GR 576 : Deigné → Bernardfagne (23 km) - août 2013
Cette étape, qui s’annonce bien vallonnée : 705 mètres de montée, 610 de descente, débute sous un ciel fort nuageux. Nous quittons le village de Deigné par un chemin herbeux laissant rapidement place à une petite route asphaltée.
Même si le GR 576 n’y passe pas, nous entendons le bruit des haut-parleurs du Safari parc « Monde sauvage » d’Aywaille, tout proche. Après avoir longé un manège, nous montons par un chemin de terre dans la forêt de feuillus. À l’orée, nous prenons le chemin pierreux de droite qui, s’enfonçant dans la forêt, amorce une descente d’un kilomètre. Arrivés près d’une prairie, nous remontons, par un chemin de terre, tout ce que nous venons de descendre.
Nous cheminons entre les prairies jusqu’à l’orée d’un bois de résineux. Là, nous poursuivons l’ascension, le long du bois, sur la Voie de la Porallée : une large allée rectiligne d’environ 7 km, jalonnée d’anciennes bornes, qui était la frontière orientale d’un territoire dénommé Porallée. Ce chemin marque aujourd'hui la limite communale entre Aywaille et Theux.
Située le long de la vallée de l'Amblève, la Porallée faisait partie des duchés de Limbourg et de Luxembourg. Dans la Porallée « pour aller », les habitants pouvaient aller et venir à leur gré d'un duché à l'autre sans payer de taxe ni de dîme. Dans cette zone franche, ils avaient la possibilité de cultiver un champ, de mettre du bétail en pâture, de prélever du bois de chauffage et de pêcher dans l'Amblève. Toutefois, il leur était interdit d’y bâtir ou d'y ériger une construction.
Arrivés à 327 mètres d’altitude, nous descendons, pendant un peu plus de 2 km, un sentier parallèle au ruisseau de Gervova. Après avoir longé une carrière, nous retrouvons brièvement l’asphalte. Bien entendu, le tracé blanc et rouge, à peine arrivé en bas (171 mètres), tourne à gauche et nous fait remonter à 229 mètres d'altitude !
Cette grimpette s’effectue sur un sentier à flanc de colline. Juste avant d’entrer dans le bois, nous franchissons un portillon et nous nous retrouvons dans une prairie, au milieu d’un troupeau de vaches.
À la sortie de la prairie, nous partons sur un chemin empierré en direction de l’autoroute E25 et passons sous le viaduc de Sécheval. Ce dernier, d’une hauteur de 67 mètres, permet aux automobilistes de franchir le ruisseau de Gervova ainsi que la N666.
Par un sentier, assez raide par endroits, nous descendons vers Remouchamps. Au niveau d’une petite chapelle, nous croisons le GR 15 et le GRP 571 avec qui nous ferons parcours commun pendant environ 400 mètres.
Nous traversons la N666, face aux grottes de Remouchamps. Ces grottes, qui servirent d’abri aux chasseurs du paléolithique il y a 8 000 ans, ont été découvertes en 1828 et sont visitées depuis 1912. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elles ont servi de refuge aux Remoucastriens.
Les grottes se sont formées dans le calcaire, il y a plus d'un million d'années, par la présence d'une rivière souterraine : le Rubicon. Cette petite rivière provient du vallon des chantoirs, entre Louveigné et Deigné, où elle s'engouffre sous terre pour ne réapparaître que quelques mètres avant son confluent avec l'Amblève.
À l’intérieur des grottes, on découvre successivement, au fil d'un parcours pédestre de 800 mètres : la galerie du précipice qui est la salle d'entrée, la salle des ruines et son bloc suspendu d'une quarantaine de tonnes, la grande draperie d'une hauteur de 7 mètres formée par l'eau de pluie se transformant en dépôts cristallins, la salle de la Vierge et sa stalagmite, la grande galerie et enfin la cathédrale, haute de 40 mètres et profonde de 100 mètres.
