Camino : Rabanal del Camino → El Acebo (17 km) - mai 2025
Après un petit-déjeuner très sommaire, nous quittons notre hébergement vers 8 h 30. Près de l’église Notre-Dame de l'Assomption, nous retrouvons le tracé du Camino Francés que nous suivrons en intégralité aujourd’hui.
Cette église romane du XIIe siècle, liée à l'Ordre du Temple, conserve son abside d'origine et un élégant clocher-mur des XVIIe et XVIIIe siècles qui se distingue par son horloge du XIXe siècle.

Rabanal del Camino était, au Moyen Âge, un centre important dans l'histoire du pèlerinage jacobite, abritant plusieurs hôpitaux et églises, construits par les moines templiers, et devenant un point de rencontre pour les pèlerins qui s'apprêtaient à affronter le prochain mont Irago.
À la sortie du village, près d’un lavoir et d’une fontaine, débute un chemin de terre, bordé de chênes ; durant un kilomètre, nous suivons celui-ci, en légère montée (de 1 162 à 1 193 m d’altitude). Nous traversons la LE-142 avant de nous engager, de l’autre côté, sur un chemin de terre.


Une grande partie de la randonnée du jour se passera à proximité de la LE-142, cette route, déjà croisée lors de l’étape précédente, relie, sur 54 km, Astorga à Ponferrada. Peu fréquentée par les voitures, cette route fait aussi le bonheur des cyclistes qui évitent ainsi certains tronçons rocailleux.
Au-delà d’une aire de repos, peu utilisée (les marcheurs préférant souvent s’arrêter aux bars et restaurants dans les villages), nous franchissons la LE-142 et poursuivons l’ascension (de 1 249 à 1 408 m d’altitude) sur un agréable sentier sinuant entre les bruyères, les genêts blancs et les ajoncs.



Environ trois kilomètres plus loin, nous passons à nouveau la LE-142 et arrivons, vers 10 h 15, à l’entrée de Foncebadón. Au-delà d’une croix en bois, nous effectuons une petite pause dans ce village qui possède une longue histoire.

Au Xe siècle, à la demande du roi Ramiro II, tous les évêques du Royaume de León se réunirent à Foncebadón pour discuter des mesures à prendre pour tenter d'atténuer les excès incessants que commettaient ici les bandits, abrités par la topographie et le climat montagnard.
Au siècle suivant, l'ermite Gaucelmo fonda une auberge et une église qui, des années plus tard, devint un monastère. En reconnaissance de ce travail, le roi Alphonse VI accorda, en 1103, à Foncebadón, le privilège de ne pas payer d'impôts à perpétuité, un privilège qui fut ratifié par les rois suivants.
En grande partie en raison des difficultés économiques auxquelles il était confronté, à la fin des années 1960, le village a commencé à être abandonné. En quelques années, la population a chuté drastiquement, passant d'une centaine à deux habitants.
Du fait de cet abandon, Foncebadón, comme beaucoup d'autres villages de la région, a été victime de pillages, qui ont gravement endommagé les maisons. Grâce aux marcheurs qui empruntent, de plus en plus nombreux, le Camino Francés, le village renaît peu à peu. On y compte aujourd’hui plusieurs bars, restaurants et gîtes.
À la sortie de Foncebadón, nous poursuivons, pendant un kilomètre, l’ascension (de 1 435 à 1 490 m d’altitude) sur un large chemin de terre contournant la crête. Nous traversons, encore une fois, la LE-142 et prenons ensuite un sentier, en surplomb de la route, évoluant au bord d’une pinède.



700 m plus loin, nous parvenons au pied de l’emblématique Cruz de Ferro ou Croix de Fer. Ce monument, constitué d'un gros tas de pierres jetées par les pèlerins en chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle, est couronné par un grand mât en bois de 5 mètres de haut, sur lequel repose une croix de fer.
L'origine de cette tradition n'est pas entièrement connue, mais on pense qu'elle remonte aux Romains. À cette époque, il était très courant d'ériger ce type de monument en l'honneur du dieu Mercure aux frontières entre deux territoires et les pierres étaient comme une offrande à son égard.

Au début du XIe siècle, ce monticule a été christianisé par l'ermite Gaucelmo qui plaça le mât avec une croix au sommet. La croix actuelle est une réplique de l'originale qui est conservée au Musée des Chemins, dans le palais épiscopal d'Astorga.
Récemment, les pèlerins ont aussi adopté la « coutume » de placer sur le monticule des photos personnelles, des notes manuscrites ou des objets apportés de chez eux pour remplacer le caillou traditionnel. Une chapelle dédiée à Saint-Jacques a été construite, à côté de la croix, en 1980.

Pendant environ 2 km, nous marchons sur un sentier, en légère descente, le long de la LE-142. Dans le lointain, nous devinons les Montes de León. Cette chaîne de montagnes, marquant l'intersection géologique entre les Monts Cantabriques et le Massif Galicien, comprend notamment le Teleno à 2 188 m.


Durant 500 mètres, le temps de traverser Manjarín, nous revenons sur la LE-142. L'origine de ce hameau de montagne pourrait être liée au repeuplement initié par le comte Gatón au IXe siècle, mais la première mention historique remonte à 1180.
En réalité, l'histoire et le développement du lieu sont étroitement liés au chemin de Compostelle et, dès le XIe siècle, un abri pour les pèlerins y fut construit par Gaucelmo (encore lui). De 1964 à 1993, Manjarín était totalement inhabité.
Aujourd'hui, on y trouve un gîte où vit le seul habitant Tomás, un ancien pèlerin. Après avoir - selon ses dires - ressenti l'appel des Templiers, il décide de tout abandonner et de réhabiliter l'ancienne école pour la transformer en auberge. Il propose 35 places sur des matelas au sol, sans douches ni eau chaude.

Nous quittons l’asphalte et le hameau de Manjarín pour emprunter une succession de sentiers caillouteux sur lesquels l’ascension reprend (de 1 432 à 1 508 m d’altitude) du côté droit de la route d’abord, sur la gauche ensuite.


Peu après une zone militaire, nous parvenons au point culminant de l’étape ainsi que du Camino Francés. À partir de là, débute une descente (de 1 508 à 1 120 m d’altitude), de quatre kilomètres, nous menant au village d’El Acebo.
Si nous profitons toujours d’un beau et vaste panorama ainsi que d’agréables sentiers au milieu d’une végétation luxuriante, il convient cependant de bien faire attention sur certains tronçons plus rocailleux.



Vers 14 h, nous arrivons à El Acebo où nous devons, pour rejoindre notre hébergement, traverser tout le village qui ne possède qu’une seule rue qui est, en fait, la LE-142.
El Acebo, dominé par des toits d'ardoise et des balcons en bois, est mentionné pour la première fois dans des écrits au XIIIe siècle. Le village possédait déjà un hôpital et une auberge pour les pèlerins au XVe siècle, dont l'exploitation s'est prolongée jusqu’au XVIIe siècle.


Au XVe siècle, les Rois Catholiques ont accordé des privilèges royaux à cette charmante enclave de montagne ; ceux-ci étaient cependant assortis d'une contrepartie : « Nous ordonnons au Conseil des bons habitants de ladite localité d'Acebo de placer huit cents poteaux le long de toute la route reliant la ville d'Acebo à l'hôpital de Fuencebadón.
Ces poteaux devront être plantés dans le sol et la plupart d'entre eux devront être en saillie et découverts afin que, même si la neige tombe sur ledit port au point de recouvrir la route, tous les poteaux restent découverts afin que les pèlerins puissent s'y orienter et rejoindre la ville », expliquent-ils.