GR 56 : Steinebrück → Ouren (21 km) - mai 2022
C'est à Steinebrück, près de l’ancien bâtiment des douanes, que nous commençons cette étape. Le nom « pont de pierre » (en allemand) fait référence au pont construit, en 1855, au-dessus de l’Our. Jusqu'à l'achèvement de l'autoroute en 1984, Steinebrück avait encore une certaine importance en tant que poste-frontière pour le trafic routier. L'ancien pont n'est aujourd’hui plus utilisé que pour le trafic frontalier local.
Nous suivons sur une centaine de mètres la N646 et franchissons l'Our ainsi que, par la même occasion, la frontière belgo-allemande. Nous tournons à droite pour emprunter un chemin de terre évoluant à proximité du cours d'eau durant environ deux kilomètres. Au début de ce tronçon, nous passons sous l’imposant viaduc de l’E42. Surplombant l’Our à 80 m de haut, ce pont mesure 712 m et sa plus grande travée est de 104 mètres.

Le GR 56 atteint le village d'Hemmeres où nous découvrons une chapelle mariale datant de 1629, mais reconstruite en 1931.

Suite au traité de Versailles, lorsque les régions d’Eupen, Malmedy et Saint-Vith sont devenues belges, les 1,1 km de la ligne de chemin de fer (Vennbahn) qui traversaient Hemmeres devenaient territoire belge. Les Belges auraient alors souhaité incorporer le village, resté allemand, mais cette volonté échoua suite aux protestations des habitants. En avril 1949, Hemmeres est devenu belge suite aux rectifications du tracé de la frontière, mais en 1956, le village est redevenu allemand.
Juste après avoir traversé l’Our, sur une belle passerelle en bois, nous délaissons le RAVeL 47 que nous avions brièvement emprunté. Nous avançons ensuite sur un chemin caillouteux longeant une prairie, mais après 600 mètres, de retour au bord de l’Our, nous retrouvons la piste cyclable. Nous effectuons une petite pause au niveau de l’ancienne halte ferroviaire d’Auel.

À partir de 1889, la quiétude avait déserté le hameau d’Auel, car depuis cette date, les trains, essentiellement des convois de marchandises, traversaient bruyamment la localité à la vitesse « impressionnante » de 40 km/h. Cependant, les trains de voyageurs de la ligne Saint-Vith - Ulflingen (Troisvierges) ne s’arrêtaient pas à Auel.
En effet, lors de la construction de la voie, aucune gare, pas même une simple halte, n’avait été envisagée à cet endroit. Les habitants d’Auel qui voulaient prendre le train devaient se déplacer à la gare de Reuland, à 3 km de leur village. Au début des années 1930, les chemins de fer belges aménagèrent une halte.
Jusqu’à l’invasion de mai 1940, les habitants eurent ainsi la possibilité de prendre le train vers Saint-Vith ou Ulflingen, cinq fois par jour dans les deux directions. En septembre 1944, lors de leur retraite, les troupes allemandes dynamitèrent de nombreux ponts du chemin de fer, dont les quatre enjambant l’Our entre la gare de Reuland et Hemmeres. Les ponts n’ont jamais été réparés et la voie fut démontée en 1954 ; la localité a ainsi retrouvé sa quiétude.

À la sortie d’Auel, nous débutons la première ascension de la journée, sur une petite route de campagne ; en 1,6 km, nous montons de 130 mètres. Au sommet (495 m d'altitude et point culminant de l'étape), nous prenons sur la droite un chemin asphalté et redescendons vers la vallée de l'Our en passant par le village de Steffeshausen.

Revenus au bord de la rivière, nous franchissons celle-ci et, peu après l'ancienne gare de Reuland, nous traversons l’Ulf (un ruisseau de 18 km, affluent de l’Our) et la N693. Par un chemin herbeux, nous grimpons (de 354 à 410 mètres d'altitude) vers Weweler.

Au sommet de cette côte, nous effectuons un aller-retour afin d’admirer la chapelle dédiée à Saint-Hubert. La tour romane du XIIIe siècle est coiffée d’une toiture originale ressemblant à sept petits capuchons superposés. La nef et le chœur (XVe et XVIe siècles) semblent écrasés sous les pentes interminables et successives de leur toit.

Le long de la rue descendant vers Burg-Reuland, nous découvrons une vingtaine de croix et profitons surtout du beau point de vue sur le village et son château (en ruines). Peu avant le centre de la localité (où la nouvelle version du GR 56 ne passe plus), nous croisons le tracé du GR 5 avec qui nous cheminerons tout le reste de l'étape.

La première mention du château date de l’an 963. Vers 1600, la place forte connut de nombreuses transformations avant d’être incendiée par les troupes françaises en 1759. Le plan du château est celui d’un quadrilatère de 65 m sur 55 m.
De trois côtés, de puissants murs avaient été érigés. Au nord, un grand fossé artificiel, maintenant comblé, en interdisait l'approche. La haute et puissante tour, probablement une des plus vieilles parties du château (XIVe siècle), appelée « Bergfried », se situe au sud. Du côté nord-ouest, on trouve une belle tour à coins arrondis.

Juste avant d'atteindre le RAVeL 47, nous prenons, sur la gauche, un sentier progressant parallèlement à l’ancienne ligne de chemin de fer. Le tracé blanc et rouge grimpe ensuite un petit chemin au milieu des genêts.

