Les Randos de Fred & Paul

Camino : Carrión de los Condes → Moratinos (30 km) - avril 2023

Pour info : le parcours décrit ci-dessous emprunte certaines variantes non balisées.

Après un dernier petit-déjeuner (sommaire) en compagnie de Dany et Michel, nous commençons cette longue étape en traversant le centre de Carrión de los Condes ; nous y découvrons l’église Santa María del Camino, puis l’église Santiago.

L’église Santa María del Camino a été construite au milieu du XIIe siècle. À la fin du XVIIe siècle, l'ensemble de l'édifice a dû être restauré. La voûte de la nef centrale a été reconstruite en briques, l'élevant à la hauteur du clocher, ce qui a permis d'ajouter des fenêtres qui ont amélioré l'éclairage. C’est aussi à cette époque que les contreforts de la façade sud ont été installés pour éviter l'affaissement du bâtiment.

Camino Francés : Carrión de los Condes, église Santa María del Camino

La porte d’entrée se trouve dans l'avant-dernière partie du mur sud. Commencée vers 1130, elle se compose de cinq archivoltes semi-circulaires ; les deuxième et quatrième sont soutenues par des chapiteaux historiés. La deuxième archivolte extérieure présente une série de personnages variés, apparemment sans rapport entre eux ni avec le reste de la porte, bien que l'on puisse établir des regroupements selon certains thèmes, comme les métiers, les musiciens ou les vices. Les écoinçons, partiellement mutilés par les nouveaux arcs-boutants, représentent deux cavaliers qui symbolisent la lutte du Bien contre le Mal.

Camino Francés : Carrión de los Condes, église Santa María del Camino

La longue frise supérieure a également été modifiée par l'emplacement des arcs-boutants, de sorte que les extrémités ont été laissées sur la face intérieure de ceux-ci. Sur le côté droit, les reliefs sont illisibles, mais semblaient prolonger le tableau montrant Hérode sur son trône. Au centre de la frise, Hérode apparaît une nouvelle fois, siégeant sur un large trône. À sa droite, les Rois mages se présentent devant lui. Le premier vient s’agenouiller devant le souverain en désignant l’étoile disparue. Le second, muni d’un bâton de pèlerin, se tient debout, en retrait alors que le dernier est encore en marche. Dans la partie gauche de la frise, les Rois mages, cette fois sur leurs chevaux, entament leur voyage vers Bethléem. Le cycle se conclut par l’Adoration ; les deux premiers mages (sur le mur gauche) sont agenouillés, alors que le troisième (sur le mur central) reste debout.

Au-dessus de la frise, les corbeaux, aux figures variées, et les métopes (semblant former un zodiaque) soutiennent une corniche en damier. Neuf corbeaux ont été conservés entre les deux arcs-boutants, mais étant donné la longueur originale de la frise, il est probable qu'il y avait autrefois treize corbeaux et douze métopes.

Camino Francés : Carrión de los Condes, église Santa María del Camino

L'église Santiago a été construite à la fin du XIIe siècle. Elle faisait partie d'un ensemble monastique aujourd'hui disparu, avec un hôpital pour pèlerins à proximité. Les trois nefs qu’elle présentait à l’origine se sont effondrées au XVe siècle. Au début du XIXe siècle, l'église fut ravagée par les flammes lors de la guerre d’indépendance qui opposa l’Espagne à la France. Elle a été reconstruite en 1849, lorsque la tour en brique que nous pouvons voir aujourd’hui a été ajoutée.

La façade occidentale est particulièrement remarquable, formée par une porte en arc en plein cintre avec une archivolte figurative représentant les métiers médiévaux de Carrión. Cette archivolte repose sur une colonne finement sculptée de chaque côté, avec un fût cannelé en zigzag avec des rosettes et des anges en relief. La frise de la partie supérieure représente la Jérusalem céleste avec les apôtres, les quatre évangélistes sous leur forme anthropomorphique et le Christ juge du monde à la fin des temps. L'usure logique du temps, l'incendie de 1811 et les interventions ponctuelles ont laissé des traces sur les pierres de cette frise. L'apostolat, avec six apôtres de chaque côté, est la partie la plus abîmée.

