Población à l'Ordre de l'Hôpital. L'église, dédiée à Santa María Magdalena, est située dans la partie la plus élevée du village. Bien qu'il soit déjà mentionné dans certains documents du XIV^e siècle, l'édifice, de style baroque, a été érigé au XVI^e siècle. L'aspect actuel est dû en grande partie aux modifications effectuées entre 1749 et 1753. En ce Samedi saint, nous avons la chance de pouvoir visiter l’église et d’y admirer, notamment, le retable principal, datant de 1747.

L'ermitage Nuestra Señora del Socorro a été construit au XIII^e siècle, dans le style roman tardif. À l'origine, il s'agissait d'une simple chapelle, rattachée à l'église San Pedro. À la fin du XVIII^e siècle, les murs de cette église avaient complètement disparu, mais pas la chapelle Notre-Dame, qui était toujours debout en tant que bâtiment indépendant. L'ermitage est situé à quelques mètres sous le niveau actuel du sol.

À la sortie de Población de Campos, juste avant de franchir la rivière Ucieza, sur le pont datant du XVII^e siècle, nous optons pour la variante proposée dans le topo-guide. Ce parcours, un kilomètre plus long que le tracé « officiel », offre l’avantage d’évoluer, au calme, en pleine nature… nous avons du mal à comprendre pourquoi la majorité des marcheurs préfère rester le long de la grand-route alors qu’une si belle alternative est possible. Durant 3,5 km, nous progressons sur un chemin campagnard, caillouteux, en légère pente ascendante, menant à Villovieco.

Même si le village se trouve à bonne distance du Camino Francés, les pèlerins du Moyen Âge y venaient déjà pour être hébergés et soignés dans les hôpitaux de Nuestra Señora, San Sebastián, San Roque et Todos los Santos qui n'existent plus aujourd'hui. Sous l'influence des pèlerins, Villovieco s'est doté de plusieurs églises. Selon divers documents, il s'agit des églises Santa María, San Jorge et San Sebastián, dont seule la première a survécu.

Nous nous arrêtons quelques instants dans un petit parc à la sortie de Villovieco avant d’aborder le plus beau tronçon de l’étape. Pendant près de cinq kilomètres, nous randonnons sur des sentiers ou chemins herbeux au bord de l’Ucieza ; cette rivière, de 71 km, est un affluent du Carrión. Peu avant la fin de ce parcours, nous effectuons la pause de midi (assis par terre) en profitant de la tranquillité des lieux et du chant des oiseaux.

Au début de la route nous menant, en 1,5 km, à Villalcázar de Sirga, nous découvrons l'ermitage Nuestra Señora del Río, la patronne du village ; cet édifice était une église paroissiale jusqu’en 1560. L’ermitage, fait de briques et de terre battue, a été reconstruit au XVIII^e siècle sur les vestiges d'anciens bâtiments. À l’intérieur, on peut admirer une sculpture en bois polychrome de la Vierge datant du XVI^e siècle.

Après avoir un peu discuté avec le responsable de l’entretien de l’ermitage, nous poursuivons notre route. Vers 13 h 30, nous arrivons au centre de Villalcázar de Sirga. On ne peut rater l’église Santa María la Blanca dont la taille est impressionnante pour une petite ville. Cet édifice a été construit entre le XII^e et le XIII^e siècle par l’Ordre du Temple ; il se dit que le tracé originel du Chemin de Compostelle a été détourné pour passer devant cette merveille d’architecture religieuse.

La porte sud est flanquée de cinq archivoltes décorées de 51 sculptures, du XIII^e siècle, représentant différentes figures religieuses, telles que des anges et des saints. Au-dessus, il y a deux frises. Celle du dessous est dédiée à la Vierge blanche (qui apparaît marchant sur un dragon) et décorée de figures qui font référence à l’Annonciation et à l’Adoration des Mages. La frise supérieure est consacrée à l'Apocalypse et au retour du Christ en majesté avec le tétramorphe et les autres apôtres.

À droite de cette entrée principale se trouve l’entrée de la chapelle Saint-Jacques, construite au XIV^e siècle et présentant des caractéristiques similaires. Elle possède également des archivoltes décorées, mais dans ce cas-ci, il y en a trois avec 25 sculptures. Tout ce complexe est protégé par un grand portique, la seule partie qui ait été préservée d’une autre série d’arcs qui entouraient le temple à la manière d’un cloître.

À l’intérieur, on remarque la hauteur des voûtes et la lumière qui pénètre par la grande rosace, ainsi que la richesse des pièces sculpturales et picturales. Dans la chapelle Saint-Jacques, on peut voir trois tombes. Deux se distinguent par la qualité et la minutie avec lesquelles l’artiste a sculpté la pierre. Il s’agit de l’Infant Don Felipe, frère d’Alphonse X le Sage, et de sa seconde épouse. Dans les deux cas, les tombes sont décorées avec les différents moments des rituels funéraires de la période médiévale. Le troisième tombeau, également réalisé avec beaucoup de détails, mais moins décoré, est celui d’un chevalier de l’Ordre.

Le retable central a été réalisé à trois périodes différentes. Ainsi, le calvaire qui le surmonte date de 1300. En dessous, on peut apprécier les 27 panneaux peints, du XV^e siècle, qui montrent différentes scènes bibliques liées à la vie de Jésus et plusieurs figures de saints. Le dernier ajout à ce retable est le banc sculptural qui présente les mêmes motifs décoratifs que les peintures. Au centre de l’œuvre, la sculpture de la Vierge, assise sur deux lionceaux et tenant l’Enfant dans ses bras, date du XIII^e siècle. Entre 1945 et 1946, le retable a été restauré et le cadre a été remplacé, mais lorsque les panneaux ont été mis en place, ils ont été placés dans un ordre différent de l'ordre original.

Sur la plaza Mayor, à côté de l’église Santa María la Blanca, dans un ancien grenier à blé, se trouve la « Mesón de Villasirga », une auberge qui a ouvert ses portes en 1965. Une statue en l’honneur de son fondateur, Pablo Payo, habillé en pèlerin, accueille les visiteurs.

Plutôt que de revenir sur la « Senda de los Peregrinos » et de suivre celle-ci, le long de la route P-980, jusqu’à Carrión de los Condes, nous optons pour une variante, non balisée. Ce parcours (1,2 km de plus que le Camino), emprunte des chemins de terre, au milieu des champs… quel plaisir de marcher ici, seuls et loin des voitures !

Toutes les bonnes choses ont une fin et après cinq kilomètres, nous rejoignons la grand-route au bord de laquelle nous progressons pendant, seulement, 500 mètres. Par l’avenida de los Peregrinos, nous entrons dans la ville, puis au-delà du carrefour avec la C-615, nous continuons dans la calle Santa Maria, flanquée d’une statue de Saint-Jacques, jusqu’à notre hébergement.

Carrión de los Condes comptait jadis plus de dix hôpitaux pour les pèlerins. L'église Santa María del Camino, datant du XII^e siècle, le monastère San Zoilo, datant du XVI^e siècle et doté d'un spectaculaire cloître de la Renaissance, ou la belle église Santiago et sa représentation du Christ pantocrator qui préside sa façade, sont quelques-uns des exemples du patrimoine historique et artistique de la ville.