Par une arche naturelle, on accède à la rivière où la visite se poursuit en barque à fond plat. Au milieu du Rubicon, se dresse le palmier, étrange et magnifique colonne formée par la jonction d'une stalactite et d'une stalagmite. La navigation est tranquille, mais le plafond s'abaisse par endroits. Par un ancien siphon agrandi, on accède au débarcadère au terme d'une navigation souterraine de 700 mètres, soit la plus longue au monde.
Nous poursuivons le long de l’Amblève avant de traverser la rivière, puis la N633. L’Amblève prend sa source aux confins du parc naturel des Hautes Fagnes - Eifel, à une altitude d’environ 600 mètres. Après 93 km, elle se jette dans l’Ourthe à proximité de Comblain-au-Pont. Le nom germain signifierait « rivière des aulnes » (ambla = « aulne » et ah va = « eau »). Ses principaux affluents sont la Warche, l’Eau Rouge, la Salm et la Lienne.
Le GR 576 monte en pente régulière, par une petite route, vers Hénumont. Après la traversée du hameau, la montée se poursuit sur un chemin de terre entre des prairies, puis au milieu des bois. Le sol est constitué de schiste ferreux ce qui explique sa teinte rougeâtre.
Nous descendons en direction du hameau de Kin puis remontons vers un autre hameau : Stoqueu. C’est à l’entrée de ce dernier que nous retrouvons le GR 15 (déjà croisé à Remouchamps) avec qui nous ferons parcours commun, pendant six kilomètres, jusqu’à Harzé.
À la sortie de Stoqueu, l’ascension continue d’abord à travers champs puis dans le bois de Winhistè, jusqu’à atteindre le point culminant de cette étape à 360 mètres d’altitude. Nous nous rapprochons progressivement de l’autoroute E25, mais le balisage bifurque juste avant de la rejoindre, le long d’une prairie.
Peu à peu, le parcours s’éloigne du bruit de l’autoroute pour entamer la descente, sur un sentier de terre et de cailloux, à nouveau dans le bois de Winhistè. Nous passons par le hameau de Pavillonchamps avant de nous engager sur un sentier, le long d’un pré, aboutissant à l’entrée de Harzé.
Un acte de l'abbaye de Stavelot, daté de l'an 890, mentionne pour la première fois le nom d'Harzé. C'est probablement à ce moment qu'un seigneur établit un ouvrage défensif, sur un éperon dominant la vallée du Wayai et faisant face aux plaines de Pironboeuf, pour se protéger contre les envahisseurs. La seigneurie d'Harzé fait alors partie du duché de Luxembourg et relève du comté de Montaigu-en-Ardenne. Elle verra se succéder une dizaine de dynasties à sa tête.
Si les origines d'un château remontent probablement au IXe ou Xe siècle, l'édifice actuel est l'œuvre du comte Ernest de Suys de Lynden. Celui-ci aménagea, dans les années 1632 à 1645, l'ancien fenil en une vaste salle des comtes. Ses armoiries, ainsi que celles de son épouse, surmontent le porche d'entrée donnant accès à la grande cour du château.
La façade du château, restaurée entre 1909 et 1924, constitue un exemple remarquable du style Renaissance mosane, avec ses arcades en plein cintre sur colonnes toscanes et ses fenêtres à triples meneaux. Lors de la bataille des Ardennes, le château fut réquisitionné par l'armée américaine qui y installa un état-major dirigé par le général Matthew Ridgway.
Ce dernier y reçut le Field marshal, Bernard Montgomery, le 24 décembre 1944 et le général Dwight Eisenhower le 28 décembre 1944. Une plaque commémorative placée dans le porche d'entrée relate ces événements.
Propriété de la province de Liège depuis 1973, le château est devenu un centre de séminaires résidentiels, de réception de mariage et d'hébergement. Ses anciennes dépendances abritent le musée de la Meunerie et de la Boulangerie.
Une averse nous oblige à effectuer une pause à proximité de l’église, mais heureusement, celle-ci est de courte durée et nous pouvons effectuer les cinq derniers kilomètres au sec ! Au niveau de la N30, nous nous séparons du GR 15 qui part vers la gauche. Nous suivons la grand-route, vers la droite, sur 200 mètres puis, après le château, nous tournons à gauche pour monter un sentier herbeux.
