GR 56 : Signal de Botrange → Malmedy (20 km) - février 2022
Pendant la Première Guerre mondiale, 22 000 hectares de forêts belges ont été mis à mal tant par les destructions provoquées par les combats que par des exploitations abusives liées aux besoins militaires ou commerciaux des Allemands. En 1919, le pays a reçu, en compensation, les cantons d'Eupen - Malmedy et leurs 33 000 ha de forêts. Par cette annexion d'une partie de la Prusse, la Belgique s'est agrandie de 1 050 km², répartis sur 31 localités.
L'altitude maximale du pays a ainsi été rehaussée de 20 mètres ! Alors que jusque-là, la Baraque Michel, du haut de ses 674 mètres, était le point culminant du territoire, celui-ci a été détrôné par le Signal de Botrange, et ses 694 mètres d'altitude. La première tour en bois, érigée à l’époque prussienne (1889), a été remplacée par la tour actuelle, haute de 24 m, construite en 1934.
Aménagée en 1923, la « butte Baltia » permet d'atteindre artificiellement l'altitude symbolique de 700 mètres. Ce petit tertre a été érigé à l’initiative d'Herman Baltia. Ce major, promu lieutenant-général, assuma la fonction de « haut-commissaire royal » des cantons de l'Est entre janvier 1920 et juin 1925.
L'étape débute par un sentier rectiligne, de près d’un kilomètre, sur les caillebotis. De l’autre côté de la N68 (Eupen - Malmedy), nous abordons un parcours de 2,5 km à travers la fagne de Polleur (ou de la Poleûr). Celle-ci s’étend entre la Baraque Michel et Mont Rigi sur 54 hectares, à une altitude variant de 640 à 675 mètres.
Le paysage de cette fagne, qui a le statut de réserve naturelle depuis 1984, est le résultat de plusieurs siècles d’activités humaines (exploitation de la tourbe, fauchage, pâturage…) qui ont peu à peu transformé les zones boisées originelles en vastes étendues de landes.
Ce tronçon, jadis équipé de caillebotis, est aujourd’hui à 80 % un chemin caillouteux. Nous sommes ici tout près du Mont Rigi dont le nom vient d'un des bourgmestres de Waimes qui avait attribué à certains endroits de sa commune le nom de lieux célèbres ; Rigi est le nom d’une montagne suisse située à proximité du lac des Quatre-Cantons.
En 1861, quelques années après la fin de la construction de la route reliant Eupen à Malmedy, Jacques Walther Hoen créa au milieu des Hautes Fagnes, à l’embranchement de la route qui conduit à Robertville, une auberge. Celle-ci était destinée à offrir une possibilité de repos aux hommes (et à leurs montures) qui s’étaient aventurés sur ce chemin difficile.
Auberge du Mont Rigi, vers 1900
Nous passons à côté du parc synoptique et météorologique de l’IRM. C'est le fils du fondateur de l’auberge du Mont Rigi qui commença, à la fin du XIXe siècle, à relever des données météorologiques comme les températures, les précipitations, la pression barométrique et la direction du vent.
Sur la base de ces données et de celles collectées par d’autres stations météorologiques, on créa des bulletins météo qui furent affichés dans tous les bureaux de poste et bâtiments publics de Rhénanie.
Après avoir suivi un large coupe-feu, le sentier balisé nous emmène le long du ruisseau de Polleur qui deviendra un peu plus loin la Hoëgne. Le GR 56 longe ensuite, pendant 800 mètres, l'escarpement du Bèleu, un versant abrupt (le plus important du haut plateau fagnard) dominant, d'une hauteur de vingt mètres, le ruisseau de Polleur.
Au-delà du « pont de Bèleu », qui permet de franchir le ruisseau, nous tournons à gauche dans un chemin herbeux. Celui-ci descend jusqu’au ruisseau de Polleur que l’on traverse une ultime fois, sur une passerelle en bois, avant de monter un coupe-feu. Le sol étant encore partiellement gelé, nous pouvons cheminer plus facilement sur ce terrain d’habitude fort humide.
Après 300 mètres, nous prenons sur la droite un chemin herbeux, quasi rectiligne, durant 1,7 km. Peu après une sapinière, au niveau des « Six hêtres », nous abandonnons le GRP 573, qui nous accompagnait depuis le début de l'étape. Perdus au milieu de la pessière, les « Six hêtres » (qui ne sont plus que trois) sont des vieux arbres qui abritaient jadis les bergers en cas d’intempéries.
Le GR 56 poursuit brièvement son ascension sur une piste caillouteuse, puis aborde un tronçon un peu plus compliqué, car sans caillebotis, en lisière d’un bois. À la fin de ce bois, nous retrouvons les caillebotis et progressons sur ceux-ci, en descente, pendant un kilomètre, entre la fagne du Setay (sur la gauche) et la fagne du Fraineu (sur la droite).
