GR 56 : Signal de Botrange → Monschau (23 km) - avril 2018
Il est 11h lorsque nous arrivons sur le parking du Signal de Botrange. Même si nous commençons l’étape au point le plus élevé, 694 mètres d’altitude, la journée ne sera pas de tout repos pour autant ! Nous traversons la N676 et empruntons une large voie menant à une estrade d’où nous profitons d’un large panorama sur la fagne wallonne.
Au Moyen Âge, cette fagne se trouvait en duché de Luxembourg, sur le territoire de la seigneurie de Bütgenbach. Cette seigneurie dépendant des ducs d'Orange, la fagne était alors appelée « Terre de Nassau » ou « Terre d'Orange ». Elle devint la fagne wallonne lorsque des villageois de Robertville, parlant le wallon, y firent paître leur bétail. D'une superficie de 661 ha, son altitude varie de 580 m (au bord de la Helle) à 691 m ; ce qui en fait la fagne la plus élevée de Belgique.
Le tracé blanc et rouge tourne à droite et suit, sur un peu plus d’un kilomètre, la lisière de l’immense étendue fagnarde. Au lieu-dit « Haie de Souk », nous laissons partir, vers la droite, l'itinéraire de liaison (11 km) permettant de rejoindre, près du château de Reinhardstein, la variante « Warche ». Mise à jour, juin 2018 : les GR 56 et GR 573 sont ici rejoints par le GR 14 : Sentiers de l'Ardenne qui, dans sa nouvelle version, commence à Monschau. Nous ferons parcours commun avec ce sentier de grande randonnée pendant 12 km.
Nous entamons ensuite une longue ligne droite de 2,5 km, passant entre la fagne wallonne et une forêt de résineux. Lors de notre passage, en juillet 2016, ce chemin était dans un état bien différent ; le coupe-feu, jadis herbeux et un peu marécageux, est désormais presqu’entièrement macadamisé. Si la progression est nettement facilitée, le parcours a un peu perdu de son charme.
Durant ce trajet, nous franchissons un filet d’eau : la Roer, ici proche de sa source. Après quelques kilomètres à l'extrême est de la Belgique, cette rivière entre en Allemagne, dans le land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. La Roer arrose notamment Monschau avant de finir son cours aux Pays-Bas. Elle se jette dans la Meuse, après 165 km, à Roermond, signifiant littéralement « embouchure de la Roer ». Nous retrouverons ce cours d’eau plus tard...
Au terme de ce tronçon, un peu monotone, nous laissons partir, vers la gauche, le GR 573 : Vesdre et Hautes Fagnes (rencontré lors de l'étape précédente et qui nous aura tenu compagnie pendant environ 11,5 km) et prenons, sur la droite, un étroit sentier. Nous sommes au lieu-dit « La Béole », appellation qui indique qu’il y avait ici une boulaie ; comme dans beaucoup d’autres secteurs, les feuillus ont depuis été remplacés par des épicéas.
Nous rejoignons un large chemin, suivi en quasi ligne droite pendant 1,2 km. Nous tournons ensuite à gauche et continuons la descente, sur l’asphalte. À quelques rares exceptions, nous n’avons que des épicéas autour de nous. C’est à l’époque prussienne, vers 1840, que d’importantes surfaces de landes, créées par l’Homme, ont été enrésinées.
À la fin de ce long parcours asphalté, d’environ deux kilomètres, nous effectuons la pause de midi. Pour nous asseoir, les bancs étant inexistants, nous devons nous contenter de quelques troncs d’arbres. Le GR 56 poursuit sa lente descente, sur un chemin plus agréable, vers le ruisseau de Schwarzbach (581 mètres d’altitude). De l’autre côté du cours d’eau, le chemin, semi caillouteux, s’élève en pente douce et vient longer la « fagne de Cléfaye ». Celle-ci occupe une superficie de 414 ha dont l'immense majorité fait partie de la commune de Waimes. Cette fagne est entièrement entourée par des forêts de résineux.
Au sommet (666 mètres d’altitude), nous traversons une petite route et continuons le parcours forestier. Par une succession de chemins, tantôt asphaltés, tantôt caillouteux, nous descendons jusqu’à la « Kreuz im Venn ».
En juillet 1890, une immense croix en fer a été inaugurée sur le Richelsley, un rocher de 80 m de long et 12 m de haut, formé il y a plus de 400 millions d'années. Le prêtre Arnoldy a fait construire cette croix, à ses frais, en mémoire de Stephan Horrichem, surnommé « l'apôtre des Fagnes ». La Croix des Fagnes, solidement ancrée dans la roche, fait 6 m de haut et pèse 1 338 kg. En septembre 1894, à l’occasion du jubilé d'argent du prêtre Arnoldy, les habitants de Kalterherberg ont érigé, dans la niche naturelle du rocher, une statue de la Vierge Marie. Aujourd’hui encore, l'endroit reste une destination de pèlerinage et de processions.