Au lieu-dit « Campagne de Betnay », nous poursuivons sur une petite route avant d’emprunter un chemin de terre pénétrant dans un bois de conifères. Après cette ascension, nous amenant 110 mètres plus haut qu’à Harzé, nous continuons dans le bois, en légère descente, vers la ferme de Pironboeuf.
Après cette ferme, le tracé blanc et rouge se remet à grimper dans un chemin raviné en direction de la chapelle Saint-Roch. Celle-ci a été érigée, à l'altitude de 346 mètres, le long de l'ancienne Voie de Liège. Trois tilleuls l'entourent et l'un d'eux sert d'appui à un antique crucifix. C'était, au milieu de fagnes aujourd'hui partiellement boisées, une étape pour les pèlerins se rendant à Bernardfagne.
Un chemin empierré nous amène à une petite route, suivie sur une centaine de mètres. Nous prenons un chemin, parallèle à la route, qui est en fait l’assise de l’ancien vicinal reliant Manhay à Comblain-la-Tour ; celui-ci a circulé de 1909 à 1948 pour les voyageurs, 1959 pour le trafic des marchandises. Nous passons à côté d'une aire de pique-nique, située à l’emplacement de l’ancienne gare de Xhoris - Saint-Roch, et retrouvons, un peu plus loin, la route asphaltée qui nous amène devant le collège Saint-Roch, au hameau de Bernardfagne.
Bernardfagne a une longue histoire. Au VIIe siècle, saint Remacle y aurait béni les sources. Sur un document de 1159, on peut lire la confirmation de l'existence d'un ermitage, placé sous la règle de Saint-Benoît, qui a pour mission d'accueillir et de protéger les pèlerins. Très vite, l'ermitage prend le nom de « Bernardfagne » qui désigne cette terre fangeuse (boueuse) placée probablement, à l'origine, sous la protection de Saint-Bernard.
Au XIIIe siècle, un monastère bénédictin remplace l’ermitage lui-même ensuite transformé en prieuré, en 1520. Fin XVIIe - début XVIIIe siècle, à la faveur d'une gestion très zélée du patrimoine, les bâtiments prennent progressivement l'aspect remarquable qui les caractérise encore de nos jours : le porche monumental (1716) puis, au fond de la cour d'honneur, la salle du chapitre, le cloître et la cuisine du monastère.
Ensuite, le ciel s'assombrit, c'est la période révolutionnaire : en 1794, les moines quittent Bernardfagne où le culte est interdit ; bâtiments et biens sont confisqués. En 1820, l'évêché loue puis rachète les lieux pour y créer un petit séminaire. En 1825, l'établissement est fermé par un arrêté du roi Guillaume de Hollande ; en 1837, il est à nouveau ouvert et les classes se reconstituent progressivement. En 1853, le petit séminaire (devenu collège par la suite) est rétabli et depuis, sans discontinuer, il a poursuivi sa mission d'éducation et d'enseignement.
➔ Jonction avec d'autres GR
- Le GR 15 : Sentiers de l'Ardenne permet de relier, en 230 km, Arlon à Monschau (Allemagne). Ce sentier de grande randonnée passe notamment par Martelange, Bastogne, Houffalize, Aywaille, Spa et Eupen.
- Le GRP 571 : Tour des Vallées des Légendes (Amblève - Salm - Lienne). Au départ de Pont-de-Scay, ce sentier de grande randonnée remonte le cours de l’Amblève en passant par Aywaille, Remouchamps, les Fonds de Quarreux et la cascade de Coo. À partir de Trois-Ponts, il quitte la vallée de l’Amblève pour longer la Salm. Arrivé à Gouvy, le GRP 571 s’en va rejoindre la Lienne qu’il croise peu avant Lierneux ; il suit et franchit plusieurs fois cette rivière jusqu’à Pont-de-Targnon où la Lienne se jette dans l’Amblève. Le parcours se dirige ensuite vers La Rouge-Minière, Xhoris et Comblain-au-Pont avant de revenir, après 185 km, à Pont-de-Scay.