Nous tournons ensuite à droite sur une petite sente serpentant, parfois sur des caillebotis, le long du Trô Maret, en bordure de la fagne du Fraineu. Durant 3,5 km, nous allons marcher à proximité de ce ruisseau qui prend sa source dans la fagne du Setay (620 mètres d’altitude) et suit la direction du sud.
En pénétrant dans la forêt ardennaise, le Trô Maret se transforme en torrent et se faufile entre d'imposants blocs de quartzite et de grès formant nombre de cascades et de cuves. Il se jette en rive droite de la Warche, à Bévercé, à une altitude de 353 mètres.
Le tracé blanc et rouge traverse la route Hockai - Xhoffraix et poursuit la descente, sur un chemin empierré, toujours au bord du Trô Maret. 1,5 km plus loin, le chemin devient un sentier qui, par endroits, se situe dans le lit du cours d’eau ; les quelques passages difficiles sont sécurisés par une corde en acier. En ce début février, certains tronçons sont encore gelés et nous obligent à redoubler de prudence.
Au lieu-dit « Pouhon des Cuves », grâce à un pont de bois, nous traversons finalement le Trô Maret et prenons un sentier entravé de racines. Arrivés à 430 m d’altitude, nous rejoignons une piste forestière qui monte lentement, à flanc de coteau, en direction de la ferme Libert.
Après cet hôtel-restaurant, nous traversons une prairie aménagée en piste VTT (avec un remonte-pente !) et passons dans deux petits tunnels. Par un chemin empierré, le GR 56 descend vers une forêt de résineux avant de grimper jusqu'à l'ermitage de Bévercé.
Cet armitage a été érigé, en 1446, sous le règne du prince-abbé Henri de Mérode ; depuis lors, les ermites s’y sont succédé sans interruption. Le bâtiment actuel, datant de 1742, a été restauré en 1925 et en 1985, lors de son classement comme monument remarquable.
Au-delà de l’ermitage, nous poursuivons l’ascension avant d’emprunter un étroit sentier qui s’étire parallèlement à la crête. Ce sentier devient ensuite une voie forestière sinuant à flanc de versant et débouchant sur un chemin transversal plus important. À la sortie de la forêt, près du village de Bernister, nous progressons brièvement sur l’asphalte.
Nous tournons ensuite à gauche et abordons une descente d’1,5 km (de 498 à 336 m d’altitude) vers Malmedy. En chemin, nous passons à côté d’un monument érigé à la mémoire du poète Guglielmo Apollinare de Kostrowitzky, alias Guillaume Apollinaire, qui séjourna dans la région durant l'année 1899. Apollinaire aimait se promener dans les Fagnes, si souvent sous la brume.
Le monument formé d’une haute stèle en calcaire bouchardée porte le nom de Guillaume Apollinaire et la date de 1899. Autour, se trouvent de petites stèles portant chacune une partie de l’inscription suivante : « Soyez indulgents quand / vous nous comparez à / ceux qui furent la / perfection de l’ordre, / nous qui quêtons / partout l’aventure ».
Par la rue Outrelepont, nous atteignons le vieux pont sur la Warche. L’ouvrage, vraisemblablement en bois, est déjà mentionné au début du XIIIe siècle. Le premier pont de pierre, comportant sept arches, fut construit entre 1619 et 1622. De graves défauts aux fondations débouchèrent sur sa nécessaire reconstruction en 1765. Le pont est flanqué d’une statue de Saint-Jean Népomucène.
La vie, ou plutôt la mort, de ce saint homme est étroitement liée à ce type d'ouvrage. Nommé aumônier à la cour de Wenceslas, roi de Pologne et empereur d’Allemagne, il s'attira le courroux de ce dernier en refusant de lui révéler le contenu de confessions intéressant le monarque. Après moult pressions, emprisonnements et autres séances de « questions », Wenceslas scella le sort du malheureux.
Saint-Jean Népomucène termina son existence dans le lit de la Vltava, précipité du haut du pont Charles à Prague, le 16 mai 1393. Il fut canonisé en 1729, après quoi sa vie et sa légende se répandirent en Europe. Sa fin tragique le propulsa tout naturellement au titre de protecteur des ponts et, depuis, sa statue orne de nombreux ouvrages d'art.
De l’autre côté du pont, nous nous dirigeons vers la cathédrale de Malmedy où nous terminons cette étape.
➔ Jonction avec d'autres GR
- Le GRP 573 : Tour de la vallée de la Vesdre et des Hautes Fagnes. Au départ de Chaudfontaine, ce sentier de grande randonnée sinue le long de la Vesdre en passant par Pepinster et Verviers. Après Eupen, il remonte la Helle pour déboucher dans les Hautes Fagnes. À partir du signal de Botrange, le GRP 573 suit la Hoëgne jusqu’au pont de Belleheid. De là, il s’en va vers Spa et Banneux avant de revenir, via Fraipont, à Chaudfontaine.