Dos au rocher, nous prenons un sentier, devenant une piste rocailleuse, et descendons jusqu’à la Vennbahn. Cette ligne, axe direct entre Aachen et la vallée de la Moselle, a été mise en service par les Chemins de Fer Prussiens, en plusieurs sections, entre juin 1885 et novembre 1887. La ligne connut un succès phénoménal et l'itinéraire fut mis en voie double au début du XXe siècle. Après la Première Guerre mondiale, selon le traité de Versailles, la voie ferrée ainsi que ses stations et installations se trouvent entièrement sous la souveraineté de la Belgique (même si une grande partie de la ligne est en territoire allemand) et font donc partie de son territoire, créant ainsi cinq enclaves allemandes du côté ouest de la ligne de chemin de fer.
La Vennbahn n'ayant plus le même succès qu'autrefois, vu qu'une frontière supplémentaire devait être franchie, fut remise en voie unique dans les années 1930. Ligne stratégiquement importante, elle a été plusieurs fois victime de bombardements lors de la Seconde Guerre mondiale. Depuis 2012, la ligne est devenue une grande piste cyclable, permettant en 130 km de relier Aix-la-Chapelle à Troisvierges (au Luxembourg).
Nous traversons ce RAVeL et entrons aussitôt sur le territoire allemand. Le GR 56 descend une route et, après avoir contourné un étang, emprunte le chemin d’accès du monastère de Reichenstein. Le plus ancien château fort de la région de Monschau se dressait ici dès le XIe siècle. Un couvent de prémontrés y fut installé afin d’accueillir les voyageurs et pèlerins qui empruntaient le chemin entre Aix-la-Chapelle et Trèves. En 1802, tous les monastères sur la rive gauche du Rhin ont été dissous par Napoléon. Reichenstein a également subi ce sort, les moines ont été expulsés et le domaine mis aux enchères. En novembre 2007, la Congrégation de Notre-Dame de Bellaigue a acquis les bâtiments pour y fonder un monastère bénédictin.
Pour notre plus grand plaisir, le parcours change radicalement à partir d’ici. Fini les longues et larges lignes droites au milieu des bois, place désormais aux petits sentiers le long de la Roer (Rur en allemand). Après 2,4 km, le tracé blanc et rouge quitte le bord de la rivière et entame une éprouvante ascension (de 472 à 504 mètres d’altitude) vers un belvédère. Au sommet, malgré le temps gris et frais, nous effectuons une petite pause.
Nous suivons un peu le sentier de crête avant d’amorcer la descente vers Monschau. Nous traversons la B258, une route assez dangereuse, et passons ensuite à côté du Brauereimuseum (taverne et musée de la bière). Après environ 500 mètres le long de la Roer, nous tournons à droite et franchissons la rivière. Le GR 56 ne passe pas dans le centre de la petite ville touristique et s’en éloigne assez rapidement.
Nous abandonnons le GR 14 et grimpons ensuite (de 426 à 496 mètres d’altitude) sur un sentier à flanc de colline. Nous progressons ici avec deux itinéraires allemands de randonnée : l’Eifelsteig et la Klosterroute. Le premier permet de découvrir, en 313 km, la belle région de l’Eifel entre Aix-la-Chapelle et Trèves ; le second est un parcours en boucle de 21 km autour de Monschau.
Après un belvédère, nous dévalons tout ce que nous venions à peine de monter pour rejoindre le Perlenbach, l’un des plus longs affluents de la Roer.
Ce « ruisseau des perles » doit son nom à la présence de la moule perlière, moule d'eau douce rare et menacée. Les conséquences négatives de la pêche pratiquée pendant des siècles ainsi que leur processus de reproduction très fragile ont menacé la moule perlière de disparition. En moyenne, une moule sur deux mille contient une perle, l'avantage économique était donc plutôt faible. Aujourd'hui, la moule perlière profite des résultats réjouissants de diverses mesures de protection de la nature, parmi lesquelles figure la suppression des forêts d'épicéas.
Nous franchissons le Perlenbach et traversons un camping avant de passer sous le viaduc de Perlenau. Un peu plus loin, nous montons vers le barrage de retenue et longeons ensuite, pendant 1,5 km, ce lac d’une capacité de 800 000 m³. Construit entre 1952 et 1954, c’est l’un des plus petits lacs de Rhénanie-du-Nord- Westphalie. L’afflux annuel de 44 millions de m³ d’eau est non négligeable : 4 millions sont utilisés pour alimenter en eau potable environ 17 000 ménages et les 40 millions restant sont principalement utilisés pour l’approvisionnement en énergie de la centrale hydroélectrique située au pied du barrage.
Cet agréable parcours, relativement plat, s'effectue sur un large chemin caillouteux. Dans un virage, deux transats invitent à un moment de repos et de quiétude...
Le tracé blanc et rouge atteint l’extrémité du lac et continue le long de la rivière. C’est près de l’Höfener Mühle (le moulin d’Höfen) que nous terminons, après 23 km, cette étape.