Les Randos de Fred & Paul

GR 5 : Visé → Soumagne (20 km) - février 2018

Il est un peu plus de 10 h lorsque nous commençons cette étape. Depuis le parking de la gare, où nous laissons un de nos deux véhicules, nous nous dirigeons vers la N618. De l’autre côté de cette grand-route, nous remarquons une stèle évoquant les Arbalétriers.

Visé compte dans ses murs trois guildes d'Arbalétriers et d'Arquebusiers. Dissoutes lors de la disparition de l'Ancien Régime, elles se sont, depuis le XIXe siècle, constituées en sociétés d'agréments et défilent dans les rues de la cité mosane deux fois par an.

La compagnie des Arbalétriers fait officiellement son apparition à Visé en 1310. Reconnue comme telle par le prince-évêque Thibaud de Bar, la gilde sera chargée de la défense de la ville et des bateaux qui y accostent ; elle jouira de privilèges pour son aide.

En 1579, alors que règne la campagne militaire entreprise par les Espagnols contre les provinces protestantes, certains poussent à la création d'une seconde confrérie à Visé. La localité est directement menacée par le duc de Parme qui assiège Maastricht et a installé ses quartiers à Visé. Depuis quelques années déjà, la bonne ville cherche à renforcer ses moyens de défense et son armement.

Le 15 mai 1580, Gérard de Groesbeeck, prince-évêque de Liège, entérine la fondation de la compagnie des Arquebusiers et la pourvoit de statuts qui, à l'heure actuelle, régissent toujours les activités de la compagnie. Celle-ci se scinda en deux, en 1909, les francs Arquebusiers d'une part et les anciens Arquebusiers de l'autre.

Visé, compagnie des Arbalétriers

Via un sentier parallèle à la Meuse, à l’autoroute E25 et à la ligne de chemin de fer (Liège - Maastricht), nous atteignons une petite place. Sur celle-ci, nous découvrons le perron ainsi que l’hôtel de ville. En principauté liégeoise, le perron était le symbole de l’autorité du prince-évêque et de ce fait, il servait de plate-forme pour les crieurs publics.

Il devint aussi l’emblème des libertés acquises par les Bons Métiers et la communauté locale. À Visé, le premier perron a été établi, dès le XIIe siècle, sur la place du Marché, puis transféré, en 1340, dans une rue appelée maintenant du Perron, où il resta jusqu'en 1709. Deux perrons, inaugurés en 1960 par le roi Baudouin, ont été replacés près des emplacements originaux.

Visé, perron

Par la charte du 1er octobre 1574, le prince-évêque de Liège accorda l’autorisation d’édifier une « maison de ville ». L’hôtel de ville, construit en 1611 et 1613, est un des plus beaux édifices de style renaissance mosane. Gravement endommagé lors de la Première Guerre mondiale, il fut reconstruit en 1925 et restauré en 2006.

Le clocher bulbeux, qui culmine à près de 34 mètres, abrite un carillon qui joue à l'heure « Où on peut être mieux » d'André Grétry et à la demi-heure le « Valeureux Liégeois » de l'abbé Ramoux, hymne à la révolution liégeoise. À l'entrée, au-dessus de la galerie aux trois arcades, se trouvent les armoiries sculptées des deux bourgmestres bâtisseurs : Frambach de la Haye et Denis de Marets de Charneux.

Visé, hôtel de ville

Nous montons un escalier au pied de l’église Saint-Martin. Selon la tradition, une première église fut érigée en 779 grâce à la bienveillance de la fille de l'empereur Charlemagne. En 1338, le sanctuaire accueille le chapitre de chanoines de Celles qui y transfère les reliques de saint Hadelin (617 - 690). Jusqu’en 1794, l’église a eu le statut de collégiale.

Plusieurs fois réédifiée en douze siècles, elle a été reconstruite, en 1924, suite à l’incendie allumé par l’armée allemande le 10 août 1914. Seul le chœur gothique, datant de 1524 et classé en 1935, fut conservé ; le reste, de style néogothique, a été reconstruit en grès.

À l’intérieur, on découvre la châsse de saint Hadelin, joyau d’orfèvrerie mosane, composé de deux pignons plus anciens (1046) et de huit scènes en argent repoussé (vers 1170) illustrant la vie de ce missionnaire venu d’Aquitaine. On peut aussi admirer le buste-reliquaire, de 1654, contenant le crâne de saint Hadelin.

