Les Randos de Fred & Paul

Espalion et l'église de Perse

Nous profitons d’une journée de repos pour visiter Espalion. La ville doit sa prospérité à sa situation stratégique, entre l'Auvergne et le Rouergue, et au point de passage obligé sur le Lot qu'elle constituait. À partir du XIIe siècle, Espalion devient une étape importante sur le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. La construction de la cité médiévale s'est faite sur la rive gauche du Lot, à l'ouest d'un premier village.

Notre circuit de découverte débute par l'ancienne église Saint-Jean-Baptiste, dont la construction débuta à la fin du XVe siècle. Édifiée sur l'emplacement de l'hospice de la ville, elle fut dotée, en 1508, d’un beau portail de style gothique flamboyant aujourd’hui mutilé et très érodé ; le beffroi quadrangulaire abritait l’horloge de la ville.

Désaffectée à la suite de la construction d’une nouvelle église, elle devint hôtel de ville de 1897 à 1948. Côté boulevard, une façade néogothique, flanquée de deux tourelles encadrant une loggia surmontée des armes de la ville, fut greffée sur le chevet tronqué.

Espalion, ancienne église Saint-Jean-Baptiste

En 1978, l'édifice a été réhabilité pour permettre l'installation du musée des Arts et Traditions Populaires, puis également le musée du Scaphandre. C'est, en effet, à deux Espalionnais que l'on doit l'invention, en 1864, du premier scaphandre autonome moderne de l'histoire de la plongée. Les premiers essais furent effectués dans le Lot. Une statue de scaphandrier, en hommage aux deux inventeurs, a été posée au bord du Lot.

Espalion, musée du Scaphandre

Nous nous rendons ensuite vers le foirail. Cet ancien champ de foire est devenu un lieu de promenade à l’ombre des platanes. Un vaste espace y est aménagé pour le « jeu de quilles de 8 », symbolisé par la statue d’un joueur. Ce jeu, qui était très présent dans de nombreux villages jusqu’à la fin du XIXe siècle, se porte encore fort bien en Aveyron où il fait l’objet d’un « championnat de France » et s’associe à de nombreuses festivités.

Sur une aire de jeu en terre battue, huit quilles en bois sont disposées sur des points précis. Chaque joueur dispose d’une quille joueuse « quiliou » et d’une grosse boule en bois dur de 4 à 6 kg. La partie se déroule en neuf coups, à petite, moyenne et longue distance (de 1 à 20 mètres).

Le joueur doit abattre un nombre maximum de quilles, tout d’abord avec son quiliou frappé par la boule, puis avec la boule elle-même. Chaque quille abattue vaut un point, pour un total maximum de 80. Les équipes (composées de deux ou quatre joueurs) ne s’affrontent pas, chacune joue sa partie et c’est à la fin de la manche que l’équipe au meilleur score l’emporte.

Espalion, statue du Joueur de quilles de 8

Depuis le foirail, nous avons un beau point de vue sur le Pont Vieux et le Vieux Palais. Cet édifice de style Renaissance, communément appelé le Vieux Palais (car il fut le palais de justice au XIXe siècle), a été bâti, en 1572, par Bernardin de la Valette ; ce dernier était chargé, par les consuls, de la défense d’Espalion durant les guerres de Religion.

Dressé sur un éperon rocheux, face au Lot, il combine très bien la robustesse de sa tour nord et la finesse de la tourelle d’angle donnant sur le foirail. Mise à la disposition de l’association pour la renaissance du Vieux Palais, cette demeure pittoresque a été aménagée en résidence d’artistes.

Espalion, vieux Palais

Un pont existait déjà à Espalion au Xe siècle, mais la première mention écrite date de 1060. Cette année-là, le baron de Calmont donne à l'abbaye de Conques une part du péage perçu sur le passage du sel, porté de la Méditerranée vers l'Aubrac et les monts du Cantal (fromageries). Il y aura d'ailleurs à Espalion, au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, le plus important entrepôt de sel du Rouergue.

Ce pont est à l'origine de la ville, bâtie autour de son chemin d'accès. Le seigneur en tirait des avantages financiers (droits de péage et droits sur les foires et marchés de la ville). Le Pont Vieux, qui remonterait au XIIIe siècle, a été plusieurs fois remanié. L'ouvrage gothique était initialement armé de trois tours qui abritaient un poste de garde.

Au XVIe siècle, durant les guerres de Religion, l'installation d'un pont-levis, se substituant à la dernière arche rive droite, compléta ce système défensif. Au début du XVIIIe siècle, les tours ont été abattues et le pont-levis remplacé par une arche en plein cintre ; ce qui contraste avec les trois autres qui dessinent un arc légèrement brisé.