Au sommet de cette rude montée (474 mètres d’altitude), nous nous reposons quelques instants sur un banc tout en profitant du panorama. Après 300 m sur une petite route, nous nous engageons sur un chemin de terre descendant vers une forêt et contournant la butte du Rotheckberg.

Nous parvenons au bord du Federbach et remontons le cours de ce ruisseau (affluent de l’Our) pendant deux kilomètres. La vallée du Federbach et de son affluent le Reelerfurtbach forme la limite nord de l'enclave de Burg-Reuland, enserrée entre le Grand-Duché de Luxembourg et l'Allemagne.
S'étalant en rive gauche de l'Our sur environ 4 kilomètres, le site comprend un ensemble de zones de sources, pour la plupart situées en prairie vers 450 m d'altitude, et de vallons forestiers encaissés dont le fond est occupé par une mosaïque de végétations très intéressantes.

Nous franchissons le Federbach et remontons (de 404 à 493 mètres d’altitude) sur l’autre versant par un large chemin de terre ; celui-ci évolue d’abord en forêt, puis en lisière d’une vaste prairie.


Au sommet, nous sommes proches du village de Leithum, situé au Grand-Duché de Luxembourg. Durant 200 m, nous marchons sur la frontière entre les deux pays avant de descendre vers Ouren ; un beau parcours à travers bois entrecoupés de prairies ou de champs. Nous aboutissons sur un chemin asphalté, dans le vallon du Schiebach, et descendons celui-ci jusqu’à une route plus importante.


Cette route passe au pied du rocher « Rittersprung » (« le saut du chevalier »), dont voici la légende... Un chevalier était amoureux de l’épouse du seigneur d’Ouren et décida donc de l’enlever. Un plan de fuite et d’une éventuelle poursuite fut élaboré : le cheval fut ferré à l’envers de façon à faire apparaître les traces en sens opposé.
À la nuit tombée, le chevalier et sa dulcinée se rencontrèrent, mais leur fugue fut remarquée et la poursuite organisée. Les nouveaux fers du cheval frappaient bruyamment la roche, mais ne laissaient aucune empreinte ; les fugitifs furent vite rejoints.
L’emprisonnement étant équivalent à la mort pour tous les deux, le chevalier éperonna son cheval et tous les trois se jetèrent dans le vide. Les flots de l’Our atténuèrent le choc, et même si le cheval eut les jambes cassées, le chevalier et sa dulcinée furent sauvés. Le chevalier avait promis d’ériger une chapelle à cet emplacement et comme il ne tint pas sa promesse... il fut frappé par la foudre.

À l’entrée d’Ouren, nous découvrons l’église Saint-Pierre, située dans le hameau de Peterskirchen qui était autrefois indépendant d’Ouren ; le village dit « Ouren » était, lui, groupé autour du château.
Le fait que l'église se trouve en dehors du village, loin du château, laisse supposer que Peterskirchen est l'élément le plus ancien. La nef et la tour de l'église, de style roman, datent du XIIe et XIIIe siècle. L’édifice religieux a été agrandi en 1741 par l’ajout d’un chœur octogonal.

De l'autre côté l’Our, en surplomb du village, nous découvrons le site de l'ancien château. Cet édifice appartenait aux seigneurs d’Ouren, l’une des familles aristocratiques les plus importantes de l’Eifel au Moyen Âge. Fin XVIIIe, début XIXe siècle, le château alors inhabité, comprenait encore de nombreux bâtiments.
Après la destruction de l’édifice en 1794 par les troupes révolutionnaires françaises, les restes du château ont été mis aux enchères en 1845. C’est ainsi qu’aujourd’hui, il ne reste presque plus rien de l’imposante demeure seigneuriale de jadis.
Entre 2013 et 2014, lors de fouilles scientifiques, l’équipe archéologique a mis au jour le mur d’enceinte de la basse-cour et des dépendances dans la partie inférieure ainsi que les restes du château dans la partie supérieure de la colline. On sait à présent que le château d’Ouren, avec ses 3 000 m², était plus grand que celui de Reuland. Désormais, les murs mis au jour sont à nouveau enterrés, à l’abri.

Par une petite route, entre les prairies, nous parvenons, après un kilomètre, au site des Trois-Frontières où nous terminons cette étape. En 1967, Georges Wagner, président de l’Association de l’Eifel-Ardennes, député et président de la Chambre du Luxembourg, proposa d’élever, à l’endroit où se rejoignent les frontières de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg et de l’Allemagne, un monument de l’Europe.
Quatre pierres ont été disposées dans un petit parc ; chacune porte une plaque rappelant un grand nom européen : Konrad Adenauer (Allemagne), Paul-Henri Spaak (Belgique), Joseph Bech (Luxembourg) et Christian Pineau (France). Un cinquième mégalithe évoque la création de l’Union européenne avec la signature du traité de Rome le 25 mars 1957 ; le site a été inauguré le 22 octobre 1977.

➔ Jonction avec d'autres GR
- Le GR 5 : Mer du Nord - Méditerranée. Ce sentier de grande randonnée relie la mer du Nord à la Méditerranée en 2 600 kilomètres. Du nord au sud, il parcourt ainsi les Pays-Bas, la Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg, la France où il traverse les Vosges et le Jura, la Suisse près du lac Léman, puis à nouveau la France à travers les Alpes jusqu'à la Méditerranée.