Visé, châsse de saint Hadelin

Avant de quitter le centre de Visé, nous admirons la statue : la gardeuse d’oies. Ce palmipède a acquis ses lettres de noblesse suite à une légende qui veut que durant la seconde moitié du XIVe siècle, la ville résista farouchement aux soudards du prince-évêque Jean d’Arckel. Parmi les assiégés se trouvait une jeune fille, gardeuse d’oies, qui arracha aux ennemis leur étendard.

Les Visétois ont eu le bon goût de croire en cette légende et de goûter à l’animal qui avait les faveurs de cette jeune fille. De génération en génération, la préparation de ce plat s’est affinée pour en faire aujourd’hui « l’oie à l’instar de Visé ».

Visé, la gardeuse d'oies

À la sortie de la ville, après le cimetière, nous empruntons un chemin de terre, au milieu des champs. Après un kilomètre, nous descendons (de 129 à 84 mètres d’altitude) vers la vallée de la Berwinne. Les sources de cette rivière, qui passe notamment au pied de l’abbaye du Val-Dieu, se trouvent à proximité d’Henri-Chapelle. Après un parcours de 31 km, la Berwinne se jette dans la Meuse, à Mouland.

GR 5 entre Visé et Dalhem

Dans la rue du Chafour, un peu avant une ferme, nous nous séparons du Pelgrimspad qui nous tenait compagnie depuis le début de l’étape ; ce GR hollandais relie, en 460 km, Amsterdam et Visé. Au même endroit, nous rejoignons le tracé du GRP 563 avec qui nous ferons parcours commun jusqu’à Grihanster (Olne), soit environ 17 km sur cette étape et 10 sur la suivante.

Nous pénétrons dans une prairie et suivons, de plus ou moins près, la Berwinne. Sur l’autre rive, nous pouvons voir le château Francotte. Au terme de ce tronçon, très humide par endroits, nous atteignons le village de Dalhem et montons la rue du Général Thys.

GR 5 entre Visé et Dalhem Dalhem, château Francotte

Par la construction, en 1080, du château fort sur l’éperon rocheux dominant les vallées de la Berwinne et du Bolland, Dalhem devint le nom de la terre, puis celui du comté, qui jusque-là s’était appelé Fouron-le-Comte. Il semble que la construction de ce château se soit faite à la suite d’un partage du pays entre les princes de la maison de Luxembourg. De ce vieux château, il ne subsiste qu’un pan de mur haut de 14 m et long de 30 m.

Nous quittons le centre de Dalhem en prenant l'escalier passant sous le Wichet de la Rose. Le terme « Wichet » est une altération du mot guichet, petite poterne dans une enceinte. Ce passage, restauré en 1920, le long des jardins en terrasses est encore utilisé comme liaison entre la partie haute et la partie basse de Dalhem.

Dalhem, Wichet de la Rose

Le GR 5 vient frôler la N604 et monte de suite, à gauche, un sentier à l’arrière des habitations. Nous empruntons ensuite, sur un kilomètre, l’ancienne assiette du chemin de fer vicinal. C'est en 1895 que la société des chemins de fer vicinaux, créée peu de temps auparavant, entreprend la construction d'une ligne entre Liège et Barchon.

Mise en service en 1898, elle sera prolongée jusqu'à Fouron-le-Comte, via Dalhem. Pendant de longues années, cette liaison ferrée permettra d'acheminer à Liège les produits des fermes, mais aussi des armuriers locaux. La connexion au charbonnage de Trembleur permettra ensuite au charbon d'être à son tour acheminé par cette voie à Liège.

GR 5 entre Dalhem et Feneur

Le tracé blanc et rouge descend le chemin de Tongres et atteint, un peu plus loin, une exploitation agricole. Juste avant l’entrée du corps de logis principal, un sentier nous permet de contourner les bâtiments. En suivant une servitude, entre deux clôtures, nous arrivons à Feneur. Le nom de ce village proviendrait de « Fenore » (bon foin), qui s’expliquerait par les prés fertiles le long du Bolland.

GR 5 entre Dalhem et Feneur

Nous traversons la rue de Trembleur et continuons, en face, vers l’église Saint-Lambert. Après celle-ci, nous prenons un chemin caillouteux, en surplomb de la vallée du Bolland, menant à Saint-Rémy. Avant de rejoindre l’église, située le long de la N604, nous franchissons le ruisseau de Bolland.

