GR 65 : Pimbo → Uzan (23 km) - août 2018
Ce matin, pour le petit déjeuner, nous avons dû nous débrouiller seuls car Roxane, la propriétaire de la chambre d’hôtes, ne s’est pas levée. Cependant, tout était prêt sur la table et dans le frigo ; il n’y avait plus qu’à appuyer sur l’interrupteur de la cafetière. C’est sous un beau ciel bleu et une température déjà élevée que nous débutons l’étape, vers 8 h 45.
Le tronçon de 7 km entre Pimbo et Arzacq-Arraziguet va malheureusement s’effectuer à 90 % sur de l’asphalte. Le tracé blanc et rouge descend (de 184 à 113 mètres d’altitude) vers la vallée où, comme hier, les champs de maïs occupent l’essentiel du paysage.
Nous franchissons le pont surplombant le Gabas ; cette rivière de 117 km est un affluent de l’Adour. Le cours d’eau marque ici la frontière entre le département des Landes et celui des Pyrénées-Atlantiques. Nous quittons donc déjà, après une journée, les Landes et entrons dans les Pyrénées-Atlantiques où nous cheminerons durant une semaine.
Près du hameau de Boucoue, une inscription sur le mur d’une ferme nous annonce Compostelle à 924 km ; pourtant, 500 mètres plus tôt, un panneau nous informait qu’il ne restait que 921 km pour atteindre Saint-Jacques... Revenus à la même altitude qu’à Pimbo, nous traversons la D32 et suivons une petite route, en faux-plat, pendant 1,5 km.
Le GR 65 retrouve la D32 et l’emprunte sur 500 mètres, puis il continue dans la même direction sur la D946. Selon le topo-guide, nous aurions dû rester sur cette départementale, où un sentier a été aménagé sur le bas-côté, jusqu’à Arzacq-Arraziguet.
Or, après 250 mètres, nous prenons, sur la gauche, un chemin de terre montant entre les champs de maïs. Même si le tracé est un peu plus long que prévu, nous sommes ravis de ce changement de parcours. Au sommet, de retour sur la D946, nous trouvons un magasin où nous effectuons quelques achats alimentaires.
Vers 10 h 30, nous atteignons le centre d’Arzacq-Arraziguet. Si la terminaison en « acq » suggère, à l’origine, la possible villa d’un gallo-romain Aricius ; le village est une bastide fondée par les Anglais au XIIIe ou XIVe siècle.
En octobre 1620, le roi Louis XIII en se rendant à Pau, afin de rattacher le Béarn à la France et d'y rétablir la religion catholique, choisit de passer la nuit précédente à Arzacq où il était sur ses terres. Les noms de Luy-de-Béarn et Luy-de-France, qui désignent deux rivières frontalières (que nous franchirons plus tard), en témoignent.
Nous descendons vers le lac d’Arzacq (d’une superficie de 20 ha) et le contournons par la gauche. En chemin, nous effectuons un petit détour afin d’aller admirer un beau lavoir, du XIXe siècle, en forme de fer à cheval. C’est par un sentier fortement envahi par la végétation que nous revenons sur le tracé du GR 65.
Nous montons dans un petit bois et rejoignons au sommet, 236 mètres d’altitude, une petite route. Le tracé blanc et rouge emprunte cette dernière sur 800 mètres avant de poursuivre sa descente sur un chemin caillouteux. Nous passons à côté de l'arbre du pèlerin sur le tronc duquel sont accrochés de nombreux objets et témoignages.
Arrivés à 103 mètres d’altitude, nous traversons le pont surplombant le Luy-de-France. Ce cours d’eau (85 km), affluent du Luy, prend sa source à Limendous.
Vers midi, nous arrivons à Louvigny. Ce village fut le siège d’une petite vicomté qui résista à l’attraction béarnaise en s’alliant aux Anglais. Le château fort a été détruit une première fois en 1453 ; reconstruit en 1459, il fut définitivement rasé, deux siècles plus tard, sur l’ordre de Richelieu.
Un peu après l’église, dédiée à Saint-Martin et datant du milieu du XXe siècle, nous grimpons un petit chemin creux. Sur ce parcours, nous avons quelques barrières à ouvrir (et à refermer) afin de pouvoir passer.