Le Pont Vieux comportait également des maisons (peut-être des magasins), disposées en encorbellement de chaque côté. Celles-ci ont été démolies en 1699, après leur rachat par la ville. Interdit à la circulation, ce pont est encore aujourd'hui le lieu de passage des troupeaux transhumant vers l'Aubrac, le dimanche autour du 25 mai.

Espalion, pont Vieux

Entre le Pont Vieux et le Pont Neuf, nous découvrons les « calquières » ; nom donné aux anciennes tanneries qui s'alignent sur la rive droite du Lot. Elles sont caractéristiques avec leurs balcons en bois, en encorbellement, et leurs toits pentus.

Juste au-dessus du cours du Lot, de larges pierres plates, formant saillie (les gandouliers), servaient au lavage des peaux pour la préparation des cuirs. Leur disposition, en escalier, permettait l'immersion des peaux quel que soit le niveau d'eau régulé par une chaussée. Cette industrie prospère, bâtie sur les échanges entre Espalion et les plateaux voisins, s'est maintenue jusqu'à la Première Guerre mondiale.

Espalion, les Calquières

Nous terminons cette visite du centre d’Espalion par l’église paroissiale érigée, à la fin du XIXe siècle, en grès rose dans le style néogothique. Ses deux tours jumelles, hautes de 45 mètres, sont couronnées des statues de la Vierge et de Saint-Joseph. La façade à trois portes s’orne des statues du Bon Pasteur, de Saint-Jean-Baptiste, et de Saint-Hilarian (patron de la cité).

Espalion, église paroissiale

N’ayant pas pris le temps hier de visiter l’église de Perse, nous la découvrons aujourd’hui. Bâtie entre la fin du XIe et le début du XIIe siècle, cette église fut l’église paroissiale d’Espalion jusqu’à la construction de l’église Saint-Jean-Baptiste (actuellement musée des Arts et Traditions Populaires et musée du Scaphandre) au centre du bourg fortifié.

Espalion, église de Perse

Quelques éléments sculptés méritent l'attention : une quarantaine de modillons sous la toiture et, à l'intérieur, un ensemble intéressant de chapiteaux. Le chevet surmonté de son clocher « peigne », que l'on peut apprécier depuis le pont en contrebas, constitue la partie la plus remarquable de l'édifice.

Espalion, église de Perse (modillons) Espalion, église de Perse (intérieur)

Au-dessus et à gauche du portail, dans une encoignure, on trouve Marie trônant en majesté avec l'enfant Jésus sur ses genoux, dans la scène de l'Adoration des Rois mages ; ceux-ci sont debout, sous une arcade, avec leurs présents.

Espalion, église de Perse (l'Adoration des Rois Mages)

Examinons plus en détail le portail sculpté. Deux des trois voussures de l'archivolte sont historiées. Sur la voussure intérieure, onze anges tiennent chacun un livre ouvert. Sur la voussure extérieure, les archanges, Gabriel au centre et Raphaël à droite, sont identifiés par leurs noms inscrits sur le livre qu'ils présentent. Un troisième personnage, à gauche, couronné et revêtu d'une cuirasse, tient dans sa main droite un objet dont l'extrémité supérieure a été endommagée.

Espalion, église de Perse (voussures)

Le tympan illustre le thème de la Pentecôte. Au sommet, trois demi-couronnes évoquent la Trinité. De part et d'autre, le soleil et la lune sont personnifiés sous la forme de deux bustes dans un médaillon ; trois nuages figurent le ciel. La Vierge Marie reçoit le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe et des langues de feu se dirigent vers les apôtres, au nombre de dix, tenant chacun un phylactère.

Espalion, église de Perse (tympan et linteau)

Le linteau évoque l'Apocalypse et le Jugement Dernier :

  • à gauche, un damné est précipité dans la gueule du Léviathan à l’entrée de l’enfer ou trône Satan. Ce dernier a un serpent enroulé sur ses jambes et est encadré de quatre bêtes : un hibou à 2 aigrettes, un centaure, un crocodile aux dents acérées et un porc au groin proéminent

  • au centre, en dessous des deux plateaux de la balance, un défunt est étendu sur sa couche ; son âme est représentée par un corps nu que se disputent anges et démons

  • à droite, dans une mandorle, le Christ est entouré des symboles des quatre évangélistes : l’aigle pour Jean, le taureau pour Luc, le lion pour Marc et l’homme pour Mathieu
Espalion, église de Perse (linteau) Espalion, église de Perse (linteau)