Ce cours d'eau prend sa source près du centre de Herve. Il passe par le village de Bolland où, canalisé, il alimente les étangs du château. Le ruisseau se jette dans la Berwinne, à Dalhem, après un parcours de 13 km. À Feneur, il alimentait trois moulins, dont un reste en activité.

Nous cheminons une soixantaine de mètres sur la N604 avant de monter, à droite, la voie Marion. Nous passons à côté du presbytère érigé par l'abbé Dubois (curé de la paroisse de 1707 à 1711, puis abbé de l'abbaye du Val-Dieu jusqu'à son décès en 1749). Ses armoiries et sa devise « Recte et fortite » figurent sur le linteau de la porte d'entrée ; elles sont flanquées de la date 1728.

Après un gauche-droite, nous suivons un étroit sentier, entre deux haies, et descendons un chemin très pentu (de 140 à 115 mètres d’altitude) rejoignant la vallée de la Julienne. Pendant trois kilomètres, nous allons progresser dans cette vallée ; un beau parcours essentiellement forestier.

GR 5 entre Feneur et Saive

Le nom du ruisseau fait référence à sainte Julienne de Cornillon (1192 - 1258), religieuse augustinienne et prieure du couvent du Mont-Cornillon, à Liège. Le cours d’eau prend sa source à Retinne (lieu de naissance de la sainte) pour se jeter dans la Meuse à Argenteau. Sur ce tronçon, nous profitons des installations d’un point de contrôle et de ravitaillement d’une marche de la FFBMP pour effectuer la pause pique-nique.

Vallée de la Julienne

Nous passons à proximité du fort de Barchon et franchissons, peu après, le tunnel sous l’E40. De l’autre côté de l’autoroute, juste avant de monter vers un petit bois, nous croisons le tracé de la liaison permettant de rejoindre, en 14 km, le GR 57.

GR 5 entre Feneur et Saive, jonction avec le GR 57

Le GR 5 et le GRP 563 montent (de 126 à 172 mètres d’altitude), à travers bois, rejoindre la N642. Cette route franchie, nous progressons, à nouveau, durant 900 mètres, sur l’ancienne assiette du chemin de fer vicinal.

Sur la gauche, nous découvrons le site du Vieux Château de Saive dont l’on trouve la trace de l'existence dans un document écrit du XIIIe siècle. On peut déduire que sa construction débuta, sans doute un ou deux siècles auparavant, par l'érection du donjon suivi de la construction de la haute cour. La basse-cour et la ferme dateraient du XVe siècle au plus tôt.

Cet ensemble avait une importance stratégique considérable, car situé en territoire liégeois face au duché de Limbourg, il gardait la vallée de la Julienne et les routes environnantes. Sa position permettait un contrôle visuel très étendu. La construction sur un épi rocheux, dominant toute la vallée, garantissait sa défense. Le donjon, haute tour de 10 m de côté sur 20 m de hauteur (hors toiture), lui donnait un aspect de forteresse imprenable.

En 1692, la seigneurie de Saive est vendue à Jean Ernest de Méan dont la famille se fait construire un nouveau château et délaisse l'ancien. Ainsi abandonné, le château tombe peu à peu en ruine. La toiture du donjon s'écroule en 1895, victime de la foudre. En 2008, des bénévoles ont créé l'ASBL « Les Compagnons du Vieux Château » qui s'active depuis à sauvegarder et à promouvoir les ruines.

Saive, vieux château

Nous rejoignons la rue du Grand Moulin et prenons, 300 mètres plus loin, le chemin du Frise. Après la traversée du ruisseau Sainte-Julienne, nous découvrons un beau poteau indicateur. Nous apprenons qu’il nous faudra encore marcher 1 632 km pour atteindre le Mont Blanc ; pour mettre nos pieds dans la Méditerranée, il nous reste 2 115 km à parcourir...

GR 5 entre Saive et Soumagne

Le tracé blanc et rouge emprunte un sentier bucolique se prolongeant par le chemin de la Julienne. Nous arrivons ainsi au hameau du Mousset dont l'étymologie serait : endroit où une rivière « pénètre » (en wallon « mousse ») dans une autre. En effet, le hameau se situe, dans un vallon, au confluent du ruisseau Sainte-Julienne et du ruisseau d'Evegnée.