Du sommet, 172 mètres d’altitude, nous profitons d’un beau panorama et apprécions le changement de décor : des prairies et des bosquets, plutôt que des champs de maïs.
À un carrefour de trois routes, nous prenons celle du centre qui, au-delà de quelques maisons, devient un chemin caillouteux. Pendant deux kilomètres, nous progressons sur cet agréable chemin de crête.
Nous descendons dans un vallon boisé où naît le ruisseau « La Rance », puis nous remontons, en lacets, jusqu’au village de Fichous-Riumayou. Nous effectuons la pause pique-nique, à l’ombre, sous le porche de l’église Saint-Giron. Cette église romane, du XIIe siècle, a été restaurée aux XVe et XIXe siècles.
La fin de l’étape (6,5 km) ne se déroulera malheureusement que sur de l’asphalte. Pour rejoindre le village de Larreule, nous descendons (de 245 à 124 mètres d’altitude) la D978, pendant deux kilomètres. Nous passons près d’un lavoir et allons ensuite visiter l’église Saint-Pierre (200 m hors GR), seul vestige de l’ancienne abbaye.
Cette abbaye a été fondée, en 995, sous l’impulsion du duc de Gascogne, Guillaume Sanche. L’abbaye étant régie par la règle bénédictine, le site fut dénommé « la regula », la règle en béarnais. Malgré la diminution du soutien des seigneurs gascons après la mort de Guillaume Sanche, en 1032, l'abbaye possédait déjà un vaste territoire.
Les moines mirent en valeur leurs terres par de nombreux défrichements et fondèrent les bastides de Larreule, Uzan et Mazerolles. Durant des siècles, l'abbaye a été l'une des trois plus importantes en Béarn avec Lucq-de-Béarn et Sauvelade.
Les guerres de Religion vont porter un coup terrible au monastère. En 1569, Jeanne d'Albret envoie une armée protestante reconquérir le Béarn occupé par une armée royale catholique. Comme de très nombreux autres édifices religieux du Béarn, l'abbaye est saccagée et ruinée. La nef et l'absidiole sud de l'église, ainsi que le cloître roman, sont complètement détruits.
En 1620, le monastère rouvre après le rétablissement du culte catholique en Béarn, mais il ne retrouvera jamais sa prospérité d'antan et ses moyens limités ne permettront qu'une restauration très partielle des bâtiments. À la fin du XVIe siècle, comme la nef romane n'était pas reconstruite, le mur ouest de l'église est érigé pour la clôturer ; le transept de l'ancienne église servant désormais de nef.
L'abbaye périclite peu à peu et est supprimée en 1773 ; l'abbatiale devient l'église paroissiale du village. Sous la Révolution, les bâtiments conventuels sont détruits ; le clocher actuel a été édifié à la fin du XIXe siècle.
Un kilomètre après Larreule, nous traversons le Luy-de-Béarn et entrons ainsi réellement dans le Béarn. Ce cours d’eau de 77 km prend sa source à Andoins ; au pied du château de Gaujacq, il rejoint le Luy-de-France pour former le Luy (affluent de l’Adour). Les trois derniers kilomètres de l'étape s’effectuent, toujours sur l’asphalte, entre les champs de maïs.
Vers 15 h 30, nous atteignons Uzan. Cette bastide a été fondée par les moines de l'abbaye de Larreule, à la fin du XIIe siècle. Près de l’église, dédiée à Sainte-Quitterie, un habitant du village a installé, dans son jardin, une aire de repos pour les pèlerins.
Cet abri « donativo » propose du café, de l’eau avec différents sirops et du cake. Même si nous ne sommes qu’à une centaine de mètres de notre hébergement, nous y effectuons une petite pause en compagnie des deux randonneuses autrichiennes.
Notre logement est un mélange entre un gîte et une chambre d’hôte. Les Perarnaud, un couple d’agriculteurs à la retraite, mettent à la disposition des marcheurs la maison située en face de chez eux. Aujourd’hui, il n’y a que Paul et moi dans cette maison de quatre chambres.
Certains soirs, le couple propose le repas, mais ça ne sera pas le cas aujourd’hui ; néanmoins, à 18 h précise, nous nous rendons à leur domicile pour acheter quelques victuailles (légumes essentiellement). C’est donc en tête à tête que nous mangeons et passons la soirée.