Camino Francés : Carrión de los Condes, église Santiago

Sous l'archivolte, le chapiteau de gauche symboliserait le Bien. On peut voir un lion aux mâchoires ouvertes, représentation du diable, qui tente d'accéder à l'âme d'un Juste protégé par deux personnages qui, d'une main, chassent le malin. En outre, un autre personnage tire l'âme du Juste par les cheveux. Au revers du chapiteau, le lion a déjà refermé ses mâchoires, l'âme du Juste est encore protégée par les anges et dans ses mains se trouve un livre.

Camino Francés : Carrión de los Condes, église Santiago

Le chapiteau de droite symboliserait le Mal, le châtiment du pécheur qui, après avoir été enseveli, voit son corps sorti du tombeau, le laissant nu et sans défense devant deux chiens qui le mordront continuellement, mais sans le dévorer, symbolisant ainsi une torture constante.

Camino Francés : Carrión de los Condes, église Santiago

Nous quittons Carrión de los Condes en franchissant le Carrión sur le « Puente Mayor ». Ce cours d’eau de 179 km est un affluent du Pisuerga. La tradition veut que la construction du pont de pierre qui relie le quartier de San Zoilo au centre-ville soit attribuée à la comtesse Teresa, fondatrice du monastère San Zoilo. Tout au long du XIe siècle, les ponts se sont multipliés le long du chemin de pèlerinage, afin de faciliter le transit des pèlerins et des marchands le long de cette route, conformément à la politique des rois Sancho III et Alphonse VI.

Il s'agissait d'un pont d'au moins sept travées. Il était équipé de portes fortifiées à chaque extrémité, où les alcabalas étaient perçus auprès des marchands et où les pèlerins devaient payer un maravedí pour entrer dans la ville. Entre 1561 et 1563, des dispositions royales ont été établies pour la réparation du pont. L'architecte établit que cinq travées du pont médiéval devaient être démolies et remplacées par quatre nouvelles travées plus larges qui permettraient à la rivière de couler plus librement. Au-dessus des arches, il a conçu une chaussée de vingt pieds de large sur laquelle on pouvait circuler sans risque de glisser. Au XVIIe siècle, des portes baroques en pierre ont été érigées au début et à la fin du pont ; elles ont été démolies au milieu du XXe siècle pour faciliter la circulation automobile.

Camino Francés : Carrión de los Condes, Puente Mayor

De l’autre côté du pont, nous passons devant l’ancien monastère San Zoilo. En 948, l'abbé Teodomiro, qui vivait sur le site actuel avec une petite communauté de moines, acheva la fondation du monastère, qui reçut le nom de San Juan Bautista ou San Juan tras el Puente. Ce monastère changea de nom au XIe siècle avec l'arrivée des reliques du martyr San Zoilo. Les comtes de Carrión, Don Gómez Díaz et son épouse l'Infante Doña Teresa Peláez, encouragèrent la construction d'un nouveau monastère, lequel fut cédé à l'ordre de Cluny en 1076.

C'était un centre religieux et politique du premier ordre, où se tenaient des conseils et des tribunaux. Le monastère servait également de résidence aux rois ; certains y furent même anoblis. Au milieu du XIIIe siècle et pendant deux siècles, diverses circonstances ont entraîné le déclin économique et spirituel du site. À partir du milieu du XVe siècle, le monastère est devenu indépendant de Cluny et a rejoint la congrégation bénédictine de San Benito el Real à Valladolid. Au début du XIXe siècle, le monastère a subi les processus de désaffectation et d'exclaustration, bien que le bâtiment soit resté la propriété de l'évêché de Palencia ; ce dernier l'a cédé en 1854 aux Jésuites, qui y ont construit une école. Le diocèse a vendu le bâtiment en 1992 ; depuis lors, il abrite un complexe hôtelier de luxe.

Camino Francés : Carrión de los Condes, San Zoilo

Au-delà de l’ancien monastère, nous franchissons un rond-point, puis nous traversons la N120 avant de retrouver la « Senda de los Peregrinos ». Pendant 3,6 km, nous marchons sur ce sentier aménagé au bord de la route menant à Villotilla ; ce tronçon est dépourvu de système de sécurité, mais heureusement, le trafic n’y est pas trop important.

Camino Francés entre Carrión de los Condes et Calzadilla de la Cueza

Lorsque la route tourne vers la droite pour passer sous l’autoroute A-231, nous la quittons pour un chemin de terre rectiligne (une ancienne voie romaine) sur lequel nous marchons pendant 11 km ! Ce parcours, presque plat, évolue entre des champs de céréales qui s'étendent à perte de vue. Le long de ce tronçon monotone, quelque peu boisé au début, on trouve deux aires de repos pour les pèlerins.

Camino Francés entre Carrión de los Condes et Calzadilla de la Cueza Camino Francés entre Carrión de los Condes et Calzadilla de la Cueza Camino Francés entre Carrión de los Condes et Calzadilla de la Cueza

Dans le lointain, nous devinons un clocher, puis peu à peu, Calzadilla de la Cueza apparaît devant nous, caché dans une petite vallée. Comme il est presque 12 h 30, nous cherchons un endroit où nous installer pour la pause pique-nique. C’est assis par terre, adossés contre l'église San Martín, que nous mangerons.

Le toponyme de ce village est composé, d'une part, de Calzadilla, diminutif de calzada (qui signifie route ou chaussée) en référence à la voie romaine qui traverse le territoire communal et, d'autre part, de Cueza, en référence à la rivière Cueza qui s’écoule dans la municipalité. Il est curieux de voir, car c'est le premier village de cette partie du Camino à le proposer, les constructions traditionnelles en pisé et en terre battue mélangée à des pierres ou de la paille, la principale matière première utilisée dans les villages de la région.

Camino Francés : Calzadilla de la Cueza

À la sortie de Calzadilla de la Cueza, nous empruntons brièvement la N120 avant d’opter pour une variante, jadis balisée, plus bucolique que l’itinéraire « officiel » qui longe la nationale pendant 5 km. Ce beau tronçon (un kilomètre plus long), essentiellement sur des chemins de terre ou caillouteux, monte d’abord au milieu d’une petite forêt avant d’évoluer en lisière de celle-ci. Nous descendons ensuite vers la Cueza ; cette rivière de 53 km est un affluent du Carrión. Juste avant de rejoindre le cours d’eau, nous tournons à droite et avançons, entre les champs, jusqu’à Ledigos où nous retrouvons le Camino Francés.

Camino Francés entre Calzadilla de la Cueza et Ledigos Camino Francés entre Calzadilla de la Cueza et Ledigos

Après une pause, sur un banc, près de l’église Santiago, un nouveau choix de parcours se présente à nous. Jusqu’à Terradillos de los Templarios, nous pouvons soit rester sur la « Senda de los Peregrinos », à côté de la N120, soit poursuivre sur le tracé principal (400 m plus court) en pleine campagne ; c’est évidemment la seconde option que nous choisissons.

Camino Francés : Ledigos Camino Francés entre Ledigos et Terradillos de los Templarios

Dans les environs de Terradillos, il y avait deux endroits, aujourd'hui dépeuplés et dont il ne reste aucun vestige, qui étaient importants sur le Chemin de Compostelle. L'un étant l'hôpital San Juan, mentionné dans les itinéraires jacobins des XVIe et XVIIe siècles, et l'autre, connu sous le nom de couvent des Templiers, qui a conservé ses installations jusqu'au XVIIe siècle.

Camino Francés : Terradillos de los Templarios

Nous quittons Terradillos de los Templarios et progressons sur un chemin gravillonné, entre les champs, jusqu’à une petite route. Après 450 m au bord de cette dernière, nous prenons, sur la droite, un chemin descendant dans le vallon de Templarios. Nous montons ensuite vers Moratinos et atteignons ce village, où se termine cette longue étape, peu après 16 h.

Camino Francés entre Terradillos de los Templarios et Moratinos Camino Francés entre Terradillos de los Templarios et Moratinos