Camino : Villadangos del Páramo → Hospital de Órbigo (20 km) - mai 2025
Pour info : le parcours décrit ci-dessous emprunte exclusivement des variantes non balisées, hors du tracé officiel.
L’étape initialement prévue n’étant que de 13 km, quasi entièrement le long de la N120, nous optons pour un parcours alternatif (non balisé) ; celui-ci est sept kilomètres plus long, mais offre beaucoup plus de chemins et de sentiers en pleine nature.
En partant de l'hébergement (où le petit-déjeuner se limite au strict minimum), nous longeons la N120, sur 700 m, avant de prendre, sur la gauche, au niveau d’une école (où l’on peut découvrir une belle fresque), un sentier au bord d’un ruisseau. Après 500 mètres, nous quittons le cours d’eau pour rejoindre le centre de Villadangos del Páramo.

Le village semble avoir pour origine une colonie asturienne, conquise par les Romains. Suite aux incursions musulmanes, la cité fut abandonnée vers l'an 714 et le resta jusqu'au repeuplement, entrepris par les rois de León, à la fin du IXe siècle ou au début du Xe siècle. Ce repeuplement était un effort conscient pour reconquérir le territoire et redonner vie à la région.
Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les habitants se consacraient principalement au petit élevage (ovins et caprins) et à l'agriculture de subsistance. Grâce à l'arrivée du chemin de fer, un petit noyau d'industries et d'entreprises commerciales émergea, offrant au village une période de progrès considérable.
Après le remembrement des terres et le lancement du projet d'irrigation du Páramo (1967), Villadangos entra dans une nouvelle période de développement agricole et d'élevage, parallèlement aux secteurs des services et de l'industrie.
Ce projet d'irrigation est basé sur la construction du lac de barrage de Barrios de Luna, à partir duquel l'eau est largement envoyée à travers un vaste réseau de canaux et de fossés. Cela a permis aux agriculteurs d’étendre leurs cultures et d’améliorer considérablement leur production, profitant ainsi à l’économie locale.
L’église, dédiée à Santiago Apóstol, a été construite à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle ; le clocher semble avoir été achevé vers 1707. La partie supérieure de la porte d’entrée, datant de 1735, présente des reliefs naïfs faisant référence à la bataille de Clavijo, où sont représentées l'apparition de Santiago au roi Ramiro I et sa victoire sur Abderraman II.


Nous traversons la N120 et retrouvons très brièvement le tracé du Camino Francés. À la sortie de Villadangos del Páramo, juste avant le canal de Villadangos, nous abandonnons le parcours balisé pour marcher, durant 1,5 km, au bord du canal.
Cet ouvrage de génie civil, entièrement situé dans la province de León, a été inauguré en 1969. Le canal s'étend sur 17,5 km et irrigue 6 188 hectares de terres agricoles grâce à l'eau du réservoir de Barrios de Luna. Ce dernier, d’une capacité de 300 millions de mètres cubes, a été inauguré en 1956.

Nous prenons ensuite, vers la gauche, un autre chemin de terre qui nous mène, à travers la plaine agricole, jusqu’à Celadilla del Páramo. La tranquillité de ce parcours n’est perturbée que par les nombreux coassements des grenouilles, bien cachées dans les fossés humides.

Dans le village, nous remarquons une fresque évoquant la Via Künig qui correspond au Chemin de Saint-Jacques réalisé par le moine servite Allemand Hermann Künig entre l’été 1488 et la fin de l’année 1490. Son tracé et ses caractéristiques nous sont bien connus puisqu'il l’a parcouru précisément dans le but de rédiger le premier guide du pèlerin de Saint-Jacques.
Publié pour la première fois en 1495, l’ouvrage fut si populaire qu’il fut réédité quatre fois par la suite. Au cours de son long pèlerinage (près de 2 400 km à l’aller et autant au retour) à travers l’Europe, Künig a emprunté différents itinéraires. Beaucoup d’entre eux sont encore utilisés aujourd’hui et sont connus, comme la « Via Tolosana », la « Via Piemonte » ou encore le « Camino Francés ».
Künig a aussi emprunté d’autres parcours, moins célèbres, dont un ici entre Villadangos del Páramo et Ponferrada via Santa Marina del Rey. Cet itinéraire, plus facile, évite les hauteurs des Montes de León ; il passe à une altitude de 1 100 mètres au lieu des 1 500 mètres (sur le Camino Francés).

Après une pause, nous poursuivons la randonnée en direction de la rivière Órbigo. Sur ce tronçon de 5 km, entièrement sur des chemins de terre ou caillouteux, au milieu des champs et prairies, nous franchissons successivement le canal général du Páramo et le canal de Cerrajera.
Le canal général du Páramo, inauguré en 1962, s'étend sur 14,5 kilomètres entièrement dans la province de León. Avec ses canaux dérivés, il permet l'irrigation de 16 900 hectares de terres agricoles grâce à l'eau du lac de barrage de Barrios de Luna.
Le canal de Cerrajera (dont la première mention date de 1315) prend sa source à Villanueva de Carrizo et longe l'Órbigo, sur 42 km, jusqu'à San Martín de Torres, où il restitue ses eaux à l'Órbigo. Son objectif était d’amener l’eau de l'Órbigo jusqu’à la ville de Santa Marina del Rey, alors propriété de l’évêché de la cathédrale d'Astorga.



Arrivés au bord de l'Órbigo, nous progressons, durant 2,5 km, sur des chemins herbeux le long du cours d’eau. D’une longueur de 162 km, l'Órbigo (issu de la confluence des rivières Luna et Omaña) est un affluent de l’Esla. Nous effectuons la pause de midi dans un parc, non loin de Santa Marina del Rey avant de traverser l'Órbigo sur un pont barrage.



Nous reprenons ensuite la progression le long de la rivière, pour un parcours de six kilomètres, tantôt sur des chemins herbeux ou de terre, tantôt sur un chemin asphalté, au milieu de la forêt. De temps à autre, nous nous rapprochons de l'Órbigo qui, suite aux précipitations des dernières semaines, a un débit fort élevé.



Vers 14 h 30, nous arrivons à Hospital de Órbigo où nous retrouvons le tracé du Camino Francés et où se termine cette belle étape. Pour rejoindre le centre de la localité, nous empruntons le pont médiéval qui traverse l’Órbigo ; avec ses 310 mètres de long, c’est le plus long pont de la route jacquaire.
Ce pont semble bien trop grand pour la rivière, mais avant la construction du barrage de Barrios de Luna, l’Órbigo était beaucoup plus large. Comme l’eau est désormais autant déversée dans les canaux que dans la rivière, son débit s’est considérablement réduit.
Datant du XIIIe siècle, il a été construit à l’emplacement d’un pont situé sur la voie romaine qui reliait Legio (León) et Asturica Augusta (Astorga). Suite à de nombreuses inondations, le pont a souvent été restauré et transformé ; il a cependant conservé une partie de sa structure originale avec ses arcs en ogive.


Ce pont est appelé « Puente del Passo Honroso » en raison du geste du chevalier Don Suero de Quiñones qui, se sentant prisonnier de l'amour de Doña Leonor de Tovar, fit la promesse de jeûner tous les jeudis et de porter un lourd anneau de fer autour du cou comme symbole de son amour pour elle.
Pour se libérer de cette captivité, il eut l'idée de combattre pendant 30 jours (entre le 10 juillet et le 9 août 1434), avec neuf compagnons, contre tout chevalier qui tenterait de traverser le pont. S’ils refusaient de participer, ils devaient déposer un gant en signe de lâcheté et traverser la rivière à gué.
Soixante-huit chevaliers issus de toute l’Europe relevèrent le défi. Don Suero était censé continuer jusqu’à ce que 300 lances soient brisées, mais il fut blessé et les juges du concours décidèrent que 166 lances brisées étaient suffisantes pour le libérer de son engagement.
Une fois le tournoi terminé et sa victoire acquise, Don Suero partit en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, comme il l'avait promis. Arrivé au tombeau de l'apôtre, il laissa en offrande l'anneau et le ruban bleu symbolisant son amour pour la dame.
Sur le pont, depuis 1951, un monolithe a été érigé, répertoriant les noms des chevaliers qui ont accompagné Don Suero, perpétuant sa mémoire.