Ici, tout comme au hameau du Frise où nous étions précédemment, une foulerie utilisait la force motrice du cours d'eau pour « fouler » (rendre plus serré, plus fermé) des draps de serge (grosse laine abondamment produite notamment pour les tenues ecclésiastiques puis militaires).

Nous ne nous dirigeons pas vers le centre de Saive, mais prenons, vers la droite, la rue du Mousset. Par une rue annoncée sans issue, nous grimpons en direction d’une exploitation agricole dite « Ferme des Hospices ». Très vite, ce chemin se transforme en un sentier raviné et encaissé. Au sommet (204 mètres d’altitude), nous suivons, durant près d’un kilomètre, un chemin asphalté au milieu des prairies.

GR 5 entre Saive et Soumagne

Après la traversée de la voie de Saive, nous continuons sur le Thier Hamal et rejoignons, 700 mètres plus loin, la rue Militaire. C’est à ce carrefour que nous croisons le tracé du GR 412 avec qui nous ferons parcours commun pendant 2,7 km.

Le chemin caillouteux, tout en circulant entre les champs cultivés, nous fait passer tout près du fort d’Evegnée. Construit, entre 1888 et 1892, selon les plans du général Brialmont, c'était l’un des douze forts qui composaient la position fortifiée de Liège, à la fin du XIXe siècle.

Contrairement aux forts français édifiés durant la même période, il a été entièrement construit avec du béton non renforcé, nouveau matériau pour l'époque, plutôt qu'en maçonnerie. Le fort a été lourdement bombardé lors de la Première Guerre mondiale ainsi qu'au début de la Seconde Guerre mondiale.

Sur la droite, nous découvrons le terril du Hasard qui, en principe, n’est pas accessible au public. Cependant, de nombreuses personnes le gravissent atteignant ainsi une altitude de 355 mètres, ce qui en fait le plus haut terril de Belgique. Témoin des activités d'autrefois, il survit aux charbonnages du Hasard (fermés en 1974) ; il couvre 44 hectares.

Du sommet, par temps clair, on a une vue imprenable sur le pays de Herve et, au-delà, sur le plateau des Hautes Fagnes. Au sud-ouest, les tours de la centrale de Tihange, au nord la vallée de la Meuse et vers l’est la zone frontalière avec l’Allemagne et les Pays-Bas.

GR 5 entre Saive et Soumagne, terril du Hasard

Pendant 700 mètres, nous empruntons la rue de la Chapelle et tournons ensuite, à droite, sur le RAVeL. Après 600 mètres sur cette voie asphaltée, les GR 5 et GRP 563 abandonnent le GR 412, mais poursuivent, sur la gauche, en compagnie d’une des nombreuses variantes de ce sentier de grande randonnée (ici la boucle des terrils du Hasard et du Bas-Bois).

GR 5 entre Saive et Soumagne, séparation du GR 412

Vers 15 h 20, nous retrouvons, au bord de la N3, la seconde voiture laissée là le matin.

Plan du parcours

➔ Jonction avec d'autres GR

  • Le GRP 563 : Tour du Pays de Herve décrit, au départ de Herve, une grande boucle de 160 km à travers cette région de bocages et de haies vives où les traversées de prairies, grâce à des échaliers, sont nombreuses. Ce sentier de grande randonnée passe notamment par Eupen, Eynatten, La Calamine, Plombières, Aubel, Dalhem, Saive, Olne et Soiron.

  • Le GR 57 : Sentiers de l'Ourthe remonte, au départ de Liège, le cours de l’Ourthe jusqu’au barrage de Nisramont. Ce sentier de grande randonnée se divise ensuite en deux branches : une qui suit l’Ourthe occidentale jusqu’à Libramont ; une autre qui remonte le cours de l’Ourthe orientale vers Houffalize et Troisvierges (Grand-Duché de Luxembourg).

  • Le GR 412 : Sentier des Terrils traverse, sur plus de 300 kilomètres, la Wallonie d'ouest en est. Entre Bernissart et Blegny-Mine, il passe notamment par le Grand-Hornu, l’ancien canal du Centre, le Bois du Cazier et le château de Franc-Waret. Le numéro d'attribution de ce sentier de grande randonnée fait référence au 4 décembre qui est le jour de la fête de Sainte-Barbe, sainte vénérée